Atrophie maculaire : la nouvelle terminologie de la conférence de consensus internationale
L’atrophie maculaire géographique (AG) est caractérisée par un amincissement, voire une perte des couches externes rétiniennes (épithélium pigmentaire et photorécepteurs). On la retrouve dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) dite « sèche », mais elle peut également s’associer aux formes humides. Cette atrophie peut être responsable de troubles visuels allant de la diminution de la sensibilité au contraste jusqu’au scotome central.
Différents facteurs de risque peuvent favoriser le développement et la progression de l’atrophie géographique, comme par définition l’âge, certains régimes alimentaires et le tabagisme. Il existe également des facteurs de susceptibilité génétique liés au gène codant pour le complément factor H (CFH), impliqué dans la voie alterne de la cascade inflammatoire du complément et du gène de l’« Age Related Maculopathy Susceptibility 2 » (ARMS2).
Clinique et classification
Le diagnostic de l’atrophie maculaire est multimodal. Il convient naturellement de documenter l’acuité visuelle, idéalement à l’aide d’un score « ETDRS » plus adapté aux basses visions. Il existe plusieurs fondamentaux pour le diagnostic de l’atrophie maculaire.
Rétinophotographie
Il s’agit de l’examen de référence historique et la classification traditionnelle de l’AG est fondée sur la rétinophotographie.
Les lésions atrophiques apparaissent comme des zones rétiniennes claires, voire blanchâtres, arrondies ou polylobées, souvent multifocales et confluentes au sein desquelles on observe une visibilité accrue des gros vaisseaux choroïdiens (figure 1). Les bords lésionnels sont nets et parfois discrètement hyperpigmentés. En 2013, l’étude AREDS a fixé à 0,145 mm2 (soit un quart de diamètre papillaire) la taille minimale des lésions atrophiques. Toutefois, la qualité des rétinophotographies peut être altérée dans le cas d’une opacité des milieux ou d’une dilatation médiocre.
Tomographie en cohérence optique : nouvelle terminologie
En 2017, un groupe d’experts internationaux a proposé, au terme d’une conférence de consensus, une nouvelle classification de l’atrophie rétinienne reposant sur la tomographie en cohérence optique (OCT).
Sur la base de leurs recommandations, l’OCT représente le meilleur outil pour classification, car cette technique d’imagerie permet :
- de visualiser chaque couche de la rétine ;
- une reconstruction en-face afin de délimiter la perte de cellule de chaque couche ;
- de visualiser plus précocement l’apparition d’une plage d’atrophie ;
- de suivre dans le temps une zone rétinienne de façon automatisée ;
- de se rapprocher d’une coupe histologique ;
- de donner des informations sur l’atteinte ou l’épargne fovéolaire.
En outre, l’OCT représente actuellement le « Gold Standard » pour le diagnostic et la surveillance de la DMLA exsudative et est un outil largement disponible.
La nouvelle terminologie repose sur la présence d’une atrophie complète ou incomplète de 2 structures visibles en OCT : la rétine externe (Outer Retina) et l’épithélium pigmenté (RPE). Il existe au total 4 phénotypes :
- c-RORA (Complete RPE and Outer Retinal Atrophy) : atrophie complète à la fois de la rétine externe et de l’épithélium pigmentaire ;
- i-RORA (Incomplete RPE and Outer Retinal Atrophy) : atrophie incomplète à la fois de la rétine externe et de l’épithélium pigmentaire ;
- c-ORA (Complete Outer Retinal Atrophy) : atrophie complète de la rétine externe ;
- i-ORA (Incomplete Outer Retinal Atrophy) : atrophie incomplète de la rétine externe.
Cette classification met l’accent sur le fait qu’une atrophie de la rétine externe, notamment des photorécepteurs, peut être présente indépendamment d’une atrophie de l’épithélium pigmentaire. En revanche, une atrophie de l’EP est constamment associée à une atrophie de la couche des photorécepteurs sus-jacente.
Le concept novateur d’atrophie « complète » et « incomplète » est proposé en raison de l’atteinte progressive et lente des cellules rétiniennes et de l’EP.
« L’hypertransmission » du signal OCT au niveau de la choroïde est un élément de cette classification, elle est soit « homogène » (synonyme de « complet »), soit « inhomogène » (synonyme d’« incomplet »).
Cette classification OCT a été validée par des études histologiques montrant une exacte correspondance entre les données en OCT et en histologie.
Le c-RORA est donc défini par la présence de ces 3 caractéristiques (figure 2) :
- plage d’hypertransmission homogène mesurant au minimum 250 µm ;
- absence de la ligne de l’EP mesurant au minimum 250 µm ;
- perte de la ligne des photorécepteurs sus-jacents.
Le i-RORA ne satisfait pas les 3 caractéristiques de c-RORA, avec en particulier une hypertransmission inhomogène et une interruption irrégulière de la bande de l’EP et des photorécepteurs (figure 3).
Le c-ORA est défini par une absence complète de la ligne des photorécepteurs et la présence d’une ligne de l’EP intacte.
Le i-ORA est défini par la présence d’une atrophie de la couche des photorécepteurs avec une bande de EP intacte et sans hypertransmission (figure 4).
D’autres éléments peuvent être associés à l’AG mais ne font pas partie de la classification. Parmi les plus connus : les « Ghost Drusen », les « Outer Retinal Corrugation », les « Wedge Shaped Subretinal Hyporeflectivity », ainsi que les néovaisseaux « quiescents ».
L’intérêt de l’OCT-angiographie (OCT-A) réside dans sa capacité à détecter des néovaisseaux (actifs, inactifs, quiescents), de façon non invasive sans injection de colorant.
Une diminution de la densité vasculaire a été observée sur les bords de l’atrophie. La mesure de la taille de l’atrophie est reproductible avec l’OCT-A mais cette méthode n’a pas été validée pour les études multicentriques randomisées.
Autofluorescence
L’épithélium pigmentaire rétinien émet une fluorescence physiologique lorsqu’il est excité par une lumière d’une certaine longueur d’onde. On observe, dans le cas d’une souffrance de l’épithélium pigmentaire, une augmentation de la fluorescence généralement sur le bord de l’atrophie (hyper-autofluorescence). Dans le cas d’une perte sévère de l’EP, il n’existe plus d’autofluorescence émise (hypo-autofluorescence) (figure 1).
L’autofluorescence du fond d’œil représente le « Gold Standard » pour quantifier la progression de l’AG dans un certain nombre d’études multicentriques. C’est également un examen très utile dans la pratique courante pour confirmer le diagnostic d’AG et la quantifier.
Actuellement 2 types d’autofluorescence sont disponibles sur le marché : en lumière bleue ou en lumière verte proche de l’infrarouge.
Autres examens complémentaires moins utiles
Bien qu’elles permettent une sémiologie fine des atrophies maculaires, les angiographies à la fluorescéine et au vert d’indocyanine ne sont actuellement pas indiquées pour le diagnostic et la surveillance de l’AG, sauf si on soupçonne une complication néovasculaire.
L’électrophysiologie permet souvent de trancher s’il y a un doute diagnostique avec une dystrophie des cônes ou une dystrophie mixte (Cone-Rod Dystrophy). Elle sera principalement demandée dans les cas où l’atrophie n’est pas associée à des dépôts hyper-autofluorescents et n’est pas réalisée en routine.
Conclusion
Le diagnostic d’atrophie maculaire repose sur une évaluation multimodale. Une nouvelle classification fondée sur l’OCT qui a été confrontée pour la première fois à des éléments histologiques a été récemment proposée. Cette classification démontrera probablement de façon plus probante son intérêt lorsque les premiers traitements seront disponibles.
Pour en savoir plus
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