Que sont les biosimilaires et quelle est leur place actuellement ?
Les biosimilaires sont arrivés sur le marché français en 2006 avec la somatropine. Depuis, de nombreuses spécialités sont concernées par ces traitements, avec une prédilection pour la rhumatologie, la dermatologie, la cancérologie et la gastro-entérologie. Les biosimilaires sont disponibles depuis 2023 en ophtalmologie avec, comme molécule de référence, le ranibizumab. Le but de cet article est d’expliquer ce qu’est un biosimilaire, les conditions de sa mise sur le marché et de son utilisation, ainsi que les données disponibles en ophtalmologie.
Un médicament biosimilaire est un médicament biologique (préfixe « bio ») produit à partir d’une cellule, d’un organisme vivant ou dérivé de ceux-ci. Selon la définition de l’Agence régionale de santé (ARS) [1], l’efficacité et la tolérance d’un biosimilaire sont cliniquement équivalentes, soit comparables à celles du médicament biologique de référence qui dispose déjà d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais dont le brevet est tombé dans le domaine public. L’ARS précise que le biosimilaire et son médicament biologique de référence ne sont pas identiques mais semblables en matière de qualité, de sécurité et d’efficacité. Le développement d’un biosimilaire est soumis à la démonstration de son équivalence et de sa sécurité par des études cliniques chez l’animal et chez l’homme dont le but est de démontrer la bioéquivalence sur le plan pharmacocinétique (biodisponibilité), puis son équivalence concernant son efficacité clinique et sa tolérance.
Différences entre un médicament biosimilaire et un médicament générique
Production
Les médicaments biosimilaires sont produits à partir des mêmes technologies que les biomédicaments de référence. Les laboratoires proposant un biosimilaire ont souvent une expertise dans la production de biomédicaments de référence. Trois laboratoires internationaux sont actuellement en tête des productions de biosimilaires : Sandoz, Teva et Hospira. Les biosimilaires sont autrement produits par des biotechs associées ou non à des grands groupes pharmaceutiques, à des laboratoires issus de pays émergents ou des laboratoires nationaux irriguant leur territoire national.
Réglementation
Un cadre réglementaire spécifique aux médicaments biosimilaires a été établi en Europe dès 2005. Dans les pays de l’Union européenne, les AMM des médicaments biosimilaires sont soumises à une procédure d’examen centralisée par l’Agence européenne du médicament (EMA). Celle-ci a émis des recommandations spécifiques aux médicaments biosimilaires, précisant les prérequis pour l’obtention d’une AMM. Des preuves de comparabilité incluant des essais précliniques et des essais cliniques de phases I et III (pas de phase II) doivent ainsi être fournies. L’évaluation de l’immunogénicité est aussi obligatoire, avec une comparaison entre l’immunogénicité du médicament de référence et celle du biosimilaire.
Cette procédure permet de garantir que le médicament biosimilaire ne présente pas de différences significatives avec le médicament biologique de référence sur le plan de l’efficacité, de la qualité et de la sécurité. Les médicaments biosimilaires se différencient complètement des médicaments biologiques non originaux (en anglais : biomimics, biocopies, intended copies, nonregulated biologics), qui sont des copies de biomédicaments, commercialisées pour la plupart dans les pays émergents où la réglementation est moins stricte, et qui ne sont pas évalués dans un cadre réglementaire rigoureux (pas d’études cliniques, ni de bioéquivalence par exemple). Ces biocopies sont susceptibles de présenter des différences de formulation, de dosage, d’efficacité et de sécurité/tolérance.
Les médicaments biosimilaires, tout comme les médicaments de référence, suivent les mêmes règles de pharmacovigilance et font l’objet d’un suivi post-AMM continu. À la demande des autorités de santé françaises, les laboratoires pharmaceutiques doivent mettre en place des plans de gestion des risques et de suivi à l’aide de registres.
Extrapolation des indications, interchangeabilité et substitution
L’EMA peut accepter d’extrapoler les données d’efficacité clinique et de sécurité d’un médicament biosimilaire à partir d’une seule indication à toutes les indications du médicament de référence qui n’ont pas été spécifiquement étudiées par le biosimilaire. Théoriquement, pour ce faire, l’étude clinique présentée par le biosimilaire doit avoir été réalisée sur la catégorie de patients la plus sensible et en mesurant les critères d’évaluation les plus sensibles susceptibles de mettre en évidence une différence entre le biosimilaire testé et son médicament biologique de référence. Cependant, des études complémentaires peuvent être demandées dans les indications ayant bénéficié d’une extrapolation d’AMM.
Il est possible de remplacer un médicament biologique par un biosimilaire en cours de traitement, on parle alors d’interchangeabilité. Ce changement se décide entre le médecin et le patient concerné. La prescription d’un biosimilaire est identique à celle du médicament biologique de référence, avec inscription de sa dénomination commune et son nom de marque.
En l’absence de décret d’application, la substitution, par le pharmacien, d’un médicament biologique par son biosimilaire n’est pas possible à ce jour.
La liste des médicaments biosimilaires est disponible sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) [3].
Biosimilaires en ophtalmologie
En ophtalmologie, seule la substance active ranibizumab est actuellement inscrite sur la liste des médicaments pour lesquels un biosimilaire est disponible [3].
À ce jour, un seul biosimilaire est enregistré en France : il s’agit du Ranivisio®, produit par le laboratoire Teva. Le ranivisio dispose d’une AMM dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge exsudative, l’œdème maculaire diabétique et postocclusion veineuse rétinienne, la rétinopathie diabétique périphérique proliférante et dans les autres pathologies associées à une néovascularisation choroïdienne. Il dispose d’une AMM européenne depuis le 29 août 2022. L’arrêté du 17 novembre 2022 paru sur legifrance.fr fixe son remboursement, dont le prix TTC affiché est de 325,62 euros. Le livret d’information patient est disponible sur le site de l’ANSM depuis le 10 mars 2023.
Le médicament biosimilaire s’utilise en pratique dans les mêmes conditions que celui de référence (dose, injection, rythme d’injection…).
D’autres biosimilaires sont en cours de développement ou disponibles dans d’autres pays et les procédures d’enregistrement peuvent être en cours.
L’étude clinique qui a permis l’obtention de l’AMM du biosimilaire ranibizumab est la COLUMBUS-AMD [4], étude prospective masquée de phase III. Dans cette étude, 477 yeux ont été randomisés en un premier groupe recevant du FYB201 (biosimilaire) (n = 238) et un second groupe recevant du ranibizumab 0,5 mg de référence (Lucentis®, n = 239). Les injections intravitréennes étaient réalisées toutes les 4 semaines pendant 48 semaines. Le critère de jugement principal était l’acuité visuelle ETDRS à la huitième semaine (réalisée avant la troisième injection). Les critères de jugements secondaires comprenaient l’acuité visuelle ETDRS à la semaine 48 et les critères OCT d’épaisseur rétinienne et de présence de fluide. La recherche des anticorps antimédicaments (ADA) ainsi que les taux plasmatiques des 2 médicaments ont été mesurés.
L’étude COLUMBUS-AMD a montré que l’acuité visuelle avait progressé dans les 2 groupes, avec un gain de 5,1 lettres pour le FYB201 vs 5,6 pour le ranibizumab de référence. La différence n’était pas significative. Sur les 48 semaines, il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes sur le plan de l’acuité visuelle ETDRS, de l’épaisseur fovéolaire centrale, de la proportion de patients « secs » en OCT ou de la taille du néovaisseau choroïdien. La fréquence et le type d’événements indésirables oculaires et systémiques étaient semblables entre les 2 groupes. Les profils immunologiques du biosimilaire et du ranibizumab de référence ont été identiques tout au long de l’étude.
Les auteurs ont conclu que le biosimilaire FYB201 était bioéquivalent, en matière d’efficacité clinique, de sécurité et d’immunogénicité, au ranibizumab de référence.
Conclusion
Les biosimilaires en ophtalmologie feront dès cette année partie de notre arsenal thérapeutique. Ils s’utilisent comme les molécules de référence et présentent donc des caractéristiques similaires en ce qui concerne l’efficacité clinique, la sécurité et l’immunogénicité. Si leur essor est au centre des préoccupations économiques certaines (réduction des coûts des médicaments), leur place dans l’arbre décisionnel thérapeutique reste encore à préciser.
Références bibliographiques
[1] https://www.has-sante.fr/jcms/c_2807411/fr/les-medicaments-biosimilaires#:~:text=Un%20médicament%20biosimilaire%20est%20un,son%20médicament%20biologique%20de%20référence
[2] https://www.omedit-grand-est.ars.sante.fr/medicaments-biosimilaires
[3] https://ansm.sante.fr/documents/reference/medicaments-biosimilaires
[4] Holz FG, Olesky P, Ricci F et al. Efficacy and safety of biosimilar FYB201 compared with ranibizumab in neovascular age-related macular degeneration. Ophthalmology. 2022;129(1):54-63.