Des stries angioïdes néovascularisées

Un patient âgé de 60 ans est adressé en consultation pour une baisse d’acuité visuelle bilatérale progressive depuis plus de 5 ans. L’interrogatoire révèle dans ses antécédents un terrain cardiovasculaire avec une dyslipidémie, une hypertension artérielle et un diabète de type 2 bien équilibré, ainsi qu’un accident ischémique transitoire thalamique gauche. Ses ­traitements comprennent des antihypertenseurs, des antidiabétiques oraux et un antiagrégant plaquettaire.

Présentation

Le patient est suivi en médecine interne dans le cadre d’un pseudo-xanthome élastique (PXE) avec atteinte rénale (néphro-angiosclérose, calcification rénale droite et néphrectomie gauche), cardiaque (prolapsus de la valve mitrale et plaques athéromateuses calcifiées carotidiennes bilatérales) et cutanée (aspect ridé et hyperlaxité du cou en peau de « poulet déplumé »).

L’examen clinique ophtalmologique retrouve une acuité visuelle corrigée de 2/10 faible P28 à droite, et de 1/10 faible P28 à gauche. La pression intraoculaire est de 15 mmHg à droite et de 17 mmHg à gauche. L’examen du segment antérieur est sans particularité, hormis la présence d’une cataracte cortico­nucléaire bilatérale et symétrique sénile.

L’examen du fond d’œil retrouve à droite comme à gauche la présence de lignes irrégulières, profondes, rouge-orangé, à point de départ papillaire et s’étendant vers la région maculaire, qui correspondent à des stries angioïdes. Une cicatrice fibrovasculaire avec du pigment au pôle postérieur ainsi qu’une ­atrophie rétinienne sont retrouvées des 2 côtés. Aucune hémorragie au pôle postérieur n’est visible aux 2 yeux. Il n’y a pas de rétinopathie diabétique à l’examen du fond d’œil. En moyenne périphérie, un examen attentif retrouve de chaque côté une lésion en queue de comète (figure 1).

Les clichés en autofluorescence 30 ° (AF) retrouvent de larges plages hypo-autofluorescentes qui correspondent aux zones atrophiques entourées de zones hyper-autofluorescentes traduisant la souffrance de l’épithélium pigmentaire (EP) adjacent. Les stries angioïdes apparaissent sous la forme de lignes radiaires hypo-autofluorescentes (figure 1).

La tomographie par cohérence optique (OCT) met en évidence, à droite comme à gauche, de multiples zones calcifiées de rupture de la membrane de Bruch (MB), en regard des lignes irrégulières correspondant aux stries angioïdes (figure 2).

À gauche, une lésion hyperréflective rétrofovéolaire sous la forme d’une cicatrice fibrovasculaire traduit la présence d’un néovaisseau type 2 (préépithélial) cicatriciel sans signe exsudatif actuel.

À droite, on note également une cicatrice fibrovasculaire ­correspondant à un néovaisseau type 2 cicatriciel et de taille moindre par rapport à l’œil gauche (absence de décollement sous-rétinien, de logette intrarétinienne et d’épaississement de la neurorétine). Une atrophie des couches externes est ­présente aux 2 yeux, avec une hypertransmission du signal en regard expliquant l’hyperréflectivité postérieure (figure 2).

En angiographie à la fluorescéine, les stries vieillies sont hypofluorescentes, homogènes et visibles dès les temps intermédiaires. Les larges plages hyperfluorescentes correspondent à un effet fenêtre résultant de l’atrophie de l’épithélium pigmentaire. Aucune diffusion angiographique augmentant en taille et en intensité et laissant présager l’existence d’un néovaisseau actif n’est retrouvée aux 2 yeux (figure 2).

Au temps tardif de l’angiographie au vert d’indocyanine (ICGA), les stries demeurent bien délimitées sous la forme de liserés hyperfluorescents (figure 2).

À ce stade, le diagnostic retenu est celui de stries angioïdes compliquées de néovaisseaux de type 2 inactifs et associées à une atrophie rétinienne dans le cadre d’un PXE.

Il n’y a pas d’indication à traiter notre patient par des injections intravitréennes d’anti-VEGF, car les néovaisseaux ne présentent pas de signes d’activité. Une surveillance en consultation semestrielle lui a été suggérée, en l’informant des signes devant amener à consulter en urgence (syndrome maculaire : baisse ou sensation de flou visuel inhabituel, scotome et/ou métamorphopsies).

Discussion

Les stries angioïdes traduisent des zones de rupture de la MB calcifiée pouvant le plus souvent être le siège d’une néovascularisation de type 2. Elles sont asymptomatiques et fréquemment de découverte fortuite mais peuvent se compliquer d’une néovascularisation dans environ 70 à 80% des cas (syndrome maculaire dans ce cas). Les néovaisseaux secondaires aux stries représentent environ 5% des néovaisseaux du sujet jeune de moins de 50 ans.

Au fond d’œil, les stries apparaissent sous la forme de lignes profondes, irrégulières de couleur rouge-orangé ou brunâtre, à point de départ papillaire et de disposition radiaire se ­dispersant dans toutes les directions pour, le plus souvent, rejoindre la macula. Il est important de rechercher un PXE à l’interrogatoire.

Dans ce cas, il faudra rechercher au fond d’œil des éléments supplémentaires tels que des drusen du nerf optique (autofluorescence et échographie en mode B pour leur mise en évidence), un aspect granité et léopard en peau d’orange de la rétine (multiples ponctuations sombres marron-jaunâtre souvent localisées en temporo-maculaire). Dans certains cas, un examen attentif de la périphérie rétinienne peut mettre en ­évidence des queues de comète (petites lésions blanchâtres de la moyenne périphérie avec traînée blanchâtre à leur contact).

En angiographie à la fluorescéine, les stries apparaissent habituellement sous la forme de lésions homogènes hyperfluorescentes s’atténuant aux temps tardifs. L’aspect angiographique peut toutefois être variable en fonction de l’atrophie ou de l’hyperplasie de l’EP et de l’état de la choriocapillaire sous-jacente. En ICGA, les stries sont, dans la grande majorité des cas, hyperfluorescentes. L’OCT permet d’individualiser les multiples zones de rupture de la MB calcifiée, et surtout de détecter et d’assurer le suivi des néovaisseaux les compliquant.

 

Conclusion

Les stries angioïdes sont rares. Leur diagnostic doit conduire à la recherche d’un PXE et d’éventuelles complications cardiaques et/ou rénales. Sur le plan ophtalmologique, les stries angioïdes peuvent se compliquer d’une néovascularisation ­choroïdienne conduisant à un traitement par anti-VEGF. Lorsque ces néovaisseaux sont inactifs, c’est-à-dire qu’ils ne ­s’associent pas à des signes exsudatifs en OCT, un traitement n’est pas nécessaire, mais une autosurveillance associée à une surveillance ophtalmologique régulière est nécessaire.

A retenir
• Les stries angioïdes restent une pathologie rare mais à ne pas méconnaître.
• Il convient d’y penser devant un syndrome maculaire ou des néovaisseaux du sujet jeune de moins de 50 ans.
• Un examen du fond d’œil minutieux permet leur détection ainsi que celle des complications.
• Les stries angioïdes peuvent être isolées ou s’intégrer dans le cadre d’un syndrome à rechercher tel que : 
- le PXE avec des atteintes multiviscérales associées (cardiaque, rénale, dermatologique) ; ces patients sont à haut risque cardiovasculaire et nécessitent un suivi en médecine interne (occlusion vasculaire, HTA, artérite des membres inférieurs, infarctus du myocarde, AVC) ;
- la drépanocytose ;
- les thalassémies ;
- la maladie de Paget.
• En cas de néovaisseaux compliquant les stries angioïdes avec des signes exsudatifs à l’OCT, le traitement repose sur les injections intravitréennes d’anti-VEGF.

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