Dégénérescence marginale pellucide : intérêt des verres scléraux

M. S., 65 ans, policier en retraite, se plaint d’une baisse d’acuité visuelle progressive bilatérale évoluant depuis 6 mois. Il consulte tous les 2 ans son ophtalmologiste pour renouveler ses lunettes corrigeant un astigmatisme. Il n’a pas d’antécédent médico-chirurgical.

Présentation clinique

À l’examen ophtalmologique, l’acuité visuelle (AV) est chiffrée à 3/10 P10 à droite et 5/10 P3 à gauche. La réfraction subjective retrouve un astigmatisme bilatéral inverse (+1[-4 à 65°] à droite ; +1[-4 à 100°] à gauche). L’examen des segments antérieurs révèle de façon bilatérale un amincissement cornéen inférieur périphérique, séparé du limbe par un millimètre de cornée saine, avec un bombement cornéen inférieur. On n’observe pas de néovaisseau cornéen, ni d’infiltrat (figure 1). Le fond d’œil est normal.

La topographie cornéenne met bien en évidence le bombement cornéen inférieur périphérique qui se prolonge vers le centre de la cornée le long des méridiens nasal et temporal. Il existe un aplatissement vertical du centre de la cornée. Cet aspect topographique est décrit en « pinces de crabe », ou en « moustaches gauloises » et s’inscrit dans le cadre d’une dégénérescence marginale pellucide (DMP) (figure 2).

Devant la vision non améliorable en lunettes, ce patient a été adapté en lentille sclérale ; nous avons opté pour une ICD (laboratoire LCS) : c’est une lentille mini-sclérale de 16,50 mm de diamètre, en matériau HDS 100. Les paramètres ont été choisis selon les recommandations du laboratoire et ajustés à l’aide du logiciel d’adaptation : flèche 4200 (flèche standard), PCCZ4 (zone cornéenne périphérique), LCZ0 (zone limbique) et SLZ0 (zone sclérale). L’adaptation était très satisfaisante, avec un beau réservoir de larmes, sans contact cornéen, et un dégagement scléral normal. L’AV est remontée à 10/10 aux 2 yeux, avec un bon confort et une excellente qualité visuelle (figure 3).

Lors du suivi à 1 an, l’AV était à 9/10 à gauche et 10/10 à droite avec les lentilles sclérales. La topographie cornéenne différentielle a mis en évidence une légère augmentation de la déformation cornéenne inférieure de l’œil gauche (figure 4). Cet aspect est corrélé avec l’image après instillation de fluorescéine en lampe à fente avec la lentille qui objective un contact cornéen en inférieur (figure 4). Une augmentation du paramètre PCCZ a permis d’optimiser l’adaptation.

Discussion
La DMP est une ectasie cornéenne rare qui appartient à la famille du kératocône et dont l’étiologie reste inconnue. La réhabilitation optique est un véritable enjeu dans ce type de pathologie pour limiter le handicap visuel [1].
L’intérêt du verre scléral est majeur lors des dégénérescences marginales pellucides, c’est une technique efficace et sûre [2]. En effet, ces patients sont souvent difficiles à adapter en lentilles rigides. La déformation étant périphérique, la lentille manque de stabilité et de centrage, les grands diamètres sont à privilégier [3]. Ces patients sont également de mauvais candidats au traitement chirurgical, et en particulier à la greffe de cornée qui sera source de difficultés techniques – car la greffe doit être large et excentrée en regard d’une zone cornéenne amincie adjacente au limbe – et d’un taux élevé de complications : risque de rejet de greffe supérieur à 60%, néovascularisation cornéenne, astigmatisme résiduel élevé, gestion difficile des sutures périphériques [4].

Conclusion
L’adaptation en verres scléraux des patients porteurs d’une DMP est une technique efficace et sûre, non invasive, qui apporte un réel bénéfice aux patients.

Références bibliographiques
[1] Mallet F. Les Lentilles de Contact. In: Rapport SFO 2009.
[2] Rathi VM, Dumpati S, Mandathara PS et al. Scleral contact lenses in the management of pellucid marginal degeneration. Cont Lens Anterior Eye. 2016;39(3):217-20.
[3] Kompella VB, Aasuri MK, Rao GN. Management of pellucid marginal corneal degeneration with rigid gas permeable contact lenses. CLAO J. 2002;28(3):140-5.
[4] Biswas S, Brahma A, Tromans C, Ridgway A. Management of pellucid marginal corneal degeneration. Eye (Lond). 2000;14(Pt 4):629-34.

Auteurs

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'abonne

Identifiez-vous