Classification et bilan étiologique des uvéites avec atteinte du segment postérieur
Les uvéites sont définies par l’inflammation du tractus uvéal (iris, corps ciliaire, choroïde), et par extension à la rétine, au vitré, aux vaisseaux rétiniens, à la papille. Les uvéites postérieures (UP) sont la deuxième forme anatomique (13-26%) la plus fréquente après les uvéites antérieures. Leur pronostic visuel peut être engagé, suivant l’étiologie et les complications telles que l’ischémie rétinienne, l’œdème maculaire ou papillaire. Une UP doit systématiquement être recherchée devant toute uvéite, au minimum par un fond œil bilatéral, et elle n’est pas toujours évidente à déceler. Nous allons décrire la classification des UP ainsi que le bilan étiologique à réaliser.
Classification
La classification précise des uvéites permet d’orienter le diagnostic étiologique, de prédire la sévérité et d’adapter le traitement. La classification SUN (Standardization of Uveitis Nomenclature) est fondée principalement sur l’aspect anatomoclinique et sur le mode évolutif. Suivant le site principal initial de l’inflammation, on distingue l’uvéite antérieure, intermédiaire, postérieure (atteinte prédominante de la rétine ou de la choroïde), et la panuvéite (inflammation diffuse de toutes les structures oculaires). Les UP incluent différents aspects comme les rétinites, les choriorétinites, les choroïdites et les neurorétinites. Les complications de type œdème maculaire ou papillite n’entrent pas dans cette classification. Les autres signes sémiologiques sont méticuleusement recherchés : le mode évolutif (aigu, récidivant ou chronique), le côté (uni- ou bilatéral), l’aspect granulomateux, l’existence d’une hypertonie, d’une synéchie, d’un hypopion, d’une sclérite, d’une kératite ou d’une atteinte irienne (rétiniennes ou choroïdiennes), d’une vascularite rétinienne (veineuse, artérielle, occlusive) et l’intensité de la réaction inflammatoire du segment antérieur (Tyndall protéique et cellulaire) et vitréen (hyalite).
Le diagnostic repose sur l’examen du fond d’œil et l’imagerie multimodale, qui préciseront les types d’UP, le nombre des lésions rétiniennes ou choroïdiennes, leur localisation (pôle postérieur, périphérie), l’atteinte anatomique (rétine superficielle ou profonde, choroïde), l’aspect actif (blanc, duveteux, bords flous) ou cicatriciel (atrophique, pigmenté, bords nets) et le suivi évolutif.
Les rétinites sont des lésions blanches aux bords mal définis, superficielles et associées à une hyalite importante sus-jacente. Au contraire, les lésions de choroïdites apparaissent comme des patchs jaunes, aux bords réguliers, plus profonds que les vaisseaux rétiniens, entraînant une hyalite modérée. Les présentations cliniques sont hétérogènes pour une même pathologie, et plusieurs types d’UP peuvent être associés.
Rétinite
Le tableau de rétinite nécrosante représente une urgence diagnostique et thérapeutique. La rétinite nécrosante associe un ou plusieurs foyers rétiniens blanchâtres, parfois avec des vascularites occlusives, une hyalite et une inflammation de la chambre antérieure. L’aspect diffère suivant l’agent pathogène et le degré d’immunodépression du patient. Toute rétinite est considérée comme une infection jusqu’à preuve du contraire et requiert de réaliser sans tarder des prélèvements oculaires et de prescrire un traitement probabiliste qui sera adapté suivant le bilan. La ponction d’humeur aqueuse avec recherche PCR HSV 1-2, VZV, CMV et toxoplasmose (PCR et coefficient de Desmonts) est indispensable pour obtenir rapidement un diagnostic étiologique précis.
Les étiologies possibles sont :
- les virus de la famille herpès (HSV 1, HSV2, VZV, CMV) qui se présentent sous la forme d’une rétinite nécrosante aiguë (ARN), d’une rétinite nécrosante progressive de la rétine externe (PORN) et de rétinites à CMV. L’atteinte est uni- ou bilatérale et constitue toujours une urgence ;
- la toxoplasmose ;
- la syphilis, qui peut se présenter comme une rétinite multifocale, uni- ou bilatérale, avec la présence de précipités blancs prérétiniens multiples ayant l’aspect de « verre dépoli » (figure 1, Exemple de 2 formes différentes d'uvéite postérieure liée à la syphilis chez 2 patients) ;
- la maladie de Behçet et la sarcoïdose.
Choriorétinite et rétinochoroïdite
La rétinochoroïdite toxoplasmique est l’UP la plus fréquente (18-50%) dans le monde. Classiquement, c’est une uvéite granulomateuse hypertone avec un foyer rétinochoroïdien blanc à bords flous, satellites d’une ancienne lésion pigmentée ou atrophique, et une hyalite adjacente. D’autres agents infectieux se présentent avec l’association de choroïdite et rétinite, comme la tuberculose, la maladie de Lyme, le virus Chikungunya, la rickettsiose, l’endophtalmie endogène bactérienne ou fongique.
Neurorétinite
La neurorétinite associe un œdème papillaire inflammatoire et une étoile maculaire (complète ou partielle) à un décollement séreux rétinien ou à un œdème périlésionnel intrarétinien. L’infection peut associer un foyer de rétinite, une rétinite multifocale ou une choriorétinite. L’étiologie la plus fréquente est la maladie des griffes du chat. Les autres étiologies possibles sont la syphilis, la maladie de Lyme, la toxoplasmose, la sarcoïdose.
Choroïdite
Autrefois, les choroïdites étaient nommées le « syndrome des taches blanches ». Cette appellation englobait un spectre très large d’UP affectant la rétine externe, l’épithélium pigmentaire et/ou la choroïde qui avaient les mêmes symptômes, mais le mécanisme initial n’était pas compris. Le développement de l’imagerie de la choroïde (OCT-EDI, angiographie à la fluorescéine et ICG, OCT-A) [3] a permis d’identifier le mécanisme causal et les structures anatomiques impliquées et d’actualiser la classification de façon clinico-pathologique. Aujourd’hui, les choroïdites sont donc classées en choriocapillaropathies inflammatoires (CCPI) et choroïdites stromales [1]. Le principal processus lésionnel de la choroïdite stromale est le granulome choroïdien, et celui de la CCPI est l’hypoperfusion de la choriocapillaire liée à l’inflammation (figure 2). On distingue les CCPI primaires quand le pathogène déclencheur est inconnu – même si une cause virale est parfois suspectée devant un syndrome pseudo-grippal précurseur –, et secondaires quand il est connu. Les choroïdites stromales sont primaires quand l’inflammation débute dans le stroma choroïdien, et secondaires quand la choroïde est une localisation fortuite ou révélatrice d’une maladie systémique (figure 3). Certaines pathologies rétiniennes ou des photorécepteurs, telles que l’AZOOR ou l’AMN, étaient englobées dans le syndrome des taches blanches, mais la choriocapillaire ne jouant pas de rôle primaire ou n’étant pas atteinte, elles n’y sont donc plus intégrées (tableau).



Bilan étiologique
Le diagnostic étiologique est orienté suivant l’interrogatoire, les antécédents familiaux et personnels, les traitements en cours, le mode de vie, le type de l’UP (congénital ou acquis), et l’association à une maladie systémique, infectieuse ou à un trauma. Le bilan est réalisé conjointement avec le médecin interniste.
Le bilan minimal systématique comprend une prise de sang avec NFS plaquettes, CRP, ionogramme sanguin, fonction rénale, bilan hépatique, enzyme de conversion de l’angiotensine, bilan phosphocalcique, IDR et/ou QuantiFERON®, sérologie syphilis, ainsi qu’une imagerie thoracique (radiographie ou scanner) pour éliminer une tuberculose ou une sarcoïdose [2]. Les autres examens complémentaires sont orientés suivant le type d’uvéite ; les examens non orientés ne sont pas recommandés en raison de leur très faible rentabilité. L’IRM cérébrale recherche des lésions cérébrales granulomateuses, vascularites, thrombophlébites, tumorales, démyélinisantes ou infectieuses suivant le cas.
Devant une UP unilatérale, surtout avec une atteinte rétinienne, l’infection, comme la toxoplasmose, les virus (HSV, VZV, CMV) ou l’endophtalmie (bactérienne ou fongique), doit être éliminée par une PCA et répétée si besoin. Une PCA IL6/IL10 doit être réalisée devant une suspicion de lymphome vitréo-rétinien.
Les étiologies des UP toutes confondues sont :
- maladie auto-immune : sarcoïdose, Behçet, SEP, syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada, lupus, sclérodermie, maladie de Wegener, périartérite noueuse ;
- dysimmunité oculaire : rétinochoroïdite de Birdshot, ophtalmie sympathique, MEWDS ;
- infection : toxoplasmose, tuberculose, syphilis, herpès, toxocarose, fongique, maladie de Lyme, rickettsiose, Bartonella, West Nile Virus, chikungunya ;
- tumeur (syndrome de la mascarade) : lymphome, métastase, syndrome paranéoplasique ;
- idiopathique.
Références bibliographiques
[1] Herbort Jr CP, Mantovani A, Tugal-Tutkun I, Papasavvas I. Classification of non-infectious and/or immune mediated choroiditis: A brief overview of the essentials. Diagnostics (Basel). 2021;11(6): 939.
[2] De Parisot A, Kodjikian L, Errera MH et al. Randomized controlled trial evaluating a standardized strategy for uveitis etiologic diagnosis (ULISSE). Am J Ophthalmol. 2017;178:176-85.
[3] Pichi F, Invernizzi A, Tucker WR, Munk MR. Optical coherence tomography diagnostic signs in posterior uveitis. Prog Retin Eye Res. 2020;75:100797.