Uvéites postérieures : les étiologies infectieuses à ne pas méconnaître

Les uvéites infectieuses représentent 20 à 30% de l’ensemble des uvéites et près de 50% des uvéites postérieures. Devant toute uvéite, l’origine infectieuse doit être recherchée avant la mise en place d’un traitement anti-inflammatoire corticoïdes ou immunosuppresseurs. La présentation clinique des uvéites infectieuses n’est pas toujours spécifique, d’où l’importance de bien conduire l’interrogatoire, d’orienter les examens complémentaires et de solliciter l’aide de l’infectiologue et de l’interniste.

Les 4 grandes causes à ne pas méconnaître du fait de leur fréquence ou de leur gravité sont la toxoplasmose, la tuberculose, la syphilis et l’herpès responsable du syndrome de nécrose rétinienne aiguë. D’autres causes sont également importantes à rechercher selon le contexte clinique et les facteurs de risque associés.

Toxoplasmose

C’est la première cause d’uvéites infectieuses, elle représente 30 à 50% des uvéites postérieures [1]. Elle touche fréquemment le sujet jeune (entre 25 et 30 ans) et se manifeste par une baisse de l’acuité visuelle (BAV), avec parfois une rougeur et une douleur oculaires. L’atteinte oculaire se présente typiquement sous la forme d’un foyer de rétinochoroïdite actif jouxtant une cicatrice pigmentée (figure 1) et peut être associée à une hyalite, une vascularite et un œdème papillaire. On peut avoir également une uvéite antérieure granulomateuse à la phase aiguë de l’inflammation comme réaction secondaire à l’inflammation postérieure.
Le diagnostic de la toxoplasmose oculaire est souvent un diagnostic clinique basé sur l’examen du fond d’œil. En cas de doute, la PCR et la sérologie de l’humeur aqueuse apportent la confirmation diagnostique en mettant en évidence le génome du parasite et une charge immunitaire de l’humeur aqueuse supérieure à 3 à 4 fois la charge immunitaire dans le sang [2].

Tuberculose

La tuberculose oculaire peut être secondaire à une infection active ou, le plus souvent, à une réaction immunologique sans présence de l’agent infectieux au sein des structures oculaires. L’atteinte oculaire peut être unilatérale ou bilatérale asymétrique.
L’uvéite postérieure, ou panuvéite, constitue la forme anatomoclinique la plus fréquente et peut se rencontrer dans 70 à 80% des cas [1]. Certaines présentations cliniques sont très évocatrices de tuberculose, comme le tuberculome choroïdien, les tubercules de Bouchut, la vascularite occlusive ou encore la choroïdite pseudo-serpigineuse.
Le diagnostic de tuberculose oculaire reste difficile à établir et repose le plus souvent sur l’association de manifestations cliniques avec une intradermoréaction à la tuberculine et/ou un test au quantiféron positifs.

Syphilis

L’atteinte oculaire survient au cours de la syphilis secondaire ou tertiaire, soit 2 à 6 mois après le début de l’infection. Les uvéites syphilitiques représentent 1 à 2% de l’ensemble des uvéites [3]. Toutes les formes d’uvéite sont possibles, d’où l’appellation de grande simulatrice. Le signe d’Argyll Robertson, quand il est présent, constitue un élément très évocateur de la syphilis et se caractérise par une abolition du réflexe photomoteur alors que le myosis est conservé à l’accommodation-convergence. L’uvéite postérieure reste fréquente et se manifeste par une hyalite dense, une choroïdite ou une choriorétinite en plaque typique, une vascularite, et parfois une neurorétinite (figure 2).

Syndrome de nécrose rétinienne aiguë

Il s’agit d’une véritable urgence diagnostique et thérapeutique. Le tableau clinique associe une uvéite antérieure (parfois granulomateuse avec hypertonie oculaire), une hyalite et des plages de nécrose rétinienne disséminées ou confluentes, avec une artérite occlusive et un œdème papillaire d’intensité variable. Le diagnostic positif est le plus souvent clinique et peut être confirmé par la recherche par PCR du génome viral de l’herpès dans l’humeur aqueuse [2].

Autres étiologies

Maladie de Lyme : borréliose
La maladie de Lyme est une zoonose due à la bactérie Borrelia burgdorferi transmise par la piqûre de tique. Tous les tissus oculaires peuvent être touchés. L’atteinte postérieure se manifeste par une hyalite, associée à une choroïdite multifocale, une vascularite, et parfois un œdème papillaire de stase par hypertension intracrânienne. Le signe d’Argyll Robertson peut être observé.
Le diagnostic est le plus souvent présumé et repose sur un faisceau d’arguments, à cause de la variabilité des résultats de la sérologie par ELISA. Une sérologie négative n’élimine pas le diagnostic, en revanche, si elle est positive, elle doit être complétée par un western blot [4].

Toxocarose
Il s’agit d’une infection oculaire grave par la larve d’un vers, le Toxocara canis. Ubiquitaire, cette infection touche essentiellement les enfants et l’adulte jeune au contact de jeunes chiens ou chats non vermifugés. Le tableau clinique est typiquement celui d’une inflammation intraoculaire unilatérale, avec la présence d’un granulome rétinien périphérique ou central mais pouvant aller jusqu’à l’infection grave avec endophtalmie. Le diagnostic repose sur la sérologie sanguine [2]. Il n’existe pas de traitement efficace, d’où la grande importance de la prévention. Les corticoïdes sont souvent le seul traitement prescrit en raison de l’importance des signes inflammatoires.

Maladie des griffes du chat : bartonellose
Il s’agit d’une infection cosmopolite. La transmission de la bactérie, le Bartonella henselae, se fait par griffure ou morsure. L’uvéite liée à cette maladie survient dans moins de 2% des cas et donne un tableau de neurorétinite unie ou bilatérale, avec un œdème papillaire et une étoile maculaire. On peut avoir également une vascularite rétinienne occlusive [1]. La BAV est parfois importante mais la récupération visuelle est complète dans la plupart des cas.

Nouvelles causes émergentes
Ces dernières années, des facteurs liés à l’immigration, aux changements climatiques, à l’extension de certaines infections à de nouvelles régions et à la mondialisation ont fait apparaître de nouvelles causes d’uvéites infectieuses comme le West Nile virus, la dengue, le chikungunya et encore le virus H1N1 [5].

Conclusion

Les uvéites infectieuses représentent une proportion importante des uvéites. Les formes typiques restent rares, d’où l’importance de ne pas négliger l’interrogatoire à la recherche de facteurs de risque et de solliciter l’aide des infectiologues et des internistes dans la recherche étiologique. Les avancées des tests biologiques, notamment les sérologies et les test PCR, ont apporté une aide considérable dans le diagnostic de ces infections.

Références bibliographiques
[1] Zeghidi H, LeHoang P, Bodaghi B. Uvéites. Elsevier Masson SAS, AKOS (Traité de Médecine). 2019;6-0225.
[2] Harper TW, Miller D, Schiffman JC, Davis JL. Polymerase chain reaction analysis of aqueous and vitreous specimens in the diagnosis of posterior segment infectious uveitis. Am J Ophthalmol. 2009;147(1): 140-7.
[3] Chao JR, Khurana RN, Fawzi AA et al. Syphilis: reemergence of an old adversary. Ophthalmology. 2006;113(11): 2074-9.
[4] Bernard A, Seve P, Abukhashabh A et al. Lyme-associated uveitis: Clinical spectrum and review of literature. Eur J Ophthalmol. 2020;30(5):874-85.
[5] Khairallah M. Kahloun R. Ben Yahia S et al. New infectious etiologies for posterior uveitis. Ophthalmic Res 2013;49(2):66-72.

Auteurs

  • Hatem Zeghidi

    Ophtalmologiste

    Hôpital Lariboisière, Paris ; Clinique des Martinets, Rueil-Malmaison

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