Echos CFSR. Innovations en rétine médicale et chirurgie

À quand l’intelligence artificielle dans nos cabinets ?
D’après l’intervention de Sébastien Guigou
Les applications de l’intelligence artificielle (IA) sont présentes dans nos vies professionnelle et personnelle et certaines peuvent être utilisées au cabinet dès aujourd’hui. L’IA va ainsi permettre d’augmenter les capacités de dépistage, d’améliorer le flux de travail, de diminuer la charge de travail et de libérer du temps médical pour les cas complexes.
Applications de l’IA pour la réfraction
Plusieurs systèmes d’IA permettent aujourd’hui d’automatiser la réfraction :
- Glasspop, mis au point par Nidek, est un kiosque autonome permettant de faire une mesure de réfraction sans assistant ;
- le logiciel ISee, développé par le Dr Morizet, permet un profilage précis du patient et définit une stratégie appropriée de réfraction. Quel que soit l’âge, on peut obtenir une réfraction normalisée ;
- la société Luneau propose également une solution de réfraction associée à un automate EyeRefract, permettant d’analyser la réfraction, la topographie cornéenne, la pachymétrie, la tonométrie, la rétinographie... Un examen complet est ainsi réalisé et interprété à distance.
Applications de l’IA pour le dépistage de pathologies rétiniennes
Le système Ophdiat, développé grâce à la collaboration entre l’AP-HP (hôpital Lariboisière), le La TIM (Brest), Evolucare et ADCIS, permet le dépistage rapide de la rétinopathie diabétique, de la DMLA et du glaucome avec un haut niveau de sensibilité. La solution ophtAI va maintenant être intégrée sur les plateformes de certaines machines (Eyeneed, e-ophtalmo, Alpilogic) avec une application en ligne.
En pratique, la rétinophotographie couleur du patient est envoyée dans le cloud, puis l’algorithme renvoie un rapport en moins de 3 secondes indiquant la présence et le stade de la rétinopathie diabétique ainsi que la nécessité d’adresser ou non le patient à l’ophtalmologiste. De plus, les anomalies sont pointées sur la photographie couleur pour montrer les lésions qui ont été prises en compte pour le grading et l’intervalle de confiance est précisé. De même, Eyenuk, un autre gros acteur de l’IA aux États-Unis, propose également une solution similaire ayant aussi le marquage CE.
Ces systèmes ont montré un haut niveau de sensibilité, supérieur à ceux obtenus par des ophtalmologistes non experts.
Aujourd’hui, l’IA semble donc prête à entrer dans nos cabinets et nos services en tant qu’outil d’aide à la décision, de capacité de dépistage et de diagnostic augmentée. Des limites restent présentes, telles que notamment la fiabilité des bases de données, la réglementation, le modèle médico-économique, les contraintes juridiques...
Chirurgie rétino-vitréenne robotisée
D’après l’intervention de Jean-Pierre Hubschman
En chirurgie vitréo-rétinienne, le corps humain a ses limites, notamment le tremblement physiologique, l’impossibilité de percevoir des forces de très faibles amplitudes et une discrimination limitée du relief. Au cours de la chirurgie vitréo-rétinienne, nous approchons de très près ces limites physiologiques. La canulation d’un vaisseau de 120 microns de diamètre par exemple est quasiment impossible en raison de ce tremblement physiologique de 100 microns. L’assistance robotisée va donc nous permettre d’améliorer la précision de nos mouvements, notre capacité de détection et notre aptitude à prendre les bonnes décisions.
Deux plateformes robotisées ont déjà été testées sur des patients : le robot MINUTIA, basé sur un principe de contrôle conjoint et simultané d’un instrument chirurgical par la main d’un chirurgien et le bras robotisé ; et le système PRECEYES, construit sur un modèle de télémanipulation où l’instrument chirurgical est monté sur un bras robotisé lui-même contrôlé par le chirurgien par un joystick. Ce système a reçu le marquage CE et est déjà utilisé dans 3 hôpitaux européens (figure 1).
Ces deux plateformes améliorent de façon considérable la précision de manipulation, la filtration du tremblement, la modification de l’échelle des mouvements. L’intégration de l’IA à ces plateformes améliorent nos capacités de détection : le traitement en temps réel des informations OCT et vidéo augmente le feed-back visuel et peut même être transformé en feedback tactile sensitif. L’analyse de ces données d’imagerie montre qu’il est possible de contrôler la trajectoire des instruments en intraoculaire, de gérer les niveaux de coupe et d’aspiration et même d’automatiser complètement ou partiellement certaines manœuvres chirurgicales. L’assistance robotisée va donc permettre d’améliorer les performances chirurgicales pour diminuer le taux de complications, mais aussi à terme réaliser tout ou partie de la chirurgie quasiment sans intervention humaine.
Les applications de la chirurgie robotisée sont tout d’abord et principalement la chirurgie de la cataracte, mais également certaines manœuvres au cours de la chirurgie vitréo-rétinienne, telles les injections sous-rétiniennes, la canulation de vaisseaux et la dissection de la membrane épirétinienne (figure 2). Concernant la chirurgie de la membrane épirétinienne, les informations OCT et photographiques intégrées par le robot permettront de mieux guider le geste chirurgical et, par exemple, de mieux visualiser le bord décollé de la membrane. Concernant les injections sous-rétiniennes ou canulation vasculaire, le robot permettra une canulation très précise de la lumière vasculaire et une injection lente et régulière du produit. De même, l’utilisation de l’IA va permettre d’automatiser certaines manœuvres comme le polissage capsulaire postérieur au cours de la chirurgie de la cataracte. Cette technologie a un grand potentiel mais il reste encore certaines belles barrières, en particulier l’obtention de data de qualité pour entraîner ces algorithmes et la nécessité de traiter en temps réel des volumes extrêmement importants d’informations.
Les nouveaux vitréotomes
D’après l’intervention de Sébastien Bruneau
Les évolutions récentes des générateurs de vitrectomie visent à augmenter et à améliorer la stabilité du vide afin de compenser la réduction du calibre des vitréotomes. La finalité est l’optimisation de la fluidique et du flux dans le vitréotome. Les paramètres qui influencent la fluidique sont :
- les propriétés rhéologiques du vitré : la coupe du vitré permet de réduire sa viscosité ;
- la fréquence de coupe : une haute fréquence permet de réduire la résistance au flux et la traction mécanique et ainsi de diminuer le risque de déchirure iatrogène ;
- le cycle de travail « duty cycle », qui est le rapport entre l’ouverture et la fermeture du pore du vitréotome.
Un duty cycle « simple coupe » montre un temps d’ouverture/fermeture équivalent à 50% chacun sur un cycle. Mais quand la vitesse de coupe augmente, le temps d’ouverture du vitréotome diminue. Ainsi, des systèmes de vitréotomes à double coupe ont été développés (DORC ou Bausch et Lomb). Ces systèmes double coupe avec 2 guillotines permettent d’avoir 2 coupes par cycle et de ne pas réduire le temps d’ouverture/fermeture par cycle. La vitrectomie hypersonique est une alternative prometteuse à la guillotine, développé par Bausch et Lomb. Dans ce système, le vitréotome ne présente qu’un seul pore ouvert en continu et des oscillations antéropostérieures de 40 à 60 microns à très haute fréquence, créant en regard du vitréotome une zone de liquéfaction du vitré en regard du pore en toute sécurité.
Chirurgie moderne des trous maculaires
D’après l’intervention de Frédéric Matonti
Les trous maculaires ne sont curables que depuis une trentaine d’années grâce à la technique historique développée par Kelly et Wendel fondée sur la réalisation d’une vitrectomie, le décollement de la hyaloïde postérieure et le tamponnement par gaz. Les résultats ont ensuite été améliorés par les techniques de pelage de la membrane limitante interne, permettant une amélioration anatomique (94 % de fermeture) et fonctionnelle ainsi que la réduction du risque de réouverture (0,39% avec vs 7,2 sans pelage de la limitante interne). Cette supériorité a été confirmée par plusieurs études et des méta-analyses. Certaines interrogations concernant la sécurité du pelage de la limitante interne ont été soulevées, avec notamment le risque de microscotomes et de réduction de la sensibilité au contraste. Cependant, les études les plus récentes montrent que la sensibilité au contraste et les altérations structurelles (DONFL en OCT) s’améliorent progressivement dans le temps et n’entraînent pas d’altération de la qualité de vie.
En cas d’échec d’une chirurgie de trou maculaire, beaucoup de procédures ont été proposées mais contrairement à la chirurgie primaire, les résultats obtenus sur les échecs retrouvent certes des résultats avec un succès anatomique mais les résultats fonctionnels sont beaucoup plus hétérogènes. La réalisation d’un flap de membrane limitante interne a été proposé, qui permet notamment d’augmenter le taux de fermeture surtout pour les trous de grande taille (supérieurs à 600 microns) et les trous du myope fort.
En cas d’échec chez un patient ayant déjà eu un pelage de limitante interne, un lambeau libre peut-être proposé, ou la mise en place d’une capsule cristallinienne, permettant d’augmenter le taux de fermeture des trous réfractaires ou de très grande taille. Le plasma autologue riche en plaquettes a été également proposé dans ces situations.
Enfin pour les trous géants de plus de 2 000 microns ou les trous du myope fort avec décollement maculaire, les équipes ont proposé des autogreffes de rétine ou des greffes de membrane amniotique.
Gestion de la prolifération vitréo-rétinienne sévère en 2021
D’après l’intervention de Vincent Soler
La prolifération vitréo-rétinienne (PVR) est aujourd’hui responsable de la majorité du taux d’échec de la chirurgie du décollement de rétine, mais sa gestion reste controversée.
En l’absence de traitement préventif, sa prise en charge reste uniquement chirurgicale et repose principalement sur la réalisation d’une vitrectomie qui peut être associée à une rétinectomie ou à une indentation sclérale.
La revue de la Cochrane Database souligne le faible nombre d’études sur ce sujet, et notamment d’études comparatives randomisées pour comparer la vitrectomie seule à la vitrectomie + indentation sclérale.
Concernant les cas de décollement de rétine avec PVR, certaines études (Storey et al., Retina 2014 ; Mancino et al. , BMC Ophtalmol 2015) concluent à une supériorité en termes de résultat anatomique de la vitrectomie + indentation par rapport à vitrectomie avec rétinectomie. Mais d’autres études, au contraire, ne retrouvent pas de supériorité (Lai et al., Ophthalmology, 2016 ; Eleinen et al. ; Eye 2018). Aucune étude n’a rapporté de supériorité de la rétinectomie par rapport à la vitrectomie + indentation.
Ces résultats variables s’expliquent par le faible nombre d’études comparatives, l’absence d’étude randomisée et les nombreux facteurs confondants (l’ovalisation DR déhiscences, LA, traumatisme, sévérité PVR...). En conclusion, la rétinectomie ou l’indentation sont des adjuvants efficaces pour traiter la PVR. La littérature récente semble plutôt en faveur de l’indentation adjuvante mais d’autres études randomisées sont nécessaires.