Diagnostics différentiels du rétinoblastome
Environ 20% des patients adressés pour une suspicion de rétinoblastome présentent une pathologie simulant un rétinoblastome ou « pseudo-rétinoblastome » [1,2]. La persistance de la vascularisation fœtale (PVF) est la pathologie pédiatrique pouvant le plus fréquemment simuler un rétinoblastome chez les enfants de moins de 1 an, alors que chez ceux de plus de 2 ans, la maladie de Coats est le diagnostic différentiel le plus fréquent [1,2].
Persistance de la vascularisation fœtale
La PVF est souvent unilatérale et associée à une microphtalmie, ce qui aide à orienter le diagnostic. Trois formes de PVF sont classiquement décrites, selon la localisation antérieure, postérieure ou mixte des anomalies vasculaires. La forme mixte, la plus fréquente, associe une membrane fibrovasculaire rétrocristallinienne et un cordon hyaloïdien reliant la capsule postérieure du cristallin à la papille optique.
Cette membrane fibrovasculaire rétrocristallinienne peut entraîner, dans les formes sévères, un étirement centripète des procès ciliaires, signe caractéristique de la maladie. Au niveau postérieur, des tractions vitréo-rétiniennes non extensibles peuvent être à l’origine d’un décollement de rétine (figure 1), notamment au cours de la croissance du globe oculaire.
L’échographie permet de confirmer l’absence de masse tumorale et de visualiser la persistance de l’artère hyaloïdienne et la longueur axiale réduite. La prise en charge chirurgicale précoce des formes sévères, suivie d’une prise en charge rigoureuse de l’amblyopie, améliore le pronostic visuel des yeux atteints d’une PVF.
Maladie de Coats
Des télangiectasies périphériques caractéristiques et des exsudats jaunâtres unilatéraux, en l’absence de masse à l’échographie, chez un enfant de sexe masculin, permettent d’orienter vers un diagnostic de maladie de Coats (figure 2). Les enfants de moins de 3 ans présentent en général des formes plus sévères de la maladie au diagnostic, avec souvent un décollement de rétine total (figure 3) [3]. La présence d’un nodule sous-fovéolaire ou d’un macrokyste ne doit pas être interprétée à tort comme une masse tumorale (figure 2) [4]. Le traitement des télangiectasies par photocoagulation laser permet, dans les stades précoces, le contrôle de l’exsudation maculaire. Le recours à la chirurgie vitréo-rétinien ne est souvent nécessaire dans les cas avancés afin de préserver le globe oculaire.
Autres diagnostics différentiels ophtalmo-pédiatriques
Parmi les autres diagnostics différentiels retrouvés avant l’âge de 1 an, les hémorragies vitréennes denses et les décollements de rétine d’étiologies diverses font toujours évoquer la possibilité d’un rétinoblastome. Il peut en être de même pour certaines malformations d’aspect blanchâtre au fond d’œil telles que les colobomes chorio rétiniens. D’autres pathologies, comme la toxocarose rétinienne, la vitréo-rétinopathie exsudative familiale, la persistance de fibres à myéline et l’endophtalmie endogène sont plus fréquemment retrouvées parmi les diagnostics différentiels après l’âge de 5 ans. La toxocarose oculaire peut se présenter chez le jeune enfant sous la forme de granulomes postérieurs ou périphériques, souvent associés à une hyalite, pouvant donc simuler un rétinoblastome avec essaimage vitréen. Cependant, l’éventuel contexte épidémiologique, la présence de tractions vitréo-rétiniennes et l’absence de calcifications orientent le diagnostic, qui peut être confirmé par sérologie sanguine avec recherche d’anticorps spécifiques, ou par prélèvement des liquides oculaires.
Tumeurs bénignes
Parmi les diagnostics différentiels du rétinoblastome on retrouve également des tumeurs endoculaires béni gnes qui peuvent se présenter chez le jeune enfant. Les hamartomes combinés de la rétine et de l’épithélium pigmentaire de la rétine sont des tumeurs rares d’origine maformative et congénitale, qui peuvent être isolées ou associées à une neurofibromatose de type II. Souvent unilatéraux, ils se présentent comme une masse en relief brune ou grise associée à une membrane prérétinienne et à des vaisseaux anormaux, déplacés et tortueux (figure 4). Les hamartomes astrocytaires (figure 4) peuvent se présenter de façon isolée ou dans le cadre d’une sclé́rose tubéreuse de Bourneville ou d’une neurofibromatose de type II. Les lésions circulaires dans la couche de fibres nerveuses rétiniennes peuvent être uniques, sans calcifications (type I) ou multiples, calcifiées, muriformes (type II). Les 2 types de lésions peuvent également être associés (type III). Les lésions tubéreuses « jeunes », présentant un aspect translucide et flou, peuvent rendre le diagnostic différentiel plus difficile. Finalement, les tumeurs vasoprolifératives représentent une prolifération gliovasculaire d’origine inconnue. Elles peuvent être isolées ou associées à une autre maladie rétinienne (uvéite, rétinite pigmentaire). Elles sont souvent localisées dans le quadrant inféro-temporal et associées à des exsudats jaunâtres et à des anomalies pigmentaires (figure 3).
Un examen clinique détaillé, si besoin sous anesthésie générale, permet de poser un diagnostic et d’orienter la prise en charge. Il comporte un examen du segment antérieur, du fond d’œil avec dilatation pupillaire et une mesure de la pression intraoculaire. Si nécessaire, il sera complété par une imagerie multimodale pouvant inclure un OCT, une angiographie à la fluorescéine et une échographie en mode B. Dans les cas plus complexes, une IRM peut être réalisée.
Enfin, il est également important de souligner l’existen ce de cas exceptionnels de patients présentant un rétinoblastome combiné à d’autres pathologies oculaires pédiatriques, comme une PVF [5] ou une maladie de Coats [6], rendant encore plus complexe la démarche diagnostique.
Références bibliographiques
[1] Shields CL, Schoenberg E, Kocher K et al. Lesions simulating retinoblastoma (pseudoretinoblastoma) in 604 cases: results based on age at presentation. Ophthalmology. 2013;120(2):311-6.
[2] Vahedi A, Lumbroso-Le Rouic L, Levy Gabriel C et al. [Differential diagnosis of retinoblastoma: a retrospective study of 486 cases]. J Fr Ophtalmol. 2008;31(2):165-72.
[3] Daruich A, Matet A, Munier FL. Younger age at presentation in children with Coats disease is associated with more advanced stage and worse visual prognosis: A retrospective study. Retina. 2018;38 (11):2239-46.
[4] Daruich A, Moulin AP, Tran HV et al. Subfoveal nodule in Coats disease: towards an updated classification predicting visual prognosis. Retina. 2017;37(8):1591-8.
[5] Morgan KS, McLean IW. Retinoblastoma and persistent hyperplastic vitreous occurring in the same patient. Ophthalmology. 1981; 88(10):1087-9.
[6] Shields CL, Uysal Y, Benevides R et al. Retinoblastoma in an eye with features of Coats’ disease. J Pediatr Ophthalmol Strabismus. 2006;43(5):313-5.