Décollement de l’épithélium pigmentaire dans la DMLA : vasculaire ou non ?
Le décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP) de la rétine est défini anatomiquement par la séparation de l’épithélium pigmentaire de la rétine (EPR) de la couche de Bruch sous-jacente. Différentes affections sont associées au DEP, notamment la choriorétinopathie séreuse centrale, les pathologies inflammatoires, néoplasiques et iatrogènes. Toutefois, la cause la plus fréquente reste la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Ces DEP peuvent alors, selon leur origine, être schématiquement classés en vasculaires ou non vasculaires.
Parmi les DEP liés à la DMLA, des formes mixtes peuvent naturellement se présenter. Les DEP non vasculaires comprennent les DEP drusénoïdes et séreux. Les DEP vasculaires comprennent les DEP vascularisés des néovaisseaux de type 1 et les DEP des vasculopathies polypoïdales et de type 3. Cette dernière catégorie est la plus menaçante pour la vision.
DEP non vascularisés
DEP drusénoïdes
Les DEP drusénoïdes appartiennent aux maculopathies liées à l’âge et présentent un risque élevé d’évolution vers la DMLA atrophique. Ils sont constitués de drusen séreux confluents. Au fond d’œil, ils apparaissent comme des élévations jaunâtres bien limitées de l’EPR maculaire et sont souvent associés à des drusen.
En angiographie à la fluorescéine (AF), les DEP drusénoïdes prennent la fluorescence dès les temps précoces, sans fuite tardive. Des hyper- ou hypofluorescences focales peuvent être observées, liées à des anomalies pigmentées ou à des altérations de l’EP. Il n’y a pas d’indication à réaliser une AF devant un DEP drusénoïde isolé et il est parfois difficile, avec cette méthode, de le différencier d’un DEP vascularisé. La corrélation avec le SD-OCT et l’angiographie au vert d’indocyanine (ICG) est souvent utile en cas de doute.
En ICG, qui utilise un système confocal à balayage laser (SLO), le DEP apparaît comme une lésion hypofluorescente homogène pendant la phase initiale et reste hypofluorescent durant tout l’angiogramme. L’absence de plaque hyperfluorescente tardive ou de hot spot permet d’exclure la présence d’une néovascularisation associée.
En autofluorescence du fond d’œil (FAF), les DEP drusénoïdes sont généralement isofluorescents ou hyper-autofluorescents. La régression des lésions peut parfois s’accompagner d’une atrophie de l’EPR, et donc d’une hypo-autofluorescence.
En tomographie par cohérence optique (OCT), les DEP drusénoïdes présentent un soulèvement de l’EP avec un EP hyperréflectif, qui peut avoir un aspect ondulé irrégulier multiple. Le contenu est hyperréflectif, souvent homogène, avec ombre postérieure. Ils ne sont généralement pas associés à du liquide sous- ou intrarétinien. L’OCT-angiographie (OCT-A) ne retrouve pas de flux vasculaire.
Les DEP drusénoïdes peuvent évoluer, fréquemment vers l’atrophie ou plus rarement vers un DEP mixte avec une composante séreuse, voire une néovascularisation.
DEP séreux
Les DEP séreux sont le reflet d’une accumulation de liquide dans l’espace entre l’EPR et la membrane de Bruch. Au fond d’œil, le DEP séreux se présente comme un décollement arrondi de couleur claire à bords nets.
En AF, on note une hyperfluorescence précoce et une accumulation rapide, progressive, homogène et bien limitée du colorant. La coloration persiste au temps tardif sans diffusion. La présence d’une encoche hyperfluorescente sur l’AF au bord d’un DEP peut indiquer une néovascularisation associée. Dans ces cas, l’ICG peut être utile.
En ICG-SLO, le DEP séreux est hypofluorescent. La présence d’une hyperfluorescence précoce et d’une plaque tardive adjacente ou sous le DEP séreux est le signe d’une néovascularisation choroïdienne. L’AF et surtout l’ICG sont utiles pour différencier un DEP séreux d’un DEP vascularisé, ce qui aura de grandes répercussions thérapeutiques.
En FAF, les DEP séreux présentent le plus souvent une hyper-autofluorescence uniforme et sont entourés d’une bordure hypo-autofluorescente.
En OCT, ils sont caractérisés par une élévation abrupte arrondie et bien délimitée de l’EPR, avec un contenu homogène hyporéflectif.
Les DEP séreux restent souvent stables pendant une longue période. Parfois une néovascularisation ou une atrophie peuvent survenir. Ils peuvent se résorber, avec l’apparition d’une fibrose sous-rétinienne. Très rarement, une déchirure de l’EPR peut apparaître, spontanément ou après un traitement (laser, thérapie photodynamique ou IVT d’anti-VEGF).

DEP vascularisés
Néovascularisation choroïdienne de type 1 (DEP fibrovasculaire)
Les néovaisseaux maculaires de type 1 se développent sous la couche de l’EPR, créant une séparation entre ce dernier et la membrane de Bruch. Ils représentent la forme clinique la plus fréquente de DMLA exsudative.
L’identification précise de la présence, de la taille, de la localisation et de la nature de la néovascularisation nécessite une approche multimodale.
Au fond d’œil, le DEP vascularisé peut se présenter sous la forme d’un DEP séreux, avec souvent un bord aplati ou dentelé. D’autres signes suggèrent la présence d’un néovaisseau, tels des exsudats ou des hémorragies sous-rétiniennes sur les bords du DEP, des hémorragies intra- ou sous-rétiniennes, ou des plis choriorétiniens radiaux entourant le DEP et secondaires à la contraction de la membrane de Bruch.
En AF, on retrouve les signes d’une néovascularisation choroïdienne occulte, avec une hyperfluorescence précoce inhomogène et une diffusion tardive sous la forme de pin points.
Le néovaisseau peut s’étendre à l’ensemble du DEP ou bien se trouver dans l’encoche d’un DEP séreux.
L’ICG confirme la présence des néovaisseaux, avec parfois l’observation d’un lascis néovasculaire au temps précoce, mais surtout la typique plaque hyperfluorescente tardive.
L’imagerie par autofluorescence du fond d’œil n’est pas discriminante dans ces DEP.
En OCT, on observe un aspect irrégulier, multilobé et festonné du décollement. Le contenu est inhomogène hyporéflectif, avec des bandes hyperréflectives sous la paroi épithéliale qui correspondent au néovaisseau. Lorsque ces bandes sont organisées de façon concentrique, on parle de « signe de l’oignon ». Une exsudation peut être présente si la néovascularisation n’est pas quiescente, sous la forme d’un décollement séreux rétinien (DSR), d’une exsudation hyperréflective sous-rétinienne, de fluide intrarétinien et de points hyperréflectifs.
En OCT-A, le signal néovasculaire est observé de façon inconstante, ce qui rend moyenne la sensibilité de cet examen. Une approche multimodale est donc à privilégier pour le diagnostic initial. Au cours du traitement, lorsque le DEP devient moins saillant, les néovaisseaux sont mieux visibles.
L’évolution est variable. Les néovaisseaux peuvent rester quiescents, ils peuvent aussi exsuder et évoluer vers la fibrose. Un passage à travers l’EPR est possible, avec la formation de néovaisseaux de type 2. D’autres complications peuvent apparaître, telles que des déchirures de l’EPR ou un hématome choroïdien.
DEP de la vasculopathie polypoïdale choroïdienne
La vasculopathie polypoïdale choroïdienne (VPC) est caractérisée par des décollements multiples, récurrents et séro-sanguins de l’EPR et de la rétine neurosensorielle. Il existe une controverse sur le fait que la VPC soit ou non un sous-type de DMLA. Elle est considérée par plusieurs auteurs comme une variante des néovaisseaux de type 1.
Les polypes et leur réseau vasculaire associé sont localisés entre l’EPR et la membrane de Bruch.
Au fond d’œil, on note des élévations arrondies rouge-orangé, éventuellement hémorragiques.
L’AF révèle les dilatations vasculaires (polypes) branchées à la terminaison d’un réseau choroïdien anormal, qui entraînent une hyperfluorescence localisée, progressivement croissante.
L’ICG est le gold standard. Les polypes se colorent par remplissage retardé et restent hyperfluorescents au cours de la séquence. Un wash out aux temps tardifs est possible. Le réseau vasculaire choroïdien anormal est détecté aux temps précoces.
L’OCT est assez typique, avec des DEP à pentes abruptes (dits « d’allure ogivale ») contenant des nodules modérément réflectifs (dont la face postérieure est visible en EDI-OCT). L’EPR est irrégulier (signe de la double ligne qui correspond au réseau choroïdien anormal). Les signes exsudatifs sont souvent importants.
En OCT-A, le plus souvent seul le réseau choroïdien anormal est détecté.
DEP associés à la néovascularisation de type 3 (ou anastomoses choriorétiniennes)
Il s’agit d’une communication vasculaire entre les circulations rétiniennes et choroïdiennes, dont la physiopathologie a été à l’origine de controverses historiques.
Au fond d’œil, il existe des hémorragies ponctuelles associées à une veinule dilatée, à angle droit, typiquement au-dessus d’un DEP.
En AF, on constate une hyperfluorescence peu étendue qui diffuse rapidement, avec parfois un œdème maculaire cystoïde.
L’ICG révèle un hot spot caractéristique.
En OCT, on décrit une élévation de l’EPR, associée à une rupture focale de l’EPR à travers laquelle un signal hyperréflectif peut être noté jusqu’au tissu rétinien. Une exsudation est souvent présente.
La néovascularisation de type 3 a un mauvais pronostic visuel et anatomique. Une perte de vision sévère et une progression régulière vers une cicatrice disciforme sont typiques si la lésion n’est pas traitée.
Conclusion
L’analyse morphologique des DEP en OCT permet, dans certains cas, d’obtenir des éléments sur la nature vasculaire ou non d’un DEP, mais c’est le plus souvent l’imagerie multimodale qui pourra asseoir le diagnostic. L’OCT-A, qui devrait en théorie être l’examen clé dans la recherche d’une néovascularisation, est cependant souvent mise en défaut, surtout dans les cas où le DEP est saillant. Un examen négatif n’élimine donc pas le diagnostic de DEP vascularisé. A contrario, la visualisation d’un lascis néovasculaire sous l’EPR (si on est certain qu’il ne s’agit pas d’un artefact) permet d’affirmer le diagnostic.
Pour en savoir plus
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