Compte rendu de la CFSR 2020

Comte rendu de la CFSR

L’imagerie grand champ devient-t-elle incontournable dans la prise en charge des pathologies rétiniennes ?
D’après l’intervention du Pr Marie-Noëlle Delyfer, Bordeaux
L’imagerie ultra grand champ a révolutionné la prise en charge des maladies rétiniennes ces dernières années. Capable de couvrir en un seul cliché plus 200° de la surface rétinienne, elle permet une amélioration nette dans le dépistage, la prise en charge et le suivi de nombreuses pathologies rétiniennes périphériques. L’imagerie grand champ a, par exemple, démontré son intérêt pour le suivi de la rétinopathie diabétique : en effet plus de 50% des patients présenteraient des lésions prédominant en périphérie au-delà des 7 champs ETDRS et la présence de ces lésions périphériques semble associée à un risque plus élevé de progression de la rétinopathie, avec un risque d’évolution vers une forme proliférante multiplié par 5 (figure 1). L’imagerie grand champ est également incontournable dans le suivi des foyers rétiniens inflammatoires ou infectieux, ou pour le suivi des pathologies tumorales, notamment sous traitement. Il existe actuellement de nombreux appareils équipés pour fournir des images grand champ : l’Optos (Optos) fournit un cliché de 135° en une acquisition ; le Clarus (Zeiss), une image de 90° (1 cliché) et 135° (2 clichés) ; l’Eidon (CenterVue), un cliché de 60°. L’intérêt de la plupart de ces appareils d’imagerie est également la capacité à fournir des images de bonne qualité au niveau maculaire ou papillaire mais également la possibilité de fournir une imagerie multimodale (autofluorescence, angiographie à la fluorescéine ou ICG).
La technologie swept-source permet d’obtenir des coupes de grande taille allant jusqu’à 16 mm. Celles-ci présentent un intérêt pour l’évaluation des pathologies maculaires, et plus particulièrement pour l’analyse de la macula des patients myopes forts. 

Quand kyste rétinien ne veut pas toujours dire œdème
D’après l’intervention du Pr Alain Gaudric, Paris
La définition de l’œdème maculaire (OM) était initialement fondée sur l’angiographie à la fluorescéine et correspondait à une accumulation de colorant dans la rétine maculaire, le plus souvent associée à une diffusion sur les temps tardifs. Mais l’OCT étant maintenant le gold standard pour le diagnostic et le suivi des pathologies maculaires, cette définition a évolué et correspond plutôt aujourd’hui à un épaississement maculaire associé à la présence ou non de logettes cystoïdes. Cependant la présence de cavités kystiques en OCT n’est pas toujours synonyme de rupture de la barrière hématorétinienne et il existe des œdèmes sans diffusion en angiographie, que l’on peut nommer maculopathies cystoïdes.
Ainsi, les maculopathies peuvent être divisées en 2 catégories :
- les maculopathies vasogéniques, qui sont liées à une rupture de la barrière hématorétinienne dont les causes sont la rétinopathie diabétique, les OVR, la maculopathie radique, les maculopathies inflammatoires ou uvéitiques, les maladies de l’interface vitréomaculaire, certaines toxicités médicamenteuses (fingolimod, Checkpoint inhibiteurs, rétinoïdes), les dystrophies (RP), les pathologies tumorales (mélanome choroïdien, hémangiome, tumeur vasoproliférative), la DMLA néovasculaire ;
- les maculopathies cystoïdes non vasogéniques, qui ne sont pas associées à une rupture de la barrière hématorétinienne (sans diffusion angiographique) et qui comprennent quant à elles les maladie héréditaires (maladie de Best, rétinoschisis lié à l’X, syndrome des cônes bleus [figure 2]), certaines membranes épirétiniennes et tractions vitréomaculaires, certaines toxicités médicamenteuses (taxanes, tamoxifène), la choriorétinopathie séreuse centrale, le CAR (cancer-associated retinopathy), le fovéoschisis du myope fort, les fossettes colobomateuses, le glaucome avancé. Cette deuxième catégorie d’œdème répond rarement aux injections intravitréennes d’anti-VEGF ou de corticoïdes en raison de l’absence de rupture de la barrière, d’où l’importance de distinguer ces 2 entités.

Que peut faire l’intelligence artificielle aujourd’hui en imagerie rétinienne ?
D’après l’intervention du Dr Mathieu Lamard, Brest
L’intelligence artificielle permet aujourd’hui de diagnostiquer certaines maladies rétiniennes, par exemple dans la rétinopathie diabétique. Deux systèmes sont déjà commercialisés : Id-X aux États-Unis et Opht-AI en France. Ces systèmes permettent, à partir de rétinophotographies couleur du fond d’œil, de diagnostiquer la présence ou non d’une rétinopathie diabétique et d’indiquer le stade de sévérité avec une sensibilité et une spécificité élevées. L’intelligence artificielle peut également être employée pour d’autres pathologies comme le diagnostic d’une suspicion de DMLA néovasculaire sur une coupe d’OCT B-scan, ou d’une suspicion de glaucome sur une rétinophotographie couleur centrée sur le nerf optique. L’intelligence artificielle continuera à se développer et permettra certainement dans un avenir proche de prédire également l’évolution de certaines pathologies : c’est l’objet par exemple du projet EVIRED (Évaluation intelligente de la rétinopathie diabétique) qui débute actuellement à l’hôpital Lariboisière et qui a pour objectif le développement d’un algorithme d’intelligence artificielle permettant de prédire l’évolution de la rétinopathie diabétique, algorithme fondé sur les données systémiques du patient et sur celles des différents examens d’imagerie rétinienne (rétinophotographie, OCT, OCT-angiographie).

Choriorétinopathie séreuse centrale : en a-t-on fini avec l’éplérénone ?
D’après l’intervention du Dr Élodie Bousquet, Paris
L’éplérénone a initialement été proposée dans le traitement de la choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) sur la base de travaux scientifiques réalisées par le Dr Élodie Bousquet et l’équipe du Pr Francine Behar-Cohen à Paris. Ces derniers ont montré que l’activation des récepteurs aux minéralo¬corticoïdes chez l’animal était associée à une augmentation de l’épaisseur choroïdienne. Quatre études cliniques avaient par la suite retrouvé une efficacité de l’éplérénone dans la CRSC mais il s’agissait d’études non contrôlées et non randomisées, avec un suivi relativement court des patients. Récemment une étude randomisée contrôlée a été menée, l’étude VICI, qui a comparé l’effet de l’éplérénone à celui d’un placebo dans des CRSC chroniques d’une durée d'évolution supérieure à 4 mois. Cinquante patients par groupe ont été inclus. À 1 an, il n’y avait pas de différence significative d’acuité visuelle entre les 2 groupes, ni de différence sur le plan anatomique (résolution du décollement séreux rétinien, épaisseur maculaire centrale ou épaisseur choroïdienne).
L’éplérénone a également été comparée à la photothérapie dynamique (PDT) demi-dose dans une autre étude multicentrique prospective randomisée, l’étude SPECTRA. Dans cette étude, 107 patients atteints de CRSC chroniques (d’une durée supérieure à 6 semaines) ont été inclus. Les résultats ont retrouvé une résolution complète du liquide sous-rétinien à 3 mois dans 78% des cas dans le groupe PDT vs 17% dans le groupe éplérénone. L’acuité visuelle n’était pas significativement différente entre les 2 groupes à 3 mois, de même que la micropérimétrie.
En conclusion, ces 2 études randomisées ont montré que l’éplérénone était peu efficace dans les CRSC chroniques. Cela peut être expliqué par une pénétration faible dans la rétine lorsque l’éplérénone est administrée oralement. D’autres voies d’administration des anti-minéralocorticoïdes sont donc à l’étude (microsphère de spironolactone, injection intravitréenne d’éplérénone).

L’avenir de la DMLA atrophique
D’après l’intervention du Dr Yannick Le Mer, Paris
Il n’existe toujours pas, à l’heure actuelle, de traitement curatif pour les patients atteints d’une DMLA atrophique. Les molécules à l’étude pour ralentir la progression de l’atrophie concernent la voie du complément. L’APL-2 est un inhibiteur du facteur C3 du complément, administré en injection intravitréenne (IVT) mensuelle ou bimensuelle, actuellement en étude de phase 3. Les résultats de l’étude de phase 2 étaient prometteurs, montrant un ralentissement de la progression de l’atrophie en autofluorescence, mais celui-ci était cependant associé à un risque de conversion néovasculaire. L’autre molécule en développement est le zimura, un inhibiteur du facteur 5 du complément également administré en IVT mensuelle. 

L’autre voie de recherche pour les patients atteints d’une DMLA atrophique concerne le remplacement des photorécepteurs par des photo-diodes. Le système Prima (Pixium Vision) est fondé sur la mise en place, après vitrectomie et tamponnement par huile de silicone, d’un insert sous-rétinien. Le patient porte des lunettes intégrant une caméra au centre de la monture et permettant de transformer le signal visuel en un signal infrarouge projeté sur l’implant sous-rétinien (figure 3). Cinq patients atteints d’une DMLA atrophique ont été implantés : l’implant a été mis en place sous la rétine atrophique avec succès dans les 5 yeux. Les résultats ont montré peu de complications postopératoires (1 cas de décollement de rétine, 1 cas d’hypertonie oculaire). L’implant a permis de restituer une perception visuelle chez tous les patients implantés, sans baisse de la vision résiduelle pé́riphérique.

Traitement de l’œdème maculaire diabétique par implant d’acétonide de fluocinolone : retour d’expérience
D’après l’intervention du Pr Stéphanie Baillif, Nice
Une étude de vraie vie rétrospective a été menée dans le cadre du CFSR : tous les patients injectés par un implant d’acétonide de fluocinolone (Iluvien®) avec un suivi minimal de 6 mois ont été inclus. Au total, 97 yeux ont été inclus dans cette étude. La grande majorité était plus constituée de patients diabétiques de type 2, pseudophaques. Dans 60% des cas, une PPR avait été réalisée préalablement pour traiter la rétinopathie périphérique. L’ancienneté de l’œdème maculaire diabétique (OMD) était de 70 mois en moyenne. Les patients avaient été traités auparavant par un implant de dexaméthasone (Ozurde®), avec en moyenne 6,4 implants reçus précédemment. Le délai moyen de récidive sous implant de dexaméthasone était de 14,7 semaines. Les résultats à 1 an retrouvaient une stabilité de l’acuité visuelle (54 lettres en moyenne).
L’épaisseur maculaire centrale a diminué le premier mois puis est restée stable au cours de l’année de suivi. Concernant la tolérance, la pression intraoculaire est restée globalement stable, 7 cas ont nécessité un ajout de traitement hypotonisant, aucun cas de chirurgie filtrante ni d’endophtalmie n’a été constaté. Un traitement additionnel a été nécessaire dans 23% des cas, avec le plus souvent des injections intravitréennes additionnelles d’implant de dexaméthasone. En conclusion, cette étude française de vraie vie confirme la bonne tolérance et l’efficacité pour stabiliser l’acuité visuelle de l’implant de fluocinolone pour le traitement de l’OMD chronique.

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