Syndrome d’Irvine-Gass : existe-t-il des facteurs prédictifs ? Comment l’éviter ?

Le syndrome d’Irvine Gass correspond à la survenue d’un œdème maculaire cystoïde dans les suites d’une chirurgie de la cataracte. Il représente la cause la plus fréquente de baisse d’acuité visuelle après cette intervention. Certains facteurs favorisants identifiés multiplient les risques et il est important de réaliser un bilan complet avant toute intervention afin d’optimiser la prise en charge et le suivi.

Décrit cliniquement par Irvine en 1953 [1,2], le syndrome d’Irvine-Gass a par la suite été caractérisé angiographiquement par Gass et Norton en 1966 [2]. Son incidence est très variable selon les études et selon si la définition est clinique ou si elle se base sur l’imagerie (angiographie ou OCT). Ainsi, on rapporte 0,2 à 2% [1] de syndromes d’Irvine Gass cliniquement significatifs, tandis que des œdèmes maculaires transitoires asymptomatiques sont retrouvés dans 9 à 40% des cas [2].
Dans les cas symptomatiques, les patients rapportent typiquement une baisse d’acuité visuelle, majorée en vision de près, qui survient en général 4 à 6 semaines après la chirurgie [2], mais qui peut se déclarer jusqu’à 6 mois après [3]. Un Tyndall en chambre antérieure peut être présent. L’imagerie OCT permet d’objectiver l’épaississement rétinien maculaire et les logettes cystoïdes ; un soulèvement fovéolaire limité est parfois associé (figure 1). L’œdème prédomine au niveau des couches plexiforme externe et nucléaire interne. L’angiographie à la fluorescéine n’est plus nécessaire au diagnostic mais peut parfois aider en cas de doute pour éliminer un diagnostic différentiel (figure 2). On observe alors des dilatations capillaires périfovéolaires, des diffusions symétriques s’étendant souvent au-delà de l’aire maculaire et des vaisseaux temporaux au temps précoce, ainsi qu’une hyperfluorescence papillaire. Les kystes maculaires prennent un aspect « pétaloïde » sur les temps tardifs [2].
Sur le plan physiopathogénique, cet œdème maculaire postopératoire est la conséquence d’une augmentation de la perméabilité vasculaire par rupture de la barrière hématorétinienne, secondaire à des processus inflammatoires per- et postopératoires (activation de la voie de l’acide arachidonique, libération de nombreux médiateurs dont les prostaglandines, VEGF, etc.) [1,3], inhérents au geste chirurgical et à la cicatrisation, et parfois majorés par un terrain ou un contexte.

Est-il prévisible ? 

Des facteurs liés au patient et/ou à la chirurgie ont pu être identifiés comme étant associés à un risque accru de développer un syndrome d’Irvine-Gass (tableau I). Les patients âgés et/ou diabétiques sont notamment concernés [1].
Concernant le diabète, le risque est multiplié globalement par 5 et augmente avec le degré de sévérité de la rétinopathie diabétique [4]. L’antécédent d’uvéite intermédiaire ou postérieure constitue également un facteur de risque (incidence de 12 et 8% à 1 et 3 mois, respectivement), ce d’autant que l’inflammation est mal contrôlée en préopératoire [5]. Enfin, citons comme autres facteurs de risque l’antécédent d’Irvine-Gass sur l’œil controlatéral, les occlusions veineuses ou la présence d’une membrane épimaculaire. Le rôle des collyres contenant des prostaglandines reste discuté [3].
Le type de chirurgie (phacoémulsification vs extra-, voire intracapsulaire), l’utilisation importante des ultrasons, un temps opératoire prolongé, la survenue de complications (rupture capsulaire, issue de vitré, désinsertion zonulaire, chute du noyau ou de fragments cristalliniens, utilisation d’écarteurs à iris) favorisent l’œdème maculaire postopératoire [6].

Peut-on l’éviter ?

En 2020, le bilan préopératoire d’une chirurgie de la cataracte doit toujours comporter un examen du fond d’œil et une coupe OCT maculaire afin de s’assurer de l’absence de lésions maculaires préalables, surtout chez le patient diabétique ou aux antécédents d’uvéite. L’examen permettra de déterminer s’il préexiste un œdème ou une membrane épimaculaire et ainsi d’optimiser la prise en charge et la programmation du suivi.
Les facteurs favorisants seront contrôlés au mieux : la chirurgie du sujet diabétique sera programmée après s’être assuré de l’optimisation de la prise en charge glycémique et tensionnelle ; l’ischémie périphérique, dans le cas d’une rétinopathie diabétique périphérique ou d’occlusion veineuse, sera maîtrisée par une panphotocoagulation préalable à la chirurgie ou – si elle est impossible en raison, par exemple, d’une cataracte trop dense – par injections d’anti-VEGF (le laser devra impérativement être réalisé après la chirurgie) ;  l’inflammation du patient uvéitique devra être contrôlée et stabilisée. Enfin les collyres comprenant des prostaglandines pourront être remplacés par des collyres comprenant de l’acétazolamide.
Le geste chirurgical sera programmé dans les meilleures conditions possibles afin de limiter le risque de complications (dilatation pharmacologique de l’iris bien réalisée, traitement antihypertenseur pris le jour de la chirurgie, anesthésie générale ou sédation appropriée chez le patient non compliant…).

Les phénomènes inflammatoires liés au geste chirurgical seront contrôlés au mieux avec un traitement anti-inflammatoire local postopératoire par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour une cataracte simple (tableau II). Chez les patients diabétiques ou aux antécédents d’uvéite ou d’occlusion veineuse, ou en présence de complications, l’association synergique AINS/corticoïdes pourra être envisagée et le traitement prolongé. Chez les sujets diabétiques, une injection d’anti-VEGF en fin d’intervention est réalisée par un certain nombre de chirurgiens, mais aucune étude randomisée n’a clairement démontré la supériorité d’une injection systématique. Dans le cas d’une uvéite, l’administration de corticoïdes soit localement en intravitréen (implant de dexaméthasone), soit en sous-conjonctival/sous-ténonien (triamcinolone), soit par voie systémique, est souvent proposée autour du geste opératoire (tableau II).

Conclusion

Le syndrome d’Irvine-Gass est la cause la plus fréquente de baisse d’acuité visuelle en postopératoire de la chirurgie de la cataracte. Il est favorisé par un terrain (sujet âgé, présentant une fragilité vasculaire locale : diabète, occlusion veineuse, uvéite…) et un contexte (déséquilibre diabétique ou tensionnel, mauvais contrôle de l’inflammation préopératoire, absence de bilan rétinien préalable à la chirurgie, geste chirurgical réalisé dans des conditions difficiles) dont l’identification en amont permet de mieux adapter la prise en charge afin de limiter le risque de survenue de l’œdème maculaire postopératoire et son degré de gravité, et de favoriser sa prise en charge précoce.

Références bibliographiques
[1] Gaucher D, Gaudric A. Œdème maculaire (hors diabète). EMC - Ophtalmologie 2014;11(2):1-21 [Article 21-245-A-30].
[2] Kodjikian L, Bellocq D, Bodaghi B. Management of Irvine-Gass Syndrome. J Fr Ophtalmol. 2017;40(9):788-92.
[3] Rapport SFO 2016 – Œdèmes maculaires. https://www.em-consulte.com/em/SFO/2016/html/file_100024.html
[4] Samanta A, Kumar P, Machhua S et al. Incidence of cystoid macular oedema in diabetic patients after phacoemulsification and free radical link to its pathogenesis. Br J Ophthalmol. 2014;98(9):1266-72.
[5] Bélair ML, Kim SJ, Thorne JE et al. Incidence of cystoid macular edema after cataract surgery in patients with and without uveitis using optical coherence tomography. Am J Ophthalmology. 2009;148 (1):128-35.
[6] Rossetti L, Autelitano A. Cystoid macular edema following cataract surgery. Curr Opin Opthalmol. 2000;11(1):65-72.

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