The Adapted Management of Glaucoma: Expectations versus Reality Compte rendu du symposium Horus Pharma - EGS 2022
Le 5 juin 2022, s’est tenu à Athènes le symposium glaucome du laboratoire Horus Pharma à l’occasion du 15e congrès de l’EGS (European Glaucoma Society). Modéré par le Pr Jean-Paul Renard, ce symposium a permis d’exposer les résultats des études les plus récentes sur le suivi et la prise en charge du glaucome. Les recommandations de bonnes pratiques cliniques issues de ces travaux ont ainsi été rapportées.
La tomographie en cohérence optique (OCT) suffit-elle au diagnostic de progression du glaucome ?
Le Pr Jean-Paul Renard (France) a débuté ce symposium en définissant la place de l’OCT dans le diagnostic de progression du glaucome. Dotées d’une faible variabilité intra-individuelle et d’une bonne reproductibilité, les OCT RNFL et du complexe ganglionnaire maculaire (GCC) ont constitué une réelle révolution dans le suivi et le diagnostic des formes précoces de glaucome. De nombreuses études ont exploré l’intérêt de l’OCT dans l’analyse de progression. Celle-ci repose sur l’observation du champ visuel et de l’OCT. L’évolution de l’un des 2 examens permet de suspecter une progression de la maladie. Il n’est d’ailleurs pas rare que seul l’un de ces examens soit modifié. L’OCT est utile à tous les stades du glaucome. Elle est cependant plus sensible aux formes précoces de la maladie du fait de l’effet plancher retrouvé dans les stades avancés, pour lesquels l’analyse du champ visuel est plus informative.
Le Pr Jean-Paul Renard a par ailleurs rappelé l’importance de l’examen clinique. La présence d’une hémorragie du disque constitue par exemple un signe de souffrance de la papille que l’OCT ne peut déceler. Une autre limite des OCT RNFL et GCC est la présence de faux positifs – notamment dans l’analyse des petites papilles ou des papilles sur grandes longueurs axiales – et de faux déficits liés à une mauvaise acquisition ou à une erreur de segmentation. Pour terminer, le Pr Renard a exposé les résultats de l’analyse de la densité vasculaire mesurée en OCT angiographie. Bien que fortement corrélée à l’atteinte campimétrique et aux atteintes structurelles mesurées en RNFL, la place de cette analyse dans le diagnostic de progression reste à définir du fait du peu d’études longitudinales réalisées sur le sujet.
L’iridotomie périphérique au laser (IPL) est-elle toujours indiquée dans le cas d’un angle iridocornéen étroit ?
Une mise au point sur la place de l’IPL dans le traitement de la fermeture de l’angle a été réalisée par le Pr Francisco Goñi (Espagne). Pour cela, il a, dans un premier temps, rappelé l’intérêt de la gonioscopie sur laquelle repose la classification de la fermeture primitive de l’angle :
- suspicion de fermeture primitive de l’angle définie par la présence d’un contact irido-trabéculaire sur au moins 180° ;
-fermeture primitive de l’angle avérée définie par la présence d’une hypertonie oculaire ou de synéchies antérieures périphériques ;
- glaucome par fermeture de l’angle.
Chez les patients suspects de fermeture de l’angle, l’IPL n’est pas systématique et elle doit être réalisée chez les patients à risque (hypermétropes, dilatation pupillaire répétée, difficultés d’accès aux soins) selon les dernières recommandations de l’EGS de 2020. Le Pr Goñi a également rappelé les résultats de l’étude EAGLE. Chez les patients jeunes atteints d’un glaucome par fermeture de l’angle, l’IPL constitue la seule option thérapeutique. Chez ceux de plus de 50 ans, la phacoexérèse doit être discutée du fait d’une efficacité pressionnelle plus importante que l’iridotomie seule.
La trabéculoplastie sélective au laser (SLT) est-elle indiquée chez tous les patients naïfs de traitements ?
Le Pr Francisco Muñoz Negrete (Espagne) a défini la place du traitement par SLT chez les patients nouvellement diagnostiqués de glaucome, naïfs de tout traitement. Il a pour cela exposé les résultats de l’étude LiGHT et les recommandations de l’EGS. Cet essai randomisé a comparé plus de 700 patients glaucomateux naïfs de traitements, traités soit par collyres antiglaucomateux seuls, soit par laser SLT. La grande majorité présentait une pression intraoculaire (PIO) équilibrée après traitement dans les 2 groupes. En revanche, le nombre de progressions et d’interventions chirurgicales (chirurgie de la cataracte et du glaucome) était significativement plus important dans le groupe traité par collyres seuls. Le laser SLT est donc efficace et possiblement associé à un meilleur pronostic de la maladie lorsqu’il est réalisé en première intention. D’ailleurs, la réalisation d’une seconde séance de laser est efficace et bien tolérée. D’autre part, il n’a pas été retrouvé de différence d’efficacité pressionnelle entre la réalisation d’un laser SLT ou la mise en place de MIGS (Minimally Invasive Glaucoma Surgery). Le Pr Muñoz Negrete a tout de même rappelé la difficulté d’accès à ce traitement, notamment dans les pays en voie de développement, et le risque important de perte de vue des patients traités par laser SLT en première intention.
Les MIGS (Minimally Invasive Glaucoma Surgery) sont-elles aussi efficaces que la chirurgie filtrante conventionnelle ?
Pour compléter cette présentation sur les traitements interventionnels du glaucome, le Pr Alfonso Antón López (Espagne) a détaillé l’état des connaissances sur les MIGS. Le traitement chirurgical de référence du glaucome repose encore sur la chirurgie filtrante conventionnelle, et notamment sur la trabéculectomie dont l’efficacité et la sécurité sont aujourd’hui largement documentées dans la littérature. Les MIGS ont été développées dans le but de diminuer les complications de la chirurgie du glaucome en limitant la manipulation des tissus. Elles sont aujourd’hui nombreuses sur le marché et se répartissent en 2 groupes : avec ou sans bulle de filtration. L’efficacité des MIGS avec bulle de filtration est encore mal documentée, notamment du fait du peu d’essais cliniques randomisés. Les résultats intermédiaires d’un essai clinique randomisé comparant l’efficacité du Preserflo® vs trabéculectomie ont été publiés. Il semblerait que le Preserflo® soit moins efficace que la trabéculectomie. En revanche, l’efficacité des dispositifs mini-invasifs trabéculaires implantés ab interno (iStent® et Hydrus®) a bien été documentée. Combinés à une chirurgie conventionnelle de la cataracte, ils ont une efficacité pressionnelle plus importante que la chirurgie du cristallin seule. Bien que « micro-invasives », les MIGS ne sont pas dénuées d’effets indésirables. Notons par exemple le risque d’hypotonie pour les MIGS avec bulle de filtration et le risque d’hyphéma pour les dispositifs trabéculaires. Pour conclure, le Pr Alfonso Antón López a rappelé les recommandations de l’EGS. Les données de la littérature sont insuffisantes pour établir la sécurité et l’efficacité de ces dispositifs. Ils font baisser la PIO et permettent de diminuer le nombre de collyres instillés mais il est encore déconseillé de les utiliser en remplacement d’une chirurgie filtrante conventionnelle dans les cas nécessitant une forte baisse pressionnelle.
Les médicaments génériques et hybrides sont-ils moins efficaces que les princeps ?
Afin d’introduire le thème des collyres antiglaucomateux et des traitements sans conservateurs au sein de ce symposium, le Pr Florent Aptel (France) a rappelé la définition des médicaments hybrides. Ceux-ci ont les mêmes substances actives que le princeps mais des substances inactives différentes qui permettent d’améliorer la formulation du produit en retirant le conservateur par exemple, sans compromis sur l’efficacité. Le Pr Aptel a pris pour exemple une nouvelle formulation de latanoprost 0,005% sans conservateur (Xiop®, Horus Pharma). Des modèles expérimentaux in vitro ont permis de comparer la perméation cornéenne des formes conservées et des formes non conservées et n’ont pas révélé de différence significative. Ces résultats ont également été confirmés in vivo par des modèles animaux montrant un profil de pharmacocinétique comparable entre le Xiop® et le produit de référence (Xalatan®) dans le corps ciliaire et l’humeur aqueuse (figure 1), remettant en question l’intérêt du chlorure de benzalkonium (BAK) dans la pénétration du principe actif. Les formes conservées de latanoprost se sont d’ailleurs révélées être plus toxiques in vitro du fait de la présence du BAK (figure 2).
Le chlorure de benzalkonium contenu dans les collyres a-t-il un intérêt pour l’efficacité des principes actifs ?
Le Pr Christophe Baudouin (France) a précisé l’effet clinico-biologique de ces conservateurs, et notamment du BAK. Ces conservateurs sont nécessaires pour la non-contamination des collyres mais ont de nombreux effets néfastes sur la surface oculaire, notamment chez les patients traités au long cours. Ces effets sont temps- et dose-dépendants, ils sont également très variables et multifactoriels : simple instabilité du film lacrymal, kérato-conjonctivite allergique, kératite toxique… Il a d’ailleurs été suggéré que ces effets sur la surface oculaire pourraient contribuer à l’efficacité du principe actif. Qu’en est-il vraiment ? Au niveau cellulaire, en quelques minutes le BAK est responsable d’une apoptose cellulaire et d’une activation des processus inflammatoires. À l’échelle tissulaire, il est responsable d’une altération des jonctions serrées de l’épithélium cornéen, d’une apoptose des cellules épithéliales mais d’une activation des cellules sous-jacentes. Il a été montré, pour de nombreuses molécules (timolol, cartéolol, latanoprost…), que ces phénomènes n’augmentaient pas l’efficacité du médicament. De nombreux autres moyens sont employés afin d’obtenir des concentrations intraoculaires efficaces de principe actif (concentrations importantes, utilisation de prodrogues…). Ainsi, les conservateurs ne sont pas nécessaires à l’efficacité de nos collyres.
Expérience belge et italienne de l’utilisation de collyre à base de latanoprost sans conservateur
Pour clore le symposium, les Prs Nathalie Collignon (Belgique) et Luca Rossetti (Italie) ont partagé leur expérience de l’usage de collyres non conservés, notamment du latanoprost.
Le Pr Collignon a exposé les résultats préliminaires d’une étude rétrospective multicentrique réalisée en Belgique, explorant l’efficacité et la tolérance d’une formulation de latanoprost non conservée (Xiop®) chez des patients hypertones ou glaucomateux, naïfs ou switchés d’une monothérapie. La nouvelle formulation de latanoprost semble plus efficace et mieux tolérée que les traitements précédents. Après le passage d’une forme conservée à une forme sans conservateur de latanoprost, l’amélioration de la surface oculaire, la résolution de l’hyperhémie conjonctivale et la baisse de la PIO présentées en cas clinique illustrent bien ces résultats.
Le Pr Rossetti a rappelé l’efficacité incontestée et la bonne tolérance des analogues des prostaglandines en collyres (plus de 30% de baisse pressionnelle). En Italie, le latanoprost représente plus de 60% des prescriptions de collyres à base d’analogues de prostaglandines, vs 18% pour les formes non conservées. C’est encore trop peu selon le Pr Rossetti, qui rappelle que les conservateurs sont toxiques pour la surface oculaire et qu’ils ne sont pas nécessaires à l’efficacité du médicament.