Smile : le challenger
La principale innovation en chirurgie réfractive des années 2010 a été l’avènement du Smile (SMall Incision Lenticule Extraction), la chirurgie réfractive cornéenne mini-invasive soustractive par extraction d’un lenticule stromal découpé au laser femtoseconde sans capot. Nous vous proposons dans cet article une revue d’actualité sur le Smile, avec ses nouveautés en 2021 qui permettront certainement de le faire passer du statut de challenger à celui de référence dans l’avenir.
Depuis son avènement, le Smile a fait ses preuves pour corriger les amétropies myopiques et astigmatiques myopiques. Dans ces indications, il est devenu une sérieuse alternative au Lasik, avec de solides avantages inhérents à l’absence de capot : une meilleure résistance cornéenne théorique [1] laissant supposer un moindre risque d’ectasie secondaire théorique, et une moindre sécheresse oculaire induite, par une meilleure préservation des nerfs cornéens et de la sensibilité cornéenne [2]. Les résultats réfractifs et visuels étant strictement identiques à ceux du Lasik [3], il subsiste peu d’arguments pour empêcher la diffusion de cette technique à grande échelle pour remplacer à moyen terme le Lasik dans ses indications d’amétropies myopiques.
Parmi les inconvénients du Smile par rapport au Lasik, on retrouve en premier lieu, pour l’instant, une limitation de cette chirurgie aux amétropies myopiques. Ensuite, une autre critique porte sur la difficulté à réaliser une retouche dans le cas d’une myopie résiduelle, contrairement au Lasik. Enfin, le monopole du Smile proposé par un seul laboratoire, Carl Zeiss Meditec, restreint l’offre de cette chirurgie à une seule plateforme chirurgicale, rendant cette technique peu accessible à l’ensemble des chirurgiens.
Arrivée du traitement de l’hypermétropie en Smile
Les lenticules d’hypermétropes existent déjà en Smile et sont en cours d’évaluation pour une autorisation de mise sur le marché dans un avenir proche. Le lenticule de myope, telle la photoablation au laser Excimer pour la myopie, est plus épais au centre qu’en périphérie. Pour les hypermétropes, le profil d’ablation au laser Excimer est uniquement périphérique de forme annulaire. La difficulté dans le Smile est de créer un lenticule d’hypermétrope facile à extraire, et donc avec de la matière au centre. Le profil d’ablation des lenticules pour hypermétropie est donc plus épais en périphérie et plus fin au centre, mais avec un minimum de tissu au centre d’au moins 24 microns d’épaisseur pour faciliter son extraction (figure 1). La zone de traitement totale est plus large qu’en myopie (8,5 mm en hypermétropie, dont 6,5 de zone optique + 2 de zone de transition) ainsi que le diamètre du toit du lenticule d’hypermétrope de 8,8 mm (contre 7,5 en myopie). La particularité du lenticule hypermétropique réside en la zone de transition périphérique de 2 mm (en mauve sur la figure 1) entre la coupe réfractive réelle (en orange sur la figure 1) et le bord du lenticule (en rouge sur la figure 1) pour créer un bord de lenticule s’amincissant progressivement plutôt qu’un bord raide.
Les résultats réfractifs du Smile hypermétropique à 12 mois sont excellents [4]. Sur une série de 72 yeux opérés et suivis à 12 mois, avec une hypermétropie préopératoire moyenne de +5,61 D (de +1,00 à +7,00 D), la correction résiduelle en équivalent sphérique était de -0,19 D. La précision était également très satisfaisante avec 53% des yeux obtenant une correction résiduelle à ±0,50 D. La sécurité était excellente avec 16% des yeux perdant 1 ligne de meilleure acuité visuelle corrigée et aucun en perdant 2. Enfin la stabilité était remarquable, avec une modification de sphère équivalente résiduelle de -0,06 D entre 3 et 12 mois. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus en Lasik dans la littérature. Des études supplémentaires à plus long cours et comparatives avec le Lasik permettront de conforter ou non ces résultats.
Élargissement de l’offre du Smile à 2 nouvelles plateformes supplémentaires
À partir de 2021, la chirurgie intrastromale par ablation du lenticule va se diffuser à 2 autres laboratoires, Ziemer et Schwind.
Schwind a tout d’abord présenté en 2019 son nouveau laser femtoseconde ATOS® (figure 2) pour proposer leur traitement SmartSight® (équivalent du Smile). L’avantage de cette machine sera la correction de la cyclotorsion pour améliorer le traitement de l’astigmatisme, ainsi que la possibilité de centrer la découpe du lenticule sur l’axe visuel. La sortie officielle de cette nouvelle plateforme devrait être annoncée en 2021.
Ensuite, Ziemer a développé son traitement de découpe du lenticule appelé Clear® (Lenticule Extraction Redefined) sur son désormais célèbre laser femtoseconde mobile Ziemer Z8 (figure 3) [5], permettant déjà entre autres de réaliser la chirurgie de la cataracte au laser femtoseconde. Ce laser permettra également une correction de la cyclotorsion, un guidage OCT de la découpe stromale et un centrage de la découpe du lenticule au choix entre le centre pupillaire ou sur le vertex. Ce laser propose la réalisation de 2 incisions opposées pour faciliter la dissection du plan antérieur et celle du plan postérieur. Cette nouvelle technologie devait être introduite à l’ESCRS 2020. Elle sera très probablement présentée en 2021.
Retouches possibles en Smile
L’absence de capot en Smile empêche toute retouche facile dans le même mode que le traitement initial, comme un nouveau soulèvement du capot dans le Lasik. Le taux de retouche après un Smile est évalué à 2% [6]. Il existe plusieurs approches pour réaliser une retouche après un Smile.
Découpe d’un lenticule sous le plan antérieur d’origine
Il s’agit de la technique « Subcap Lenticule Extraction ». Elle présente l’avantage de conserver la structure du Smile, sans capot, et de découper un nouveau lenticule sous le toit du premier lenticule. L’inconvénient est de ne pouvoir traiter que des amétropies résiduelles conséquentes pour que le lenticule soit un minimum épais, et donc plus facile à extraire.
Photokératectomie réfractive (PKR)
Une retouche en laser Excimer de surface avec adjonction de mitomycine est la technique la plus simple. Ses avantages sont la simplicité du geste et l’absence de découpe de capot. L’inconvénient est la forte douleur postopératoire d’une PKR. Cette technique est moins attractive pour le patient mais elle permet de conserver tous les bénéfices biomécaniques cornéens du Smile par rapport au Lasik.
Conversion du Smile en Lasik avec la technique Circle
Elle a été spécifiquement développée sur le laser femtoseconde pour les retouches en Smile (figure 4). Le principe est de réaliser une découpe de capot à partir du plan cornéen antérieur originel, à la même profondeur, en étendant le plan antérieur avec une découpe complémentaire lamellaire périphérique, au-delà du toit du lenticule initial. Cette technique présente l’avantage de ne pas occasionner de douleurs et de permettre une récupération très rapide, avec un geste relativement standardisé. Malheureusement, une conversion en Smile crée un capot et fait perdre le bénéfice du Smile par rapport au Lasik. Cette méthode est séduisante et certainement la plus reproductible après la retouche en PKR.
Réalisation d’un Lasik avec capot fin
Il est tout à fait possible de réaliser une retouche avec un Lasik en créant un nouveau capot fin de 100 microns à l’intérieur du plan antérieur du Smile d’origine. Dans ce cas, afin d’éviter de créer une découpe dans plusieurs plans, une découpe de capot fin dans le toit d’un Smile ne peut être envisagée que si ce toit a une épaisseur d’au moins 160 microns, ce qui est rarement programmé en pratique.
Au total, les méthodes de retouche en Smile recommandées sont principalement la PKR avec mitomycine et la conversion en Lasik avec la technique Circle.
Conclusion
La technique Smile continue son développement en chirurgie réfractive. Elle présente des avantages certains par rapport au Lasik, et ses dernières nouveautés apportent des réponses à ses faiblesses. Ainsi l’avènement de son nouveau profil d’ablation pour le traitement de l’hypermétropie permettra dans un futur proche d’élargir ses indications à toutes les amétropies. La commercialisation à venir de 2 nouvelles plateformes supplémentaires proposant le Smile avec des innovations techno- logiques (centrage automatique, correction de cyclotorsion) vont également rendre cette technique accessible à un plus grand nombre de chirurgiens. Enfin, les retouches en Smile sont à présent bien rodées, soit en PKR soit en conversion en Lasik avec le programme Circle, et ne doivent donc plus être un frein à la diffusion de cette chirurgie.
Références bibliographiques
[1] Roy AS, Dupps WJ, Jr, Roberts CJ. Comparison of biomechanical effects of small-incision lenticule extraction and laser in situ keratomileusis: finite-element analysis. J Cataract Refract Surg. 2014;40(6):971-80.
[2] Denoyer A, Landman E, Trinh L et al. Dry eye disease after refractive surgery: comparative outcomes of small incision lenticule extraction versus LASIK. Ophthalmology. 2015;122(4):669-76.
[3] Liu M, Chen Y, Wang D et al. Clinical outcomes after Smile and femtosecond laser-assisted Lasik for myopia and myopic astigmatism: a prospective randomized comparative study. Cornea. 2016; 35:210-6.
[4] Pradhan KR, Reinstein DZ, Carp GI et al. Small incision lenticule extraction (Smile) for hyperopia: 12-month refractive and visual outcomes. J Refract Surg. 2019;35(7):442-50.
[5] Wang M, Zhang F, Copruz CC, Han L. First experience in Small incision lenticule extraction with the femto LDV Z8 and lenticule evaluation using scanning electron microscopy. J Ophthalmol. 2020;2020:6751826.
[6] Siedlecki J, Luft N, Priglinger SG et al. Enhancement options after myopic Small-incision lenticule extraction (Smile): a Review. Asia Pac J Ophthalmol (Phila). 2019;8(5):406-11.