Que faire en cas d’attaque de chenille processionnaire ?

Nous rapportons le cas d’un homme de 82 ans qui s’est présenté en consultation à la suite d’un contact de son œil droit avec des poils de chenille processionnaire datant de 8 mois. Aucune ablation de poils intracornéens n’avait été réalisée. Il se plaint d’une baisse d’acuité visuelle persistante depuis le traumatisme.

Les chenilles processionnaires sont la forme larvée du papillon de nuit. Celles du pin sont principalement présentes de janvier à avril, et celles du chêne d’avril à juillet. On en trouve en Bretagne, en Île-de-France, dans le Grand Est et dans le sud de la France. La chenille est recouverte de plus d’un million de poils qui constituent son mécanisme de défense contre les agresseurs extérieurs. Les poils mesurent de 100 à 200 micromètres. Leur toxicité est due à la libération d’une toxine urticante par le poil, au frottement mécanique du poil et à la destruction tissulaire.

Observation

L’acuité visuelle du patient est de 2/10 à droite et de 10/10 à gauche. L’examen à la lampe à fente retrouve un œil droit non inflammatoire, avec de nombreux poils en intrastromal, sans opacité cornéenne en regard (figure 1). La prise de fluorescéine est négative. Il existe un œdème de cornée majeur avec des plis descemétiques diffus. La pachymétrie au point le plus fin est de 737 microns en OCT de segment antérieur Casia 2 (Tomey, Japon).

L’OCT de segment antérieur montre la présence des poils enchâssés dans le stroma (figure 2).
La décompensation endothéliale à 8 mois du traumatisme est causée par l’inflammation prolongée due à la persistance de poils profonds intracornéens.

Discussion

Un retrait chirurgical tardif est impossible en raison de la profondeur des poils de chenille, qui les rend inaccessibles. Un traitement topique anti-inflammatoire a été instauré et une greffe de cornée endothéliale sera proposée au décours.

Les chenilles processionnaires peuvent être responsables de plusieurs atteintes ophtalmologiques appelées ophtalmia nodosa, qui correspondent à une inflammation de l’œil en réponse à une pénétration de poils d’insecte dans les tissus oculaires :
- pour le segment antérieur, les poils de chenille peuvent provoquer une réaction de type anaphylactoïde qui se traduit par un chémosis et une inflammation ;
- une kératoconjonctivite chronique peut être causée par la présence de poils dans la conjonctive bulbaire ou tarsale, ou intracornéens, responsable d’une dermabrasion épithéliale ;
- des nodules conjonctivaux ou cornéens peuvent se former au niveau des poils enchâssés ;
- une uvéite et un iritis peuvent être secondaires à la pénétration des poils en chambre antérieure ;
- l’apparition d’une cataracte provoquée par la présence de poils dans le cristallin a également été décrite ;
- au niveau postérieur, les poils peuvent migrer dans le vitré ;
- autres atteintes possibles : œdème maculaire cystoïde, choriorétinite séreuse et endophtalmie (rare).
Dans le cas d’un traumatisme oculaire avec des chenilles processionnaires, la prise en charge consiste en un traitement local par collyre antibiotique et stéroïdien. Les poils intracornéens doivent être retirés s’ils sont accessibles, de préférence à l’aiguille biseautée car la pince casse le poil sans le retirer entièrement.
Les nodules conjonctivaux secondaires à la présence de poils dans la conjonctive doivent être ablatés en raison du risque de migration des poils en intraoculaire.
Le patient doit être suivi régulièrement en consultation pour faire contrôler la résolution de l’examen clinique et rechercher les complications plus tardives.

Pour en savoir plus
https://eyewiki.org/Ophthalmia_nodosa#cite_note-:5-9.
Merle H, Suchocki D, Gérard M, Donnio A. Kératite par projection de poils de chenille de Pseudosphinx tetrio. J Fr Ophtalmol. 2001;24 (6):635.
El Matri L, Charfi O, Zeghal M, Triki F. Lésions cornéennes dues aux poils de chenille. J Fr Ophtalmol. 2002;25(2):182-4.

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