Prise en charge du glaucome Du médicament à la chirurgie : quoi ? quand ? comment ?

Ce symposium, organisé par Santen lors du Congrès de la SFO, était consacré au glaucome ; en particulier le partage d’expérience des MIGS avec le Preserflo MicroShunt.

Traitement du glaucome
D’après l’intervention du Pr Jean-Paul Renard (Paris)

Contrôler la pression intraoculaire sur 24 heures par le traitement médical
L’objectif du traitement est de préserver la fonction visuelle avec la meilleure qualité de vie possible, libre de toute charge thérapeutique inutile, avec le minimum de contraintes et d’effets secondaires. L’espérance de vue doit être supérieure à l’espérance de vie.
Le but est de contrôler la neuropathie optique en redressant la perte axonale des fibres nerveuses rétiniennes, estimée environ 10 fois plus importante que la perte physiologique. La pression intra-oculaire (PIO) cible doit être déterminée en fonction du niveau d’atteinte de la neuropathie, de son taux de progression, de l’espérance de vie, et de la présence de facteurs de risque de chaque patient.
Selon l’étude Ocular Hypertension Treatment (OHTS [Am J Ophthalmol., 2006]), une réduction de la PIO de 20% réduit de moitié le nombre de sujets atteints d’hypertonie oculaire évoluant vers un glaucome. Les autres grandes études (EMGT, CIGTS, AGIS) rapportent l’intérêt dans le glaucome débutant, modéré et évolué d’une baisse pressionnelle de 25% à 40%.
Les fluctuations de la PIO chez le patient glaucomateux sont plus amples que chez le sujet sain (supérieures à 5 mmHg) et d’autant plus importantes lorsque la PIO moyenne est élevée. Toutes les fluctuations de la PIO constituent un facteur de risque de progression du glaucome à court terme et à long terme avec une estimation d’augmentation de 10% du risque de progression par mmHg de fluctuation à long terme rapportée dans une récente méta-analyse (Int J Ophthalmol. 2019;12(1):123-8).
La plurithérapie est souvent rapidement nécessaire, en moyenne après 2 ans de traitement.
L’arrivée des combinaisons fixes a changé la bithérapie. Elles présentent les intérêts suivants :
- l’absence de wash out et la diminution des contraintes ;
- l’exposition moindre aux conservateurs ;
- un risque toxique moins important ;
- une meilleure tolérance (locale et générale),
- une meilleure observance,
- une diminution du coût.

Quelles combinaisons fixes pour moins de fluctuations de la PIO ?
Bêtabloquants – prostaglandine ? Bêtaloquants – Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (IAC) ? Bêtabloquants – brimonidine ?
La meilleure tolérance des bithérapies fixes avec un collyre bêtabloquant a largement été rapportée et démontrée. Les différentes associations fixes disponibles avec un bêtabloquant regroupent :
- les analogues de la prostaglandine, avec une baisse nocturne plus marquée de la PIO ;
- les IAC avec lesquels une stabilité de l’efficacité nocturne, identique à celle des prostaglandines, a été démontrée ;
- la brimonidine mais avec une faible efficacité en fin de journée et pas ou peu d’efficacité nocturne.
Enfin, les bithérapies sans collyre bêtabloquant doivent être utilisées avec prudence en raison des problèmes de tolérance locale et allergique importante.
Il est désormais essentiel de privilégier les combinaisons sans conservateur. Elles sont gage d’une meilleure tolérance assurant une bonne observance et une préservation tissulaire pour le succès d’une chirurgie filtrante à venir.
Nous retiendrons qu’une mesure isolée de la PIO une fois par jour ne suffit pas pour juger de l’équilibre du glaucome. Les fluctuations de la pression sont proportionnelles au niveau de la PIO, et sont plus fortes lorsque la PIO basale initiale est  plus élevée. Les pics de la PIO représentent un facteur de risque essentiel de progression du glaucome. Enfin les collyres qui réduisent durablement la PIO sont ceux qui auront le plus d’impact sur les fluctuations nocives de la pression intraoculaire.

Protéger la surface oculaire
D’après l’intervention du Pr Florent Aptel (Grenoble)

Les atteintes de la surface oculaire sont-elles fréquentes chez les patients glaucomateux ?
Toutes les études observationnelles française, européenne et américaine montrent que la surface oculaire de ces patients est très souvent atteinte. Plus un patient glaucomateux reçoit des collyres conservés, plus son risque d’avoir des atteintes de la surface oculaire est élevé.

Pourquoi est-il important de protéger la surface oculaire chez les patients glaucomateux ?
Il existe un impact sur leur qualité de vie, l’observance thérapeutique et sur le pronostic d’une chirurgie filtrante.

Comment diagnostiquer les atteintes de la surface oculaire d’un patient glaucomateux ? Points clés de l’examen d’un patient glaucomateux
Il est fondamental de commencer par l’interrogatoire. On s’intéresse à ses antécédents médicaux et on recherche une pathologie dermatologique ou thyroïdienne. On prend en compte son mode de vie (tabac, travail, port de lentilles, chirurgie réfractive) et ses traitements médicaux (nombre de collyres, conservateurs, substituts, antidépresseurs, somnifères, etc.). Il est important de lui demander s’il présente des signes fonctionnels subjectifs : impression de sécheresse, sensation de brûlure et de corps étranger (grain de sable), sensibilité à la lumière, inconfort visuel, fatigue oculaire, vue trouble, démangeaison, larmoiement.
On réalise ensuite une inspection macroscopique. On recherche au test à la fluorescéine une kératite ponctuée superficielle ou une kératite filamenteuse. On quantifie le film lacrymal et la sécheresse oculaire avec le break-up time (normal si supérieur à 10 secondes).
Des examens complémentaires seront réalisés au cas par cas : test de Schirmer, colorants vitaux (rose Bengale, vert de lissamine), mesure de l’osmolarité (TearLab) augmentée.

Comment prévenir les atteintes de la surface oculaire chez les patients glaucomateux ?
Les atteintes oculaires sont essentiellement liées aux collyres glaucomateux conservés au chlorure de benzalkonium. Nous retrouvons de plus en plus de collyres sans conservateurs en unidoses à usage unique ou en flacon multidoses sans conservateur grâce à un système de filtre. Il existe des conservateurs moins toxiques, tel le Polyquad.

Efficacité des formulations non conservées
L’efficacité est la même sans conservateurs.

Prise en charge chirurgicale aujourd’hui
D’après l’intervention du Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris)

Trabéculectomie vs sclérectomie 
D’après les études, la trabéculectomie affiche un taux moyen de réussite complète (sans traitement complémentaire) d’environ 60% sept ans après l’opération. Le taux moyen de pression intraoculaire passe de 25 mmHg à 15 ou 16 mmHg (résultats avec ou sans traitement confondus) à trois ans. Or pour la sclérectomie, les résultats sont assez comparables : le taux de réussite complète atteint 57% et que la pression intraoculaire passe en moyenne d’environ 25 mmHg à un peu plus de 10 mmHg après sept ans.
En 2013, une étude de l’ensemble des travaux existants a conclut que la trabéculectomie semble plus efficace pour réduire la pression intraoculaire chez les patients présentant un glaucome à angle ouvert… mais qu’elle est associée à des complications plus fréquentes que la SPNP.
Un an plus tard, une grande étude Cochrane a de nouveau comparé les deux techniques et a abouti cette fois à des résultats plutôt équivalents, confirmant l’idée qu’elles permettent une baisse pressionnelle à peu près identique.
La conclusion logique qui s’impose est qu’aucune de ces techniques, aujourd’hui bien éprouvées par plus de 40 ans de pratique, ne doit être abandonnée mais qu’elles doivent au contraire cohabiter.

Panorama des chirurgies micro-invasives du glaucome 
D’après l’intervention du Pr Philippe Denis (Lyon) 

Depuis quelques années émergent des techniques micro-invasives du glaucome (MIGS) pour rétablir le flux normal de l’humeur aqueuse. Ces techniques ont pour facteur commun d’être moins invasives que les techniques de chirurgie filtrante traditionnelles. L’abord peut se faire ab interno ou ab externo.
Elles restent à être placées dans l’algorithme thérapeutique du glaucome. Et il est à noter qu’il y a problablement des différences à faire et à attendre au sein de ces techniques.
Avantages :
- la diminution du temps opératoire ;
- la diminution des fluctuations de pression ;
- la réduction des complications postopératoires (infections, hypotonie, etc.) et donc potentiellement moins d’impacts sur la qualité de vie du patient ;
- l’association aisée à la chirurgie de la cataracte ;
- cette procédure n’empêche pas une chirurgie ultérieure par trabéculectomie ou par SPNP.
Inconvénients :
- le choix du bon candidat ;
- l’efficacité pressionnelle plus limitée qu’avec la trabéculectomie (à noter cependant qu’il y a de grandes différences au sein des MIGS en terme d'efficacité) ; - un suivi postopératoire reste nécessaire notamment si bulle de filtration.
Le mécanisme d’action des MIGS est de rétablir le passage d’humeur aqueuse par :
- la voie trabéculaire : le trabectome, l’iStent, l’hydrus, la canaloplastie ;
- la voie supraciliaire : le Cypass (retiré du marché), l’iStent inject, l’iStar MINInject ;
- la voie sous-conjonctivale : XEN, Preserflo MicroShunt.
Comment choisir entre les MIGS et une chirurgie classique ?
Il est difficile de proposer un schéma de traitement puisque davantage de recul semble necessaire à ce stade.
Il semble toutefois que :
- les MIGS seraient à choisir dans le cas d’un glaucome à angle ouvert plutôt débutant à modéré (pression cible moyenne > 17 mmHg). Les MIGS pourraient être particulièrement intéressants si nécessité de chirurgie de la cataracte ;
- la chirurgie filtrante quant à elle serait utilisée dans le cas d’une pression cible basse, glaucome avancé.

Preserflo MicroShunt : partage d’expérience
D’après l’intervention du Dr Yves Lachkar (Paris)

On réalise une chirurgie micro-invasive avec une bulle de filtration. Le dispositif PRESERFLO MicroShunt est implanté avec un abord ab externo via une technique de chirugie micro-insavive. Il permet de drainer l’humeur aqueuse vers l’espace sous-conjonctival.
Il est mince et souple pour se conformer à la courbure de l’œil et éviter le phémomène d'érosion. Le design (longueur 8,5 mm/taille du lumen) a été concu pour limiter les risque d’hypotonie. Une ailette empêche la migration et la fuite autour de l’extérieur du tube. Son matériel (SIBS) a été utilisé et éprouvé depuis plus de 15 ans en chirurgie cardiaque (stent).
Les contre-indications sont l’angle étroit, l’angle fermé (apposition irido-trabéculaire), les synéchies antérieures périphériques et les glaucomes secondaires ICE NVG.
En comparaison avec la trabéculectomie, on retrouve moins de complications, d’inflammations et de reprises chirurgicales (needling), et les avantages sont une standardisation de la technique, un gain de temps chirurgical et la modernité.
Si les résultats en terme d’efficacité notamment semblent supérieurs à ce qui est rapporté avec les autres MIGS, les limites de cette technique sont le manque de recul de l’effet à long terme sur l’endothélium, l’impossibilité d’agir mécaniquement sur le flux de l’humeur aqueuse en postopératoire en cas d’échec des drains, et enfin son coût.

Pour en savoir plus
Ederer F, Gaasterland DE, Sullivan EK, AGIS Investigators. The Advanced Glaucoma Intervention Study (AGIS): 1. Study design and methods and baseline characteristics  of study patients. Control Clin Trials. 1994;15(4):299-325.
Aptel F, Lesoin A, Chiquet C et al. Long-term reproducibility of diurnal intraocular pressure patterns in patients with glaucoma. Ophthalmology. 2014; 121(10):1998-2003.
Baudouin C, Renard JP, Nordmann JP et al. Prevalence and risk factors for ocular surface disease among patients treated over the long term for glaucoma or ocular hypertension. Eur J Ophthalmol. 2012 juin 11:0.
Broadway DC, Grierson I, O’Brien C, Hitchings RA. Adverse effects of topical antiglaucoma medication. II. The outcome of filtration surgery. Arch Ophthalmol. 1994;112(11):1446-54.
Boimer C, Birt CM. Preservative exposure and surgical outcomes in glaucoma patients: The PESO study. J Glaucoma. 2013;22(9):730-5.
Meziani L, Tahiri Joutei Hassani R, El Sanharawi M et al. Evaluation of blebs after filtering surgery with en-face anterior-segment optical coherence tomography: A Pilot Study. J Glaucoma. 2016;25(5): e550-8.
Realini T. Selective laser trabeculoplasty: a review. J Glaucoma. 2008;17(6):497-502.
Bron AM, Mariet AS, Benzenine E et al. Trends in operating room-based glaucoma procedures in France from 2005 to 2014: a nationwide study. Br J Ophthalmol. 2017;101(11):1500-4.
Landers J, Martin K, Sarkies N et al. A twenty-year follow-up study of trabeculectomy: risk factors and outcomes. Ophthalmology. 2012;119(4):694-702.
Eldaly MA, Bunce C, ElSheikha OZ, Wormald R. Non-penetrating filtration surgery versus trabeculectomy for open-angle glaucoma. Cochrane Database Syst Rev. 2014;(2):CD007059. doi:10.1002/ 14651858.CD007059.pub2.

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