Stratégies thérapeutiques en cas d’uvéites

Les uvéites représentent plus d’une cinquantaine d’entités différentes responsables d’une inflammation ou d’une infection de la tunique intermédiaire de l’œil. Le 129e congrès international de la SFO a permis de rassembler de nombreuses présentations sur les dernières avancées dans ce domaine.
Épidémiologie et étiologies des uvéites
L’épidémiologie des uvéites semble rester stable et comparable aux données de la littérature dans l’étude du Dr Hasan Akinci et de l’équipe du CHU de Rouen sur 255 patients primo-consultants pour une uvéite. On retiendra que les principales causes d’uvéites antérieures restent l’antigène HLA B27 (22%) et l’herpès (10,2%), la sarcoïdose (8,3%), la sclérose en plaques dans les uvéites intermédiaires, sans oublier le lymphome vitréo-rétinien et la Birdshot (21,4%) ainsi que la toxoplasmose (16,7%) dans les uvéites postérieures. Devant une vascularite rétinienne isolée, on recherchera en priorité la maladie de Behçet, notamment en cas d’origine du pourtour méditerranéen, comme l’a montré le Dr Hammoumi (Casablanca, Maroc) dans son étude portant sur 40 patients chez lesquels cette étiologie était en cause dans 42,50% des cas.
De plus, la SFO a été l’occasion de mettre en avant l’identification de nouvelles étiologies. Plus particulièrement, le Pr Frédéric Mouriaux (Rennes) et le Dr Hélène Massé (Nantes) ont souligné l’émergence de cas d’uvéites isolées liées à la maladie associée aux IgG4. Enfin, le Dr Christine Fardeau (Paris) a présenté plusieurs cas de syndrome ROSAH, maladie génétique découverte en 2019. Il convient en effet, devant tout aspect d’inflammation intraoculaire, d’éliminer une pseudo-uvéite, d’autant plus dans le cas d’une corticorésistance et/ou d’une corticodépendance à hautes doses.
Prescription des examens complémentaires
Le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) de 2020 sur la prise en charge des uvéites chroniques non infectieuses recommande une stratégie orientée en fonction de la présentation clinique de l’uvéite lors du bilan de première intention.
Le Dr Gaëtan Bana (Nancy) a montré qu’il était principalement intéressant de réaliser un bilan de seconde intention en cas de nouveau point d’appel ophtalmologique dans une étude rétrospective de 247 patients (diagnostic modifié chez 18 des 52 patients [34,6%]), d’autant plus que l’uvéite est granulomateuse et/ou synéchiante.
La réalisation de la ponction lombaire est une investigation invasive et peu contributive dans l’étude du Dr Bernier (Lyon) portant sur 188 cas d’uvéite, mais reste indiquée devant un lymphome vitréo-rétinien, une neuroborréliose, des signes neurologiques ou une IRM contributive préalable, notamment pour le diagnostic de la sclérose en plaques.
Enfin, le Pr Laurent Kodjikian (Lyon) a montré, dans son étude regroupant 914 patients atteints d’une uvéite, que la rentabilité pour le diagnostic de sarcoïdose du scanner thoracique était meilleure chez les patients âgés de plus de 30 ans (et plus encore à partir de 75 ans). Avant cet âge, la radiographie thoracique en première intention semble suffisante, d’autant plus si l’enzyme de conversion de l’angiotensine est normale.
Prise en charge thérapeutique
Par voie générale
La mise en route d’un traitement immunosuppresseur/modulateur est indiqué dans le cas d’une cortico-dépendance quotidienne supérieure à 7,5 mg. Dans ce cadre, l’utilisation de biothérapies telles que les anti-TNF-alpha et les anti-Il-6 est efficace dès le troisième mois de traitement (Escale et al., Lille) sur une série de 62 patients. Chez l’adulte, la durée de ces traitements est au minimum de 2 ans. Cependant, le sevrage de la biothérapie dans les uvéites associées à l’arthrite juvénile idiopathique chez l’enfant semble être plus difficile et plus long, comme l’a montré le Dr Chabbi (Paris), puisque l’arrêt de l’anti-TNF-alpha aboutit à une rechute inflammatoire dans les 6 mois dans deux tiers des cas.
Concernant les rétinites infectieuses, la présence d’une immunodépression est le principal facteur de mauvais pronostic indiquant un traitement adjuvant au traitement général, par injection intravitréenne d’antiviraux, comme présenté dans l’algorithme du Dr Barioulet (Toulouse). Le Dr Boungab (Paris) rapporte l’efficacité de l’interféron-alpha pour le traitement de l’œdème maculaire dans cette situation.
Par voie locale
Devant une inflammation unilatérale ou asymétrique sans manifestation extraoculaire associée, des contre-indications aux traitements systémiques, une atteinte réfractaire et/ou un œdème maculaire, le PNDS recommande de favoriser la corticothérapie locale en l’absence de glaucome non contrôlé et de cristallin clair.
Les résultats de l’étude TRIOZ rapportés par le Dr Chloé Couret (Nantes) montrent que l’injection sous-conjonctivale de triamcinolone est quasiment non inférieure à l’injection de l’implant de dexaméthasone, sans surrisque d’hypertonie oculaire, pour un coût beaucoup moins élevé dans le traitement des œdèmes maculaires uvéitiques et du syndrome d’Irvine Gass réfractaire.
Enfin, l’implant d’acétonide de fluocinolone permet par sa libération sur 3 ans un contrôle des uvéites de façon prolongée. En ce sens, les résultats significatifs de l’étude nationale présentés par le Dr Jabbour montrent une diminution de l’œdème maculaire, une amélioration de l’acuité visuelle et une diminution du traitement adjuvant dans 22 cas d’uvéite chronique.
Conclusion
Un diagnostic précoce d’uvéite nous permet, en 2023, de proposer à nos patients une stratégie thérapeutique efficace et sur mesure, avec une réduction sensible des complications liées à la maladie.