Prise en charge d’une décompensation endothéliale secondaire au passage d’un implant de dexaméthasone en chambre antérieure (Ozurdex®)
Nous rapportons le cas d’un patient de 81 ans ayant consulté au CHU de Bordeaux début 2019 pour une décompensation cornéenne gauche faisant suite à un passage en chambre antérieure d’un implant de dexaméthasone Ozurdex®.
Observation
Notre patient présente comme principaux antécédents ophtalmologiques de cet œil une chirurgie de la cataracte en 2008, ainsi qu’une vitrectomie pour un décollement de rétine en 2017 compliquée en postopératoire d’un syndrome d’Irvine-Gass persistant ayant conduit à 3 reprises à une injection intravitréenne d’Ozurdex®. La dernière injection a été marquée par le passage en chambre antérieure de l’implant. Cela a entraîné un œdème cornéen diffus secondaire à la toxicité endothéliale et l’implant a été retiré en urgence. Malgré l’ablation, la décompensation endothéliale s’est pérennisée et l’œdème n’a pas régressé.
Lors de la consultation initiale en février 2019, le patient présentait une meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) à 8/10 P3 à droite et VBLM (voit bouger la main) du côté gauche.
On notait, à gauche, un œdème cornéen diffus majeur associé à des bulles épithéliales, bien visibles en OCT de segment antérieur (CASIA, Tomey, Japon), avec une pachymétrie à 803 microns à l’apex cornéen (figure 1). Par ailleurs, on constatait un recul de l’implant dans le sac capsulaire de manière bilatérale, laissant supposer une fragilité du plan capsulo-zonulaire postérieur.
Une greffe endothéliale de type UT-DSAEK (Ultra Thin-Descemet Stripping Automatised Endothelial Keratoplasty) a été proposée et effectuée en mai 2019. Les suites postopératoires immédiates se sont déroulées sans particularités, sous traitement anti-inflammatoire stéroïdien topique et larmes artificielles.
Au contrôle postopératoire à 3 mois, la MAVC était remontée à 4/10 P4 avec +0,25 (-1,75) à 155° add +3,00 D ; le greffon était clair et bien collé (figure 2).
Un suivi régulier a été réalisé et nous avons récemment revu notre patient, 1 an après sa greffe. Son acuité visuelle remontait à 8/10 P2 avec +0,75 (-2,25) à 165° add + 3,00. La pachymétrie était stabilisée aux alentours de 550 microns avec une bonne transparence cornéenne (figure 3).

Discussion
Les injections intravitréennes de 0,7 mg de dexaméthasone (Ozurdex®) sont une alternative thérapeutique efficace utilisée dans le traitement de l’œdème maculaire dans le cadre d’un diabète, d’une occlusion veineuse rétinienne, d’une uvéite postérieure ou encore d’un Irvine-Gass postopératoire.
Les complications à surveiller sont nombreuses, notamment l’augmentation de la pression intraoculaire ou encore la présence d’une hémorragie intravitréenne.
Le passage en chambre antérieure d’un implant de dexaméthasone intravitréen est une des complications graves entraînant dans la majorité des cas une décompensation cornéenne majeure due à la déperdition cellulaire endothéliale induite. L’ablation de l’implant est inévitable dans la majorité des cas. Elle constitue une urgence dont le pronostic est incertain.
La décompensation cornéenne résulte de la toxicité endothéliale dose-dépendante des corticoïdes ainsi que du contact mécanique direct entre l’implant et l’endothélium. Une hypertonie intraoculaire peut également aggraver le phénomène [1].
Dans les facteurs de risque de passage en chambre antérieure de l’implant, on retrouve une influence significative d’un antécédent de vitrectomie, du statut d’aphaque et d’un plan capsulo-zonulaire postérieur fragilisé [2]. De plus, la dilatation pupillaire (conditions scotopiques) ainsi que la position en décubitus ventral sont des conditions favorisantes (typiquement durant le sommeil).
Le passage de l’implant peut s’effectuer par la pupille dans les yeux aphaques, autour d’un IOL dans les yeux pseudophaques, ou encore au travers d’une iridectomie si sa taille le permet (dimensions de l’implant : 6 mm de longueur x 0,46 mm de diamètre) [3].
L’intervalle de temps entre l’injection et la migration en chambre antérieure est variable, allant de 15 jours à plus de 2 mois dans la littérature [4].
Il s’agit donc d’un événement indésirable grave, encore peu décrit dans la littérature, qu’il convient de déclarer à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Dans notre cas, cette évolution favorable à la fois sur le plan anatomique et sur le plan fonctionnel confirme que les techniques de kératoplasties lamellaires postérieures (de type DSAEK ou DMEK) sont une solution thérapeutique efficace lors des œdèmes cornéens persistants secondaires à un passage en chambre antérieure d’un implant Ozurdex® (figure 4).

Références bibliographiques
[1] Malclès A, Janin-Manificat H, Yhuel Y et al. Migration en chambre antérieure de l’implant intravitréen de dexaméthasone Ozurdex® chez le pseudophake : à propos de trois cas. J Fr Ophtalmol. 2013;36(4):362-7.
[2] Khurana RN, Appa SN, McCannel CA et al. Dexamethasone implant anterior chamber migration: risk factors, complications, and management strategies. Ophthalmology. 2014;121(1):67-71.
[3] Röck D, Bartz-Schmidt KU, Röck T. Risk factors for and management of anterior chamber intravitreal dexamethasone implant migration. BMC Ophthalmol. 2019;19(1):120.
[4] Kang H, Lee MW, Byeon SH et al. The clinical outcomes of surgical management of anterior chamber migration of a dexamethasone implant (Ozurdex®). Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2017;255(9): 1819-25.