Diagnostic et traitement des hémangiomes choroïdiens circonscrits
L’hémangiome choroïdien est une tumeur bénigne vasculaire de la choroïde, très rare. Son incidence serait environ 15 fois moins fréquente que celle du mélanome choroïdien, dont il est un des diagnostics différentiels. On en distingue 2 types : les hémangiomes choroïdiens circonscrits (HCC), également appelés hamartomes vasculaires, qui sont pour la plupart sporadiques isolés, et les hémangiomes choroïdiens diffus, éléments du syndrome de Sturge-Weber-Krabbe (SWK).
Diagnostic
L’hémangiome choroïdien circonscrit (HCC) est une lésion vasculaire bénigne de la choroïde classiquement unique et unilatérale. L’âge de diagnostic est très variable, habituellement compris entre 40 et 60 ans. Le HCC est dans la plupart des cas asymptomatique et découvert fortuitement. Lorsqu’il est symptomatique, il peut être responsable d’une baisse d’acuité visuelle liée généralement à un décollement séreux rétinien exsudatif associé. Parfois, les signes fonctionnels sont plus frustes et se manifestent par des métamorphopsies, une hypermétropie acquise évolutive, un scotome ou une altération du champ visuel.
Au fond d’œil, la lésion apparaît classiquement ronde ou légèrement ovalaire, de couleur rouge-orangé (figure 1) et située dans 95% des cas au pôle postérieur, au niveau de la macula ou en péripapillaire. Le HCC est fréquemment responsable avec le temps d’importantes altérations de l’épithélium pigmentaire à la surface de la tumeur (atrophie, dépigmentation, hyperplasie, métaplasie). Sa taille est variable, avec un diamètre généralement compris entre 5 et 10 mm et une épaisseur inférieure à 3 mm.
Le diagnostic est souvent clinique mais l’imagerie multimodale est indispensable en cas de doute clinique, de symptôme et/ou d’indication thérapeutique.
Échographie mode B
Le HCC apparaît comme une masse choroïdienne biconvexe hyperéchogène, dont les contours sont homogènes, avec une structure interne régulière, sans excavation choroïdienne.
Autofluorescence
Le HCC est intrinsèquement iso-autofluorescent (figure 2A). Des zones hyper-autofluorescentes extrinsèques correspondent à du pigment orange de surface ou à du liquide sous-rétinien récent, alors que des plages hypo-autofluorescentes coïncident avec des zones d’hyperplasie de l’épithélium pigmentaire, de métaplasie fibreuse ou d’atrophie [1]. Le liquide sous-rétinien en coulée inférieure peut donner des images d’épithéliopathie gravitationnelle bien visible en autofluorescence.
Angiographie à la fluorescéine
Elle met en évidence une lésion hyperfluorescente dont le lacis vasculaire interne est visible dès les temps précoces. On observe classiquement une hyperfluorescence minime dès les temps préartériel et artériel. Ensuite, la fluorescence augmente, avec des phénomènes de diffusion et de remplissage au sein de la tumeur et de la rétine avoisinante, jusqu’à atteindre une hyperfluorescence importante dans les phases tardives (figure 2B). Ces images angiographiques, qui peuvent également être observées dans certains cas de mélanomes uvéaux, ne sont pas en mesure de contribuer à leur diagnostic différentiel avec les hémangiomes.
Angiographie au vert d’indocyanine
Le HCC montre un aspect spécifique qui contribue grandement au diagnostic. Dans les séquences précoces de l’angiographie au vert d’indocyanine, on reconnaît l’arborescence des vaisseaux nourriciers de la tumeur qui se profilent sur un fond sombre. La tumeur s’imprègne de colorant dès les temps artériels, avec une prise de contraste maximale au temps intermédiaire, l’imprégnation persistant plus longtemps que dans la choroïde normale (figure 2C). Classiquement, l’hyperfluorescence apparaît au bout de 30 secondes environ et est maximale entre 1 et 3 minutes. Aux temps les plus tardifs (30 à 60 minutes après l’injection du produit de contraste), il existe un effet dit de lavage de la lésion qui paraît hypofluorescente par rapport à la choroïde adjacente : effet appelé traditionnellement « wash-out » caractéristique [2], correspondant probablement à l’évacuation du produit de contraste, phénomène de vidange (figure 2D).
OCT
L’OCT permet l’analyse de l’état de l’épithélium pigmentaire sus-jacent à l’hémangiome choroïdien et la mise en évidence d’une exsudation sous-rétinienne ou intrarétinienne associée. Le tissu choroïdien tumoral se distingue de la choroïde normale du pourtour et on devine parfois une dilatation des vaisseaux choroïdiens tumoraux. La présence de liquide sous-rétinien est à rechercher à la surface ou autour de l’hémangiome ou selon une distribution gravitationnelle. On peut aussi observer un œdème rétinien d’aspect cystoïde ou, plus souvent, une dégénérescence kystique intrarétinienne à la surface de la lésion.
OCT-A
Dans l’hémangiome choroïdien, l’OCT-A peut mettre en évidence une structure vasculaire anormale, avec de larges vaisseaux interconnectés, dilatés au sein de l’hémangiome, correspondant aux gros capillaires anarchiques et espacés intralésionnels. Les espaces intercapillaires (sans flux) apparaissent comme des zones sombres (hyposignal – dark areas). L’hémangiome choroïdien est classiquement entouré par une arcade périphérique (hypersignal – rim) avec des vaisseaux centripètes quelquefois en rayons de roue [3].
Traitement
L’hémangiome choroïdien est une tumeur bénigne, traitée uniquement si elle est symptomatique en raison d’une exsudation ou d’une déformation maculaire. Actuellement, l’alternative thérapeutique est la photothérapie dynamique (PDT) à la vertéporfine et la radiothérapie avec la protonthérapie.
Photothérapie dynamique
Elle présente l’intérêt de cibler parfaitement la lésion tumorale en épargnant relativement la choriocapillaire saine, la rétine et les vaisseaux rétiniens de surface, ce qui en fait le traitement de choix pour les hémangiomes choroïdiens maculaires. Le patient reçoit la vertéporfine en perfusion intraveineuse lente (6 mg/m2) pendant une durée de 10 minutes, puis après un intervalle de 5 minutes, l’exposition au laser diode (692 nm) est faite à la dose de 50 J/cm2 avec une intensité de 600 mW/cm2 et une durée d’application du spot de 83 secondes qui doit être appliqué sur l’ensemble de la lésion. Le but principal de la PDT est l’assèchement du liquide sous-rétinien et intrarétinien et non pas la fonte tumorale. La PDT permet dans plus de 80% des cas d’obtenir une stabilisation ou une augmentation de l’acuité visuelle et, dans la majorité des cas, la résorption complète du liquide sous-rétinien [4]. De nouveaux protocoles sont actuellement à l’étude, qui diminuent le temps d’injection (8 minutes) avec laser immédiat pleine fluence ou en réalisant un double spot de 83 secondes.
Protonthérapie
C’est le traitement de choix en première intention des hémangiomes volumineux (plus de 3,5 mm d’épaisseur) ou très exsudatifs, et en deuxième intention en cas de récidive après 2 PDT. La protonthérapie délivre une dose précise de 20 grays, beaucoup plus faible que celle utilisée pour les mélanomes (60 grays). Comme pour le mélanome choroïdien, une intervention chirurgicale est nécessaire pour placer des clips de tantale à la sclère afin de localiser la tumeur dans l’espace pendant la protonthérapie. La deuxième étape consiste à recevoir la radiothérapie dans un cyclotron biomédical. La marge de sécurité de 2 mm autour de la lésion prévue pour le mélanome choroïdien n’est pas nécessaire. La régression tumorale sans récidive après protonthérapie est la règle [5], associée à une disparition de l’exsudation sous- et intrarétinienne. Les effets secondaires sont essentiellement les complications radiques, qui sont cependant moindres comparativement au traitement du mélanome choroïdien du fait des doses inférieures de radiations ionisantes utilisées.
Références bibliographiques
[1] Ramasubramanian A, Shields CL, Harmon SA, Shields JA. Autofluorescence of choroidal hemangioma in 34 consecutive eyes. Retina. 2010;30(1):16-22.
[2] Piccolino FC, Borgia L, Zinicola E. Indocyanine green angiography of circumscribed choroidal hemangiomas. Retina 1996;16(1):19-28.
[3] Takkar B, Azad S, Shakrawal J et al. Blood flow pattern in a choroidal hemangioma imaged on swept-source-optical coherence tomography angiography. Indian J Ophthalmol. 2017;65(11):1240-2.
[4] Blasi MA, Tiberti AC, Scupola A et al. Photodynamic therapy with verteporfin for symptomatic circumscribed choroidal hemangioma: five-year outcomes. Ophthalmology. 2010;117(8):1630-7.
[5] Mathis T, Maschi C, Mosci C et al. Comparative effectiveness of proton beam versus photodynamic therapy to spare the vision in circumscribed choroidal hemangioma. Retina. 2021;41(2):277-86.