Adaptation en lentilles rigides

Mme A., 59 ans, est adressée à la consultation de contactologie pour une adaptation en lentilles rigides. Elle présente comme antécédent ophtalmologique une plaie de cornée faisant suite à un traumatisme végétal 4 ans auparavant.

Observation
Son traitement actuel est constitué uniquement de larmes artificielles à la demande. L’opacité cornéenne est cicatricielle et stable malgré une corticothérapie locale. La cicatrisation s’est compliquée d’une kératopathie lipidique à l’origine d’une baisse d’acuité visuelle invalidante, et ce d’autant plus que le traumatisme a touché son œil directeur.
L’examen clinique ophtalmologique retrouve une acuité visuelle non améliorable de 5/10e. L’œil controlatéral est sain, avec une acuité visuelle de 10/10e sans correction.

L’examen à la lampe à fente objective une opacité stromale centrale et paracentrale nasale, compliquée de néovaisseaux superficiels et profonds et d’une kératopathie lipidique (figure 1). La lésion ne prend pas la fluorescéine. L’opacité est surmontée de bulles épithéliales entraînant un pool-out de fluorescéine (figure 2).
La topographie cornéenne montre un bombement central de l’opacité induisant un astigmatisme irrégulier avec une asymétrie supérieure (figure 3).

Devant cet examen, nous choisissons de débuter l’adaptation par une LRPG multicourbe, de type Menicon® Rose K2. Après plusieurs essais, nous optons finalement pour une lentille Menicon Rose K2 R0 = 7,20 mm, D = 9,00 mm, qui présente une image fluorescéinique légèrement serrée afin de ne pas entraîner d’appui sur le sommet irrégulier de la lésion. L’examen à la lampe à fente retrouve un bon centrage et une mobilité au clignement satisfaisante (figure 4).

L’acuité visuelle avec la lentille est nettement améliorée et remonte à 10/10e.
Nous prescrivons la lentille à l’essai afin de voir le bénéfice visuel, en expliquant le risque de difficulté de tolérance plus fréquent, notamment dans les adaptations unilatérales en LRPG.

Un contrôle est réalisé après 1 mois de port. L’image fluorescéinique ne montre pas d’appui et la mobilité est bonne. L’analyse de la cornée après dépose de la lentille ne retrouve pas de signe irritatif. L’acuité visuelle est à 10/10e. Cependant des difficultés dans l’apprentissage de la manipulation limitent le port. Une gêne est toujours ressentie lors du port. Nous réalisons alors un complément d’apprentissage de la manipulation en préconisant une accoutumance progressive.

Discussion
Un gain significatif d’acuité visuelle peut être obtenu après adaptation en LRPG dans des pathologies cornéennes entraînant un astigmatisme irrégulier, malgré la présence d’opacités [1].
Dans le cas d’une d’adaptation unilatérale, si l’œil adelphe présente une acuité visuelle satisfaisante, l’adaptation en LRPG est à discuter selon la gêne ressentie en vision binoculaire. En effet, certains patients décrivent un gain limité d’acuité visuelle en binoculaire, préférant alors ne pas porter une LRPG potentiellement inconfortable et contraignante.
Dans le cas d’une amélioration significative de l’acuité visuelle, il est possible d’envisager une adaptation unilatérale avec une tolérance qui peut être plus longue à obtenir.
Si la lentille est bien adaptée, mais avec une tolérance limitée, il est aussi possible de proposer une adaptation en piggy back. Le recours à l’utilisation d’une lentille hydride [2] ou sclérale peut être discuté en deuxième intention.

Conclusion
Devant une opacité cornéenne générant une irrégularité, l’acuité et la qualité visuelle peuvent être nettement améliorées par une adaptation en LRPG [3]. Cependant, lors d’une adaptation unilatérale, la tolérance locale peut être plus complexe à obtenir.

Références bibliographiques
[1] Scanzera AC, Dunbar G, Shah V et al. Visual rehabilitation with contact lenses following open globe trauma. Eye Contact Lens. 2021; 47(5):288-91.
[2] Harbiyeli II, Erdem E, Isik P et al. Use of new-generation hybrid contact lenses for managing challenging corneas. Eur J Ophthalmol. 2021;31(4):1802-8.
[3] Titiyal JS, Sinha R, Sharma N et al. Contact lens rehabilitation following repaired corneal perforations. BMC Ophthalmol. 2006; 6:11. 

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