Syndrome des taches blanches du fond d’œil : rappels et nouveautés
Le syndrome des taches blanches désigne un ensemble de pathologies inflammatoires caractérisées par la présence de lésions blanchâtres rétiniennes ou choroïdiennes. Ces pathologies affectent de façon privilégiée les femmes jeunes, volontiers myopes, et sont dans la majorité des cas idiopathiques. La physiopathologie reste mal élucidée mais un syndrome pseudo-grippal peut précéder l’apparition des premiers symptômes, suggérant une atteinte inflammatoire « auto-immune ».
Les patients se plaignent souvent de photopsies associées à un flou visuel. Les pathologies suivantes sont classiquement incluses dans le spectre des taches blanches du fond d’œil : syndrome des taches blanches évanescentes, choroïdite multifocale/choroïdite ponctuée interne, épithéliopathie en plaques (EEP) et choroïdite serpigineuse. La choriorétinopathie de type birdshot, fortement associée au HLA-A29, y est parfois incluse mais elle constitue en réalité une pathologie à part et ne sera pas abordée dans ce chapitre.
Syndrome des taches blanches évanescentes
Le MEWDS (Multiple Evanescent White Dot Syndrome), ou syndrome des taches blanches évanescentes, est une pathologie rare touchant préférentiellement les femmes jeunes (figure 1). L’atteinte rétinienne du MEWDS est dans la majorité des cas unilatérale, contrairement aux autres pathologies du spectre des taches blanches. La physiopathologie exacte est mal élucidée mais les progrès récents en imagerie permettent de localiser l’atteinte au niveau du complexe épithélium pigmentaire (EP)/photorécepteurs. L’évolution est favorable sans traitement en quelques semaines. Des récidives ou des cas bilatéraux ont été décrits mais restent rares.
Clinique et imagerie
À l’examen du fond d’œil, des lésions blanchâtres arrondies multiples sont visibles et prédominent au pôle postérieur et en péripapillaire. Typiquement, il existe un aspect granité de la fovéa. En autofluorescence, les lésions sont hyper-autofluorescentes ; en angiographie à la fluorescéine, elles sont hyper-fluorescentes dès les temps précoces, ce qui est très caractéristique du MEWDS. On rencontre parfois une hyperfluorescence papillaire ou des parois veineuses associées. L’angiographie au vert d’indocyanine présente également un aspect très typique puisque les lésions ne sont pas visibles au temps précoce mais apparaissent aux temps intermédiaires sous la forme de lésions hypofluorescentes qui s’intensifient au temps tardif. Elles sont confluentes et plus nombreuses que les lésions visibles au fond d’œil et en angiographie à la fluorescéine.
L’OCT montre une interruption de la zone ellipsoïde et d’interdigitation. Au niveau fovéolaire, une hyperréflec tivité verticale rétrofovéolaire est assez fréquemment observée et pourrait correspondre à des « débris » ou à un « exsudat fibrineux » donnant l’aspect « granité » de la fovéa.
Nouveautés
L’OCT-angiographie (OCT-A) ne met pas en évidence d’anomalies du signal de décorrélation au niveau de la choriocapillaire, confortant l’hypothèse de l’atteinte primitive de l’EP et des photorécepteurs.
L’hyper-autofluorescence des lésions du MEWDS proviendrait d’une perte/dysfonction des articles exter nes des photorécepteurs contenant le pigment visuel. Il y aurait donc un effet fenêtre de l’autofluorescence de l’EP. Les taches ne sont plus visibles après un « bleaching » du fond d’œil, c’est-à-dire après l’illumination prolongée, pendant 60 secondes, du fond d’œil par le laser bleu d’autofluo rescence [1]. Enfin, récemment ont été rapportées des lésions ré tiniennes évocatrices de MEWDS associés à d’autres pathologies rétiniennes (choroïdite multifocale, choriorétinopathie toxoplasmique) ou dans des cas de néovaisseaux choroïdiens [2].
Choroïdite multifocale et choroïdite ponctuée interne
La choroïdite multifocale (CMF) et la choroïdite ponctuée interne (PIC) sont 2 entités très proches et, pour certains auteurs, elles constitueraient la même pathologie. Classiquement, la CMF se différencie de la PIC par la présence de taches de plus grande taille, volontiers disséminées sur tout le fond d’œil et parfois associées à une hyalite et une uvéite antérieure. La PIC (figure 2) se caractérise par la présence de taches de petite taille prédominant au pôle postérieur. Ces pathologies affectent les femmes jeunes volontiers myopes. Dans la majorité des cas, aucune étiologie n’est retrouvée mais un bilan systémique doit être réalisé afin d’éliminer notamment une sarcoïdose ou une tuberculose. Dans les 2 pathologies, l’atteinte est volontiers bilatérale et la néovascularisation est une complication fréquente pouvant assombrir le pronostic visuel. Un traitement par voie générale par corticoïdes éventuel lement associé à un traitement immunosuppresseur peut être proposé pour traiter la poussée et prévenir les récidives. Les néovaisseaux choroïdiens seront traités par injections intra vitréennes d’anti-VEGF.
Clinique et imagerie
Les taches jaunes du fond d’œil sont plus ou moins nombreuses et plus ou moins confluentes. Le retentissement sur l’acuité visuelle dépend de leur localisation. L’aspect en autofluorescence est variable. Les taches cicatricielles anciennes sont habituellement hypo-autofluorescentes. Les plus récentes peuvent avoir un halo hyper-autofluorescent. En angiographie à la fluorescéine, les taches sont hypofluorescentes au temps précoce et s’imprègnent au temps tardif. Toutefois, certaines lésions de petite taille de PIC peuvent être d’emblée hyperfluorescentes dès le temps précoce. Il existe parfois une hyperfluorescence papillaire et des vascularites veineuses associées, notamment dans la CMF. Dans les 2 pathologies, des néovaisseaux choroïdiens associés aux lésions peuvent modifier la sémiologie angiographique. En angiographie au vert d’indocyanine, les lésions de PIC ou de CMF sont hypo-fluorescentes à tous les temps et sont parfois plus nombreuses que les lésions visibles au fond d’œil.
En OCT, les lésions actives de CMF ou de PIC se traduisent par une hyperréflectivité en dôme de l’EP et de la nucléaire externe, avec parfois une interruption de la ligne de l’EP, associée à une augmentation de l’épaisseur choroïdienne en regard. Au stade atrophique, une interruption de l’EP est visible au niveau des lésions, avec parfois une atrophie de la couche des photorécepteurs et un aspect en V de la rétine interne attirée vers la choroïde [3]. L’OCT est également utilisé pour mettre en évidence les signes de néovaisseaux choroïdiens de type 2 associés, se traduisant par une hyperréflectivité fusiforme en avant de l’EP associée à des signes exsudatifs.
Nouveautés
L’OCT-A est un examen extrêmement utile pour confirmer la présence de néovaisseaux associés aux PIC/CMF. Sur le plan thérapeutique, une étude rétrospective évaluant 318 yeux de patients atteints d’une PIC a démontré que le traitement par corticoïdes par voie systémique au cours de la phase active inflammatoire permettait de diminuer la fréquence des néovaisseaux choroïdiens [4]. Par ailleurs, cette étude confirme l’intérêt de traiter les néovaisseaux par injection intravitréenne d’anti-VEGF [4].
Épithéliopathie en plaques
L’EEP est une pathologie rare, bilatérale, souvent asymétrique, qui affecte les sujets jeunes sans prédisposition de sexe. Un syndrome pseudo-grippal peut précéder la baisse d’acuité visuelle. Elle se caractérise par la présence de larges plaques blanc-jaunâtre rétiniennes profondes, probablement secondaires à une atteinte inflammatoire de la choriocapillaire (figure 3). Cettte pathologie est habituellement localisée à l’œil, même si de rares cas de vascularites cérébrales ont été décrits. L’évolution est favorable spontanément mais une corticothérapie peut être proposée dans le cas d’une baisse profonde d’acuité visuelle sans que son efficacité ait été démontrée [5]. Les récidives sont rares.
Clinique et imagerie
Le retentissement sur l’acuité visuelle est variable et dépend de la localisation des lésions. Dans certains cas, des décollements séreux rétiniens sont associés aux plaques, donnant un aspect proche de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada. Les lésions blanchâtres sont arrondies ou polycliques et se localisent volontiers au niveau du pôle postérieur. En autofluorescence, l’aspect des plaques est variable. Elles sont le plus souvent hypo-autofluorescentes, probablement par effet masque de l’autofluorescence de l’EP. Elles peuvent parfois être hyper-autofluorescentes avec un centre hypo-autofluorescent. En angiographie à la fluorescéine, les plaques sont volontiers hypofluorescentes au temps précoce et s’imprègnent au temps tardif. En angiographie au vert d’indocyanine, les plaques sont hypofluorescentes aux temps précoce et tardif. En OCT, les plaques se traduisent par une hyperréflectivité de la nucléaire externe, associée à une interruption de la zone ellipsoïde et d’interdigitation. Il existe une augmentation de l’épaisseur choroïdienne associée en phase aiguë.
Nouveautés
Les données en OCT-A confirment la probable implication de la choriocapillaire dans la physiopathologie de la maladie. Une diminution du signal de décorrélation est bien visible au niveau de la choriocapillaire de taille supérieure aux plaques. Des études en OCT en mode EDI mettent également en évidence une augmentation de l’épaisseur et une hyporéflectivité de la chorio capillaire en regard des plaques [6].
Choroïdite serpigineuse
La choroïdite serpigineuse (figure 4) est une pathologie rare chronique évoluant par poussées, souvent bilatérale, affectant les sujets d’âge moyen sans prédisposition de sexe. Dans la ma jorité des cas, aucune étiologie n’est retrouvée mais un bilan doit être réalisé afin notamment d’éliminer une tuberculose sous-jacente. Même si la physiopathologie est débattue, les lésions pourraient être secondaires à une atteinte inflammatoire de la chorio capillaire comme dans l’EEP, mais elles présentent la caractéristique d’être plus destructrices puisqu’elles entraînent la mort des cellules de l’EP et des photorécepteurs. À la phase d’activité inflammatoire, un traitement par corticoïdes à forte dose est préconisé, relayé ensuite par des immunosuppresseurs afin de prévenir les nouvelles poussées. Toutefois le pronostic visuel est parfois sombre, marqué par une évolution des lésions malgré le traitement systémique et par la survenue de néovaisseaux choroïdiens en bordure des lésions.
Clinique et imagerie
Les lésions de choroïdite débutent en général au niveau de la papille puis s’étendent progressivement vers la périphérie et la macula. En autofluorescence, les lésions actives ont une bordure hyper-autofluorescente et les lésions atrophiques sont entièrement hypo-autofluorescentes du fait de l’atrophie de l’EP. En angiographie à la fluorescéine, les lésions actives sont hypofluorescentes au temps précoce (probable effet masque) puis s’imprègnent au temps tardif. En revanche, les lésions c i catricielles ont un liseré hyperfluorescent qui disparaît dans le cas d’une activité inflammatoire (signe de Jean-Antoine Bernard). En angiographie au vert d’indocyanine, les lésions sont hypofluorescentes à tous les temps de l’angio graphie et la lésion est habituellement d’une taille plus importante que celle observée en angiographie à la fluorescéine. En OCT, au niveau de la lésion active, on observe une hyperréflectivité de la nucléaire externe, avec une interruption de la zone ellipsoïde et d’interdigitation. L’épaisseur choroïdienne est augmentée en regard de la lésion. Au stade cicatriciel, il existe une atrophie de la couche des photorécepteurs, de l’EP et de la choriocapil laire. Des néovaisseaux choroïdiens peuvent se développer, souvent en bordure de la lésion, et être responsables de signes exsudatifs.
Nouveautés
Comme pour l’EEP, l’OCT-A montre une diminution du signal de décorrélation au niveau de la choriocapillaire, superposable aux lésions visibles en angiographie au vert d’indocyanine et dont la taille est plus importante que celle des lésions visibles en angiographie à la fluorescéine, suggérant une atteinte inflammatoire ischémique de la choriocapillaire. L’OCT-A est très utile pour détecter des néovaisseaux choroïdiens pas toujours visibles en imagerie multimodale.
Références bibliographiques
[1] Joseph A, Rahimy E, Freund KB et al. Fundus autofluorescence and photoreceptor bleaching in multiple evanescent white dot syndrome. Ophthalmic Surg Lasers Imaging Retina. 2013;44(6):588-92.
[2] Mathis T, Delaunay B, Cahuzac A et al. Choroidal neovascularisation triggered multiple evanescent white dot syndrome (MEWDS) in predisposed eyes. Br J Ophthalmol. 2018;102(7):971-6.
[3] Zhang X, Zuo C, Li M et al. Spectral-domain optical coherence tomographic findings at each stage of punctate inner choroidopathy. Ophthalmology. 2013;120(12):2678-83.
[4] Niederer RL, Gilbert R, Lightman SL, Tomkins-Netzer O. Risk factors for developing choroidal neovascular membrane and visual loss in punctate inner choroidopathy. Ophthalmology. 2018;125(2):288-94.
[5] Xerri O, Salah S, Monnet D, Brézin AP. Untreated acute posterior multifocal placoid pigment epitheliopathy (APMPPE): a case series. BMC Ophthalmol. 2018;18(1):76.
[6] Invernizzi A, Agarwal A, Cozzi M et al. Enhanced depth imaging optical coherence tomography features in areas of choriocapillaris hypoperfusion. Retina. 2016;36(10):2013-21