Retour vers la surface : de la PKR à la trans-PKR

Après un raz-de-marée Lasik, en particulier grâce à l’avènement du Femto-Lasik et même si la pratique relative par praticien des différentes techniques est difficile à évaluer sur le plan national, les traitements de surface retrouvent désormais un intérêt croissant auprès des chirurgiens réfractifs, mais aussi des patients. La PKR (avec adjonction de plus en plus courante de mitomycine), l’épi-Lasik et, plus récemment, la PKR transépithéliale (trans-PKR) sont ainsi aujourd’hui largement réalisés, alors que la chirurgie réfractive extractive intrastromale – nous devrons rapidement nous entendre sur un terme intelligible en alternative à « Smile » – se fait elle aussi une place croissante, au détriment du Lasik.

Bénéfices de la chirurgie photoablative de surface

Respect de la cornée
La chirurgie de surface n’altère pas significativement les propriétés biomécaniques cornéennes. Une méta-analyse de Guo [1] en 2019 confirme que le Lasik et même le Smile peuvent nuire à la biomécanique cornéenne, contrairement à la PKR. En parallèle, le Lasik altère l’innervation cornéenne – exposant ainsi aux risques de sécheresse iatrogène au long cours et de troubles de la cicatrisation épithéliale [2] –, alors que la chirurgie de surface et plus récemment le Smile préservent les plexus nerveux sous-épithéliaux [3].

Des résultats équivalents ?
Les profils photoablatifs pour le traitement de la myopie sont aujourd’hui précis et stables, et une méta-analyse de Shortt en 2012 ne montrait déjà pas de différence en termes de résultats réfractifs ni de stabilité quelle que soit la technique. En revanche, la stabilité réfractive du traitement des astigmatismes élevés [4] et des hypermétropies [5] est plus sujette à caution après une PKR comparativement au Lasik. On peut aussi noter que les profils d’ablation pour la correction de la presbytie semblent plus efficaces s’ils sont réalisés au sein du stroma, car probablement moins sujets aux compensations épithéliales postopératoires.

Moins de complications
Les développements des lasers Excimer, un meilleur contrôle de l’énergie délivrée et sa dissipation thermique dans la cornée (spot de taille variable, distribution aléatoire des spots, contrôle de l’effet cosine…) ont drastiquement fait diminuer l’incidence du haze après une PKR. En complément, l’adjonction de mitomycine – dont les indications et la durée d’application varient beaucoup selon les chirurgiens et les pays – semble avoir quasiment fait disparaître les hazes de grades 3 et 4 [6]. Bien sûr, la découpe des volets au laser femtoseconde et le meilleur contrôle de leur profil ainsi que leur épaisseur ont minimisé les complications inhérentes à cette découpe, même si des microplis peuvent encore aujourd’hui se rencontrer en postopératoire immédiat. Enfin, l’incidence de l’ectasie a aussi beaucoup diminué : inférieure à 0,05% en 2020, mais essentiellement réservée au Lasik et parfois à la photoextraction intrastromale.

Retraitements
La stabilisation réfractive post-PKR, associée principalement au remodelage épithélial tardif, ne permet pas de retraiter les patients avant 6 mois, voire 1 an après le premier geste. A contrario, le Lasik et le Smile autorisent des retraitements plus précoces mais leurs méthodes sont débattues. Resoulever le capot expose à un risque accru d’invasion épithéliale, alors qu’une PKR sur le volet pour une myopie résiduelle est meilleure pour l’interface, mais parfois sujette à une certaine inflammation postopératoire [7]. La reprise d’un Smile fait appel à d’autres modalités qui ne sont pas l’objet de ce chapitre, mais la PKR demeure aussi une option dans les cas de troubles réfractifs post-Smile.

La PKR transépithéliale remise au goût du jour

La photoablation épithéliale au laser Excimer avant la photoablation stromale réfractive n’est pas un concept nouveau. En France, une plateforme la proposait dès 2007. Autour de 2010, Schwind a mis à disposition le SmartSurfACE puis, un peu avant 2020, les sociétés Alcon (StreamLight) et Bausch & Lomb (Transepi) ont intégré cette solution à leur laser Excimer.

Chirurgie sans contact en quelques étapes
Fini l’alcool, potentielle source d’inflammation, et l’ablation mécanique de l’épithélium. La première étape consiste à vaporiser la couche épithéliale au laser. Le profil SmartSurfACE est parabolique (plus épais en périphérie, afin de limiter l’induction de myopie à cette étape), alors que les 2 autres fabricants ont fait le choix d’une photoablation plano. La profondeur d’ablation est paramétrable (entre 40-45 et 65-70 µm selon les lasers). En raison des propriétés physiques de l’épithélium cornéen, l’impact des spots induit une lumière bleue visible qui s’estompe une fois le stroma atteint [8]. La deuxième étape est la photoablation réfractive stromale à proprement parler, après avoir laissé un temps libre « de refroidissement ». Enfin, le procédé Transepi propose une étape de lissage stromal d’environ 5 µm en fin de procédure. Ainsi, aucun instrument n’est requis, et rien n’entre en contact avec la surface oculaire. Les soins postopératoires et le suivi sont les mêmes qu’après une PKR conventionnelle.

PKR transépithéliale : bénéfices démontrés, bénéfices espérés et obstacles
L’efficacité réfractive à moyen et à long termes semble démontrée, que ce soit par rapport à la PKR conventionnelle ou bien au Lasik. En parallèle, la douleur postopératoire semble diminuer dans le temps, probablement en rapport avec une zone d’ablation épithéliale optimisée qui permet une cicatrisation un peu plus rapide [9-11]. La surface d’ablation serait plus lisse en cas d’irrégularités stromales antérieures car la photoablation épithéliale, puis réfractive, s’appuie sur la face antérieure lisse de référence de l’épithélium [12], sur le même principe que les photokératectomies thérapeutiques que nous réalisons dans les cas d’irrégularité/cicatrice stromale. A contrario, la réduction de l’inflammation postopératoire (haze) et l’amélioration de la cicatrisation stromale sont très débattues, car la première étape entraîne un échauffement cornéen et délivre une énergie supplémentaire. Des études cliniques comparatives à plus grande échelle devraient pouvoir nous apporter des précisions sur ces points dans un avenir proche. Enfin, l’absence d’adaptation du traitement à l’épaisseur épithéliale de chaque cornée (cf. infra) peut générer des imprécisions réfractives pour le traitement des faibles myopies.

Perspectives

Le développement des mappings pachymétriques épithélio-stromaux en OCT nous ont montré combien l’épithélium pouvait s’adapter aux variations de courbure du stroma, pour le meilleur souvent, mais en masquant les défauts cornéens profonds. Ainsi, une photoablation réfractive topoguidée initiée sur l’épithélium et le stroma (et non pas après l’ablation manuelle de l’épithélium) est intellectuellement plus satisfaisante car les topographes, aujourd’hui reliés aux lasers, évaluent la face épithéliale antérieure. Le revers de ce principe est que l’ablation moyenne de 55 µm que nous pratiquons couramment aujourd’hui ne correspond pas à l’épithélium de chaque patient. Ainsi, les variations interindividuelles de l’épaisseur épithéliale moyenne peuvent entraîner des sur- ou des sous-corrections, alors qu’une inhomogénéité de l’épaisseur épithéliale sur la zone d’ablation a pour effet de décentrer optiquement la photoablation stromale, nuisant à la précision de la correction et pouvant induire des aberrations optiques d’ordre élevé et non symétriques. Ainsi le couplage futur des lasers Excimer à des plateformes OCT – et non pas des topographes ou des aberromètres – permettra une personnalisation de la photo- ablation épithéliale, OCT-guidée, qui devrait alors constituer une réelle valeur ajoutée pour la trans-PKR.

Références bibliographiques
[1] Guo H, Hosseini-Moghaddam S, Hodge W. Corneal biomechanical properties after Smile versus Flex, Lasik, Lasek, or PRK: a systematic review and meta-analysis. BMC Ophthalmol. 2019;19(1):167.
[2] Erie JC, McLaren JW, Hodge DO, Bourne WM. Recovery of corneal subbasal nerve density after PRK and Lasik. Am J Ophthalmol. 2005;140(6):1059-64.
[3] Denoyer A, Landman E, Trinh L, Faure JF et al. Dry eye disease after refractive surgery: comparative outcomes of small incision lenticule extraction versus Lasik. Ophthalmology. 2015;122(4):669-76.
[4] Miraftab M, Hashemi H, Asgari S. Two-year results of femtosecond assisted Lasik versus PRK for different severity of astigmatism. J Curr Ophthalmol. 2017;30(1):48-53.
[5] Settas G, Settas C, Minos E, Yeung IY. Photorefractive keratectomy (PRK) versus laser assisted in situ keratomileusis (Lasik) for hyperopia correction. Cochrane Database Syst Rev. 2012;2012(6):CD007112.
[6] Shortt AJ, Allan BD, Evans JR. Laser-assisted in-situ keratomileusis (Lasik) versus photorefractive keratectomy (PRK) for myopia. Cochrane Database Syst Rev. 2013;(1):CD005135.
[7] Solaiman KA, Fouda SM, Bor’i A, Al-Nashar HY. Photorefractive keratectomy for residual myopia after myopic laser in situ keratomileusis. J Ophthalmol. 2017;2017:8725172.
[8] Tuft S, al-Dhahir R, Dyer P, Zhu ZH. Characterization of the fluorescence spectra produced by excimer laser irradiation of the cornea. Invest Ophthalmol Vis Sci. 1990;31(8):1512-8.
[9] Naderi M, Jadidi K, Mosavi SA, Daneshi SA. Transepithelial photorefractive keratectomy for low to moderate myopia in comparison with conventional photorefractive keratectomy. J Ophthalmic Vis Res. 2016;11(4):358-62.
[10] Gershoni A, Mimouni M, Livny E, Bahar I. Z-Lasik and Trans-PRK for correction of high-grade myopia: safety, efficacy, predictability and clinical outcomes. Int Ophthalmol. 2019;39(4):753-63.
[11] Jiang J, Jhanji V, Sun L et al. Comparison of visual quality after Femto-Lasik and TransPRK in patients with low and moderate myopia. Int Ophthalmol. 2020;40(6):1419-28.
[12] Salah-Mabed I, Saad A, Gatinel D. Topography of the corneal epithelium and Bowman layer in low to moderately myopic eyes. J Cataract Refract Surg. 2016;42(8):1190-7.

Auteurs

  • Alexandre Denoyer

    Ophtalmologiste

    CHU Robert-Debré, université de Reims Champagne-Ardenne, Reims

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