Retour d’expérience sur l’OCT ultra grand champ

L’imagerie de la périphérie rétinienne est un défi technologique en progrès constant. L’avènement de l’imagerie ultra grand champ est une avancée majeure dans la prise en charge des pathologies de la rétine avec, lors des 10 dernières années, l’apparition de nombreux appareils permettant d’imager des surfaces rétiniennes de plus en plus étendues.

Pour s’adapter à ces avancées techniques, la nomenclature des clichés d’imagerie périphérique a évolué [1]. On définit par moyenne périphérie la zone allant des arcades vasculaires jusqu’aux vortiqueuses, et par périphérie lointaine la zone antérieure aux vortiqueuses. L’imagerie grand champ correspond donc à une image ­permettant une visualisation de la moyenne périphérie dans les 4 cadrans (jusqu’aux ampoules vortiqueuses), et l’imagerie ultra grand champ à une image permettant de visualiser la périphérie lointaine dans les 4 cadrans (au-delà des vortiqueuses) [1].
L’imagerie ultra grand champ a montré son utilité dans la prise en charge de nombreuses pathologies rétiniennes affectant la périphérie rétinienne, comme la rétinopathie diabétique, les occlusions veineuses, la drépanocytose ou les uvéites postérieures. Elle offre également un gain de temps et de confort pour le patient par rapport aux appareils conventionnels, en s’affranchissant de la nécessité de faire plusieurs acquisitions puis un montage.
Bien que l’imagerie OCT montre une excellente ­résolu­tion (quasi histologique) et soit devenue incontournable dans les pathologies maculaires, son utilisation dans les pathologies de la périphérie rétinienne est mise en défaut, principalement du fait des difficultés techniques à l’acquisition. En effet, la réalisation d’une image OCT de la ­périphérie impliquait jusqu’alors de faire varier le point de fixation, ce qui requiert un opérateur expérimenté et un patient coopérant, avec des temps d’acquisition longs et un potentiel inconfort pour le patient. Le taux d’échec à l’acquisition de coupes OCT périphériques est, dans certaines études, supérieur à 40% avec des machines conventionnelles [2].

OCT Swept Source Silverstone

L’appareil Silverstone (Optos, figure 1A) est une plateforme d’imagerie multimodale qui associe un cliché ­d’ophtalmoscopie à balayage laser confocal ultra grand champ de 200° (soit environ 82% de la surface rétinienne), ­l’auto­fluorescence, l’angiographie fluorescéinique et au vert d’indocyanine, et un OCT Swept Source guidé par l’image Optomap. Il permet de faire des coupes OCT horizontales ou des acquisitions volumétriques de 6, 14 ou 23 mm, de la macula jusqu’à la périphérie lointaine. En plus de ce large panel de fonctions, l’originalité de cet appareil est que l’acquisition de coupes OCT périphériques ne dépend pas de la fixation du patient : le patient regarde une cible immobile en face de lui (comme lors de l’acquisition d’un cliché Optomap conventionnel) et le praticien choisit sur un écran tactile la zone d’intérêt où effectuer les coupes OCT à partir du cliché ultra grand champ (figure 1B). ­L’appareil utilisant la technologie Swept Source avec une longueur d’onde de 1 050 nm, il permet une acquisition rapide et une bonne visualisation du vitré jusqu’à l’interface choroïdosclérale.

Intérêt dans les pathologies de la moyenne périphérie

L’OCT Swept Source ultra grand champ est particulièrement utile pour l’imagerie multimodale dans les pathologies de la moyenne périphérie. Par exemple, dans les pathologies comme les stries angioïdes néovascularisées (figure 3A), il permet d’effectuer des clichés ultra grand champ couleur, l’autofluorescence, l’angiographie, et d’analyser l’activité de néovaisseaux périphériques sur des coupes OCT.
Dans les pathologies tumorales, l’OCT périphérique permet une mesure précise des dimensions des lésions et peut détecter la présence d’un décollement séreux rétinien périphérique infraclinique (figure 3B).
Enfin, nous avons pu, dans notre centre, documenter de nombreuses pathologies vasculaires affectant la périphérie, comme des macroanévrysmes artériels, des cas de maladie de Coats ou encore des hémangioblastomes capillaires rétiniens.

Intérêt dans la prise en charge des lésions de la périphérie rétinienne

L’OCT ultra grand champ permet aussi d’imager les lésions de la périphérie lointaine rétinienne (figure 4). Grâce à l’image OCT, on peut documenter une déchirure périphérique (par exemple, pour identifier des bords décollés), un décollement de rétine ou un schisis. Ces informations peuvent parfois aider à orienter la prise en charge thérapeutique. L’acquisition est possible même en présence d’un tamponnement par gaz (ce qui permet, par exemple, de vérifier la fermeture d’un trou maculaire en postopératoire précoce) ou par silicone.
Deux études ont évalué l’utilité clinique de cette ­plate­forme d’imagerie. Sur 86 yeux présen­tant une pathologie périphérique, l’acquisition d’images OCT des lésions périphériques était possible dans 97,6% des cas [3]. Dans une ­seconde étude sur 82 patients [4], le cliché OCT périphérique impactait la prise de décision théra­peutique de l’ophtalmologiste dans 38% des cas. 

Avantages, limites et évolutions futures

Le principal avantage de l’OCT ultra grand champ est de pouvoir réaliser des clichés OCT de la périphérie rétinienne sans avoir besoin de faire varier le point de fixation (l’acquisition se faisant dans le regard primaire). Le taux de succès d’acquisition reste élevé, même pour les lésions de l’extrême périphérie. L’appareil est une plateforme d’imagerie multimodale très complète, ­permettant l’acquisition de clichés ultra grand champ couleur, autofluorescence, angiographie fluo, ICG et OCT sans avoir à déplacer le patient. Le temps d’acquisition pour la prise de clichés OCT périphériques est dans notre expérience plus courte qu’avec des machines OCT conventionnelles.
L’acquisition, qui n’est possible qu’avec des coupes horizontales, est aussi une limite de la machine. La profondeur d’acquisition peut aussi être mise en défaut dans les cas de staphylomes très prononcés ou de lésions très profondes (kystes rétiniens, tumeurs…), bien que la visualisation des bords de ces lésions profondes soit toujours possible et informative. L’acquisition peut également être gênée par la visualisation de la paupière ou des cils, notamment en inférieur et en supérieur, et nécessite un opérateur formé et expérimenté. Pour les lésions de la périphérie extrême, l’acquisition est en général plus ­complexe et la qualité de signal plus faible, bien que la réalisation d’images de ce type de lésions soit le plus souvent possible.
L’interface d’acquisition et de visionnage des images est en cours d’amélioration avec, prochainement, la possibilité de faire des acquisitions en « follow up » au cours du temps, ainsi que d’effectuer un mapping.
En conclusion, l’OCT ultra grand champ Silverstone est une plateforme d’imagerie multimodale très ­complète permettant l’acquisition de coupes OCT en tous points de la rétine, de la macula à la périphérie lointaine.

Points forts
• L’OCT Swept Source Silverstone est un appareil ­polyvalent combinant clichés ultra grand champ, autofluorescence, angiographie fluo/ICG et OCT Swept Source guidé.
• Acquisition de coupes OCT de la périphérie rétinienne de façon simple dans le regard primaire.
• Précision de la technologie OCT dans le diagnostic de lésions périphériques.
• Intérêt potentiel en téléconsultation.

Références bibliographiques
[1] Choudhry N, Duker JS, Freund KB et al. Classification and guidelines for widefield imaging: Recommendations from the Internatio­nal Widefield Imaging study group. Ophthalmol Retina. 2019;3(10): 843-9.
[2] Choudhry N, Golding J, Manry MW, Rao RC. Ultra-widefield steering-based spectral-domain optical coherence tomography imaging of the retinal periphery. Ophthalmology. 2016;123(6):1368-74.
[3] Sodhi SK, Golding J, Trimboli C, Choudhry N. Feasibility of periphe­ral OCT imaging using a novel integrated SLO ultra-widefield ima­ging swept-source OCT device. Int Ophthalmol. 2021; 41(8):2805-15.
[4] Kovacs KD, Mahrous MA, Gonzalez L et al. Feasibility and clinical utility of ultra-widefield–navigated swept-source optical coherence tomography imaging. Journal of VitreoRetinal Diseases. 2021;5(5): 396-404.

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