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Rôle du diamètre de la zone optique postérieure dans le contrôle de la myopie en orthokératologie

La myopie est le défaut de réfraction le plus répandu et l’une des principales causes de déficience visuelle dans le monde [1]. On estime également que la prévalence mondiale de la myopie est en augmentation, de manière significative [2]. Il est donc essentiel de prévenir un allongement axial anormal de l’œil chez l’enfant [3].

Des études sur les animaux ont montré que les mécanismes de croissance oculaire étaient guidés optiquement et qu’ils étaient ralentis par des images rétiniennes focalisées sur une large zone devant la rétine et pas uniquement la fovéa [4]. Compte tenu de ces preuves solides, une série d’interventions optiques visant à réduire la progression de la myopie chez l’enfant a été testée, avec notamment des lentilles bifocales [5], des lentilles ophtalmiques spéciales [6], des lentilles multifocales souples [7,8] et l’orthokératologie (OK) [9-11].
Parmi ces interventions, l’OK est très prometteuse pour retarder la progression de la myopie chez les enfants et les jeunes patients, comme le montrent les méta- analyses [12]. L’OK utilise des lentilles rigides perméables aux gaz à géométrie inversée. Le port de nuit des lentilles OK modifie de façon contrôlée les épaisseurs de l’épithélium cornéen, entraînant un aplatissement de la cornée centrale (zone de traitement [ZT]) et un anneau mi-périphérique plus cambré [13], représenté par un anneau rouge sur les cartes topographiques cornéennes, indiquant ainsi une augmentation de puissance positive de la cornée. Ainsi, la modification du profil de l’image rétinienne entraîne une réduction de la défocalisation hypermétropique et génère un signal réduisant l’élongation des yeux.
On sait que les changements induits par l’OK sont significativement corrélés à la myopie de départ. Les plus importants se produisent en association avec des réfractions plus élevées résultant d’un diamètre ZT plus petit et d’un anneau de puissance positive (APP) plus puissant en mi-périphérie (figure 1) [14].

Toutefois, le changement de réfraction en mi-périphérie, relatif à 30° d’excentricité, avec les lentilles actuelles qui ont un diamètre de zone optique arrière (ZOPD) de 6 mm, a tendance à suivre le rapport 1:1 [15,16], ce qui implique un changement de 1 D de la réfraction périphérique relative pour un changement de 1 D de la réfraction corrigée de l’anneau périphérique. De plus, les études évaluant la puissance de réfraction cornéenne relative (RCRP) ont souligné la nécessité d’un changement minimal de 4,50 D dans la RCRP pour obtenir une chance de contrôler 80% de la myopie [17]. Suivant ce schéma, des études précédentes ont rapporté que des erreurs de réfraction de base plus élevées traitées avec une OK « classique » montraient une tendance vers un allongement axial moindre. Chez les sujets plus jeunes, on constate généralement des changements plus importants de la longueur axiale (LA) que chez les plus âgés [18].
Par conséquent, la personnalisation des lentilles OK dans le but d’obtenir une zone périphérique renforcée semble intéressante pour augmenter l’efficacité du traitement chez les sujets plus jeunes ou ceux à progression rapide. 

Étude
Cette étude rétrospective repose sur des données recueillies auprès de sujets équipés pour le contrôle de la myopie avec des lentilles OK dans la clinique optométrique privée du Centre Marsden. Les patients ont été équipés avec une lentille à double réservoir (DRL, Precilens, Créteil, France), avec différents BOZD [diamètre de la zone optique postérieure] (entre 4,7 et 6,0 mm). Les dossiers cliniques de 71 enfants ont été retenus, avec les critères d’inclusion suivants : âge entre 10 et 15 ans, myopie sphérique comprise entre 0,75 et 6,00 D, astigmatisme direct inférieur à 2,00 D, traitement centré et ZT uniforme. Les patients ont été suivis pendant 12 mois après la stabilisation du traitement.
Pour mieux percevoir l’augmentation annuelle de la LA chez les enfants myopes, les deux paramètres d’analyse, c’est-à-dire le ZOPD et l’APPD, ont été divisés en 2 groupes (diamètres plus grands et plus petits). Trente-six sujets composaient le groupe avec un ZOPD supérieur à 5 mm (L-ZOPD), et 35 avec un ZOPD égal ou inférieur à 5 mm (S-ZOPD). Pour évaluer la relation entre le diamètre pupillaire et la croissance de la LA, 3 groupes ont été créés : aucun effet (NE, n = 23) de l’APPD sur la pupille (un diamètre pupillaire inférieur à APPD -0,9 mm) ; effet moyen (ME, n = 40) de l’APPD sur la pupille (un diamètre pupillaire équivalent à APPD ±0,9 mm) ; et plein effet (TE, n = 8) de l’APPD sur la pupille lorsque la pupille est plus grande que l’APPD +0,9 mm.
Les résultats ont montré qu’un changement du BOZD modifiait le diamètre TZ, en particulier le diamètre de l’anneau cornéen mi-périphérique : les BOZD inférieures à 5,0 mm montrent une plus large zone de défocalisation myopique en rétine périphérique. Ainsi, les résultats ont montré une élongation de l’œil significativement inférieure dans le groupe avec la ZOP plus petite que dans celui avec la ZOP plus large (0,16 ±0,11 mm vs 0,08 ±0,12 mm) (p < 0,001).
L’échantillon d’étude, qui a été divisé en 3 sous-groupes concernant l’effet de l’anneau de puissance sur l’élongation de l’œil, semble montrer une relation dose-réponse. Par conséquent, le groupe considéré comme non affecté par l’APP avait une plus forte augmentation de la LA. Au contraire, dans le groupe dans lequel la surface totale de l’anneau était à l’intérieur de la zone pupillaire (TE), une croissance réduite de la LA a été observée, indiquant que le groupe TE avait une LA 77% plus courte après 12 mois par rapport au groupe dont l’anneau était totalement à l’extérieur de la pupille (NE), 0,04 ±0,04 vs 0,17 ±0,02, respectivement, ce qui représente 0,13 mm/an en valeur absolue (p = 0,035).

Conclusion
L’étude actuelle a démontré qu’un ZOPD plus petit améliorait l’effet de ralentissement de la croissance axiale de la myopie en déplaçant l’APP vers la zone centrale en interaction avec la pupille. Nous montrons une différence significative de la LA de 0,13 mm/an et 0,52 D/an en valeur réfractive lorsque la section horizontale de l’anneau est placée à l’intérieur ou à l’extérieur du diamètre pupillaire, ce qui représente un changement de LA diminué de 77% après 12 mois. 

Références bibliographiques
[1] Holden BA et al. Global prevalence of myopia and high myopia and temporal trends from 2000 through 2050. Ophthalmology. 2016;123:1036-42.
[2] Dolgin E. The myopia boom. Nature. 2015;519:9-11.
[3] Holden B et al. Myopia an underrated global challenge to vision: Where the current data takes us on myopia control. Eye. 2014;28:142-6.
[4] Flitcroft DI. The complex interactions of retinal optical and environmental factors in myopia aetiology. Prog Retin Eye Res. 2012;31:622-60.
[5] Cheng D et al. Randomized trial of effect of bifocal and prismatic bifocal spectacles on myopic progression: Two-year results. Arch Ophthalmol. 2010;128:12-9.
[6] Lam CSY et al. Defocus incorporated multiple segments (DIMS) spectacle lenses slow myopia progression: A2-year randomised clinical trial. Br J Ophthalmol. 2020;104:363-8.
[7] Aller TA et al. Myopia control with bifocal contact lenses. Optom Vis Sci. 2016;93:344-52.
[8] Pauné J et al. Myopia control with a novel peripheral gradient soft lens and orthokeratology: A2-year clinical trial. Biomed Res Int. 2015;2015:507572.
[9] Cho P et al. Retardation of myopia in orthokeratology (ROMIO) study: A2-year randomized clinical trial. Investig Ophthalmol Vis Sci. 2012;53:7077-85.
[10] Santodomingo-Rubido J et al. Myopia control with orthokeratology contact lenses in Spain: Refractive and biometric changes. Investig Ophthalmol Vis Sci. 2012;53:5060-5.
[11] Hiraoka T et al. Long-term effect of overnight orthokeratology on axial length elongation in childhood myopia: A5-year follow-up study. Investig Ophthalmol Vis Sci. 2012;53:3913-9.
[12] Huang J et al. Efficacy comparison of 16 interventions for myopia control in children: A network meta-analysis. Ophthalmology. 2016;123:697-708.
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[14] Queiros A et al. Local steepening in peripheral corneal curvature after corneal refractive therapy and LASIK. Optom Vis Sci. 2010;87:432-9.
[15] Queirós A et al. Peripheral refraction in myopic patients after orthokeratology. Optom Vis Sci. 2010;87:323-9.
[16] Queirós A et al. Relative peripheral refraction across 4 meridians after orthokeratology and LASIK surgery. Eye Vis. 2018;5:12. [17] Wang J et al. A new method to analyze the relative corneal refractive power and its association to myopic progression control with orthokeratology. Transl Vis Sci Technol. 2018;7:17.
[18] Queirós A et al. Refractive biometric and corneal topographic parameter changes during 12 months of orthokeratology. Clin Exp Optom. 2020;103:454-62. 

Pauné J, Fonts S, Rodriguez L, Queiros A. The role of Back Optic Zone Diameter in Myopia Control with Orthokeratology Lenses. J Clin Med. 2021;10(336).

Auteurs

  • Jaume Pauné

    Ophtalmologiste

    Université polytechnique de Catalogne, Barcelone

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