Compte rendu du meeting Euretina 2021
Le congrès virtuel EURETINA 2021, présidé par Frank Holz a rassemblé virtuellement du 9 au 12 septembre plus de 8 000 particpants cette année.
Imagerie de la rétinopathie diabétique
Grâce à l’avancée des techniques d’OCT-angiographie (OCT-A), différents paramètres peuvent être étudiés dans les 3 plexus, le plexus capillaire superficiel, le plexus capillaire intermédiaire et le plexus capillaire profond. Ainsi, l’équipe du Dr Amani Fawzi a étudié la vélocité du flux sanguin, avec une quantification de l’intensité des pixels, et retrouvé une diminution progressive de ce flux avec l’aggravation de la rétinopathie diabétique sauf pour le plexus capillaire superficiel. Dans ce dernier, une augmentation du flux est observée chez les patients diabétiques sans rétinopathie, comparés aux patients témoins non diabétiques. L’hypothèse évoquée concernant cette augmentation transitoire du flux dans le plexus superficiel chez les patients diabétiques sans rétinopathie serait celle d’une autorégulation de la rétine, avec une augmentation compensatoire du flux au niveau du plexus superficiel dans les phases débutantes d’ischémie rétinienne.
Le Dr Fawzi s’est également interessé à la tortuosité vasculaire ainsi qu’à la dimension fractale (figure 1). Il a retrouvé une augmentation de cette tortuosité au niveau du plexus superficiel chez les patients souffrant d’une rétinopathie diabétique, par comparaison avec les patients diabétiques sans rétinopathie et les témoins non diabétiques. Cette augmentation est réversible après un traitement par pan-photocoagulation rétinienne. De la même façon, la dimension fractale au niveau du plexus superficiel diminue progressivement avec la sévérité de la rétinopathie diabétique et s’améliore après un traitement par PPR. Les mesures du flux capillaire rétinien en OCT-A sont donc de plus en plus poussées. Les nouvelles mesures quantitatives pourraient se révéler plus sensibles au changement dans la microvascularisation et être, à l’avenir, des biomarqueurs pronostiques pour la prise en charge des patients diabétiques.
Traitement de la rétinopathie diabétique
Doit-on traiter les patients atteints d’une rétinopathie diabétique non proliférante par anti-VEGF ?
Cette question a émergé ces dernières années devant l’effet bénéfique des anti-VEGF sur les lésions du fond d’œil chez les patients atteints d’une rétinopathie diabétique non proliférante et traités pour un œdème maculaire diabétique. Par exemple, dans les études post-hoc RISE et RIDE, le risque de progression vers une forme proliférante de rétinopathie étai.3 fois plus important dans le groupe témoin que dans le groupe traité.
Deux études se sont intéressées au bénéfice des anti-VEGF pour prévenir le risque de baisse de vision et d’évolution vers une forme proliférante ou un œdème maculaire chez les patients atteints d’une rétinopathie diabétique non proliférante modérée ou sévère et sans œdème maculaire. Tout d’abord, le protocole W du DRCR.net est une étude randomisée multicentrique réalisée aux États-Unis avec 200 patients inclus dans chaque groupe, un groupe étant traité par injection intravitréenne d’aflibercept (tous les 2 mois jusqu’au huitième mois, puis tous les 4 mois). Les résultats montrent une diminution significative du risque d’évolution vers une forme proliférante dans le groupe traité par aflibercept (figure 2).
Mais la question clé reste celle du rapport bénéfice/risque de ce traitement préventif, ainsi que l’impact sur la vision à long terme. En effet, le niveau d’acuité visuelle à 2 ans n’était pas significativement différent dans le groupe traité par aflibercept par rapport au groupe témoin (-0,9 vs -2 lettres, P = 0,47). De même, le pourcentage de patients ayant eu une baisse d’acuité visuelle de +5, +10 ou +15 lettres était identique dans les 2 groupes.
Une autre étude, l’étude PANORAMA, a également comparé à 2 ans l’évolution de patients traités par aflibercept pour une rétinopathie diabétique non proliférante sans œdème maculaire (à un rythme toutes les 8 ou 16 semaines) par rapport à un groupe témoin non traité. Elle a retrouvé des résultats similaires à ceux du protocole W, avec une réduction d’environ 70% du risque d’évolution vers une forme proliférante ou un œdème maculaire dans les groupes traités par aflibercept par rapport au groupe non traité. Cependant, l’acuité visuelle n’était pas significativement différente à 2 ans entre les 3 groupes.
En conclusion, même si la proportion de patients évoluant vers une forme proliférante ou un œdème maculaire central était plus faible chez les patients traités régulièrement par aflibercept, il n’y avait pas de bénéfice fonctionnel à 2 ans de ce traitement préventif. Les résultats à 4 ans seront déterminants pour savoir s’il existe un intérêt sur l’acuité visuelle sur le long terme.
Nouvelle molécule dans le traitement de l’œdème maculaire
Brolucizumab
Les résultats des études randomisées controlées de phase III, KITE et KESTREL, évaluant le brolucizumab pour le traitement de l’œdème maculaire diabétique à 1 an, ont été présentés. À 1 an, le brolucizumab à la dose de 3 et 6 mg a atteint le critère de non-infériorité en termes d’acuité visuelle par rapport à l’aflibercept ; avec 50 à 55% des patients qui étaient traités à un intervalle de 12 semaines à 1 an. Dans l’étude KITE, la réduction de l’épaisseur maculaire centrale était plus importante dans le groupe traité par brolucizumab. Cette supériorité en termes d’assèchement a été confirmée par la proportion de patients ayant une épaisseur maculaire inférieure à 280 µm, qui était supérieure dans le groupe traité par brolucizumab, ainsi que par la réduction d’environ 15% de la proportion des patients ayant du liquide intra- ou sous-rétinien. Concernant la tolérance du produit, le taux d’inflamation intraoculaire incluant les vascularites était d’environ 4% ( KESTREL) et 1% (KITE).
Faricimab
Les résultats à 1 an des phases III des études YOSEMITE et RHINE ont été présentés. Pour rappel, il s’agit d’anticorps bispécifiques inhibant à la fois
le VEGF et l’angiopoïétine-2, comparé à de l’aflibercept 8 mg. Les résultats à 1 an ont montré des gains d’acuité visuelle similaires entre les 2 groupes. Il y avait par ailleurs une réduction plus importante de l’épaisseur maculaire centrale à 1 an dans les groupes traités par faricimab. Quant à la durabilité, environ 20% des patients ont pu maintenir un intervalle de 12 semaines, et 53% d’entre eux, un intervalle de 16 semaines. La proportion de patients avec une absence d’œdème et de fluide intrarétinien à 1 an était également plus importante dans les groupes traités par faricimab. Auncun signal de tolérance n’a été détecté.
Choriorétinopathie séreuse centrale
Sur le sujet de la choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC), le Dr Gemmy Cheung a présenté les récents travaux de son équipe et du Dr Spaide relatifs à l’imagerie en angiographie ICG ultra grand champ chez les patients atteints d’une CRSC. Cette étude a évalué des patients atteints de pathologies liées à une pachychoroïde et a montré la présence de connexions anastomotiques entre les vortex supranasal, supérotemporal et inférotemporal des systèmes veineux des vortiqueuses (figure 3). De plus, une pulsatilité augmentée a été observée dans les cas ayant une anastomose intervortiqueuse, qui pourrait correspondre à un phénomène obstructif à l’origine de la CRSC.
S’agissant des thérapeutiques dans la CRSC, les résultats de plusieurs études ont été rappelés par le Dr van Dijk. L’étude PLACE a révélé que la photothérapie dynamique était plus efficace que le laser micropulsé dans le traitement des CRSC chroniques, à la fois en termes de succès anatomique relatif au taux de résolution complète du fluide sous-rétinien, mais également sur le plan des paramètres fonctionnels. En effet, à la visite finale, la résolution complète du fluide sous-rétinien en OCT a été observée chez 67% des patients traités par PDT vs 29% de ceux traités par laser micropulsé.
L’étude SPECTRA a pour sa part rapporté que la photothérapie dynamique était plus efficace que le traitement oral par éplérénone dans les CRSC chroniques, à la fois sur le plan du succès anatomique et des paramètres fonctionnels. En effet, la résolution complète du fluide sous-rétinien a été observée chez 78% des sujets traités par PDT vs 17% de ceux traités par éplérénone.
Chirurgie du décollement de rétine
Le Dr Roxane Hillier a présenté les résultats de l’étude PIVOT, étude prospective randomisée confrontant les résultats de la rétinopexie pneumatique à ceux de la vitrectomie pour le traitement des décollements de rétine rhegmatogènes en première intention. Ces résultats ont montré une meilleure acuité visuelle finale après une rétinopexie pneumatique qu’après une vitrectomie (80 vs 75 lettres) à 1 an. Concernant le succès anatomique primaire à 1 an, il était de 80,8% chez les patients du groupe traité par rétinopaxie pneumatique vs 93,2% chez ceux ayant subi une vitrectomie.
En conclusion, la rétinopexie pneumatique permet d’obtenir de meilleurs gains fonctionnels avec également moins de métamorphopsies verticales, même si le taux de succès anatomique primaire est légérement plus faible.
Cette différence de résultats fonctionnels peut être expliquée par les altérations de la rétine externe qui ont été observées sur les OCT centraux réalisés en postopératoire : les interruptions au niveau de la zone ellipsoïde et de la membrane limitante externe étaient moins fréquentes chez les patients traités par rétinopexie pneumatique que chez ceux traités par vitrectomie (6 à 7 vs 24%). Il n’y avait pas de différence concernant les taux de fluide sous-rétinien, œdème maculaire et membrane épirétinienne. Les événements physiopathologiques qui peuvent expliquer cette différence seraient une réapplication plus progressive de la rétine sur l’épithélium pigmentaire lors de la rétinopexie pneumatique (bulle de gaz expansif), tandis que la vitrectomie entraînerait une réapplication plus brutale de la rétine, à l’origine d’un léger déplacement rétinien, comme cela a été bien démontré sur les clichés en autofluorescence postopératoire.
Pour en savoir plus
Ong JX, Kwan CC, Cicinelli MV, Fawzi AA. Superficial capillary perfusion on optical coherence tomography angiography differentiates moderate and severe nonproliferative diabetic retinopathy. PLoS One. 2020;15(10):e0240064.
Maturi RK, Glassman AR, Josic K. Effect of intravitreous anti-vascular endothelial growth factor vs sham treatment for prevention of vision-threatening complications of diabeticretinopathy: The protocol W randomized clinical trial. JAMA Ophthalmol. 2021;139(7):701-12.
Brown DM, Wykoff CC, Boyer D. Evaluation of intravitreal aflibercept for the treatment of severe nonproliferative diabetic retinopathy: Results from the PANORAMA randomized clinical trial. JAMA Ophthalmol. 2021;139(9):946-55.
Spaide RF, Ledesma-Gil G, Gemmy Cheung CM. Intervortex venous anastomosis in pachychoroid-related disorders. Retina. 2021;41(5):997-1004.
Hillier RJ, Felfeli T, Berger AR. The pneumatic retinopexy versus vitrectomy for the management of primary rhegmatogenous retinal detachment outcomes randomized trial (pivot). Ophthalmology. 2019;126(4):531-9.