Prise en charge de la myopie

Combiner les effets de la lumière avec la technologie D.I.M.S.
Symposium HOYA Vision Care France

Conséquences à long terme des pathologies oculaires du myope et du myope fort
D’après la communication du Pr Nicolas Leveziel
La prévalence de la myopie est en augmentation constante. Selon les cohortes publiées, on constate une prévalence chez les 10-29 ans de 40% pour la myopie dite modérée, et de 2,1 à 4,5% pour la myopie forte [1]. Une conséquence majeure à long terme de la myopie est le risque de glaucome à angle ouvert associé. Selon plusieurs méta-analyses, ce risque est multiplié par 2,41 chez les myopes modérés et par plus de 4 chez les myopes forts. Il est corrélé à la longueur axiale. Le Pr Leveziel a souligné par ailleurs la difficulté diagnostique de ce glaucome du myope, compte tenu de facteurs confondants dans l’analyse du champ visuel, liés à d’éventuelles maculopathies, et dans l’analyse de la tête du nerf optique et des fibres nerveuses, liés à des ­particularités anatomiques [2]. Enfin ce glaucome du myope toucherait une population plus jeune que le glaucome primitif à angle ouvert, apparaissant autour de 40 ans. La maculopathie myopique est une autre complication de la myopie qui survient à un âge tardif. Le risque de décollement de la rétine est quant à lui augmenté quel que soit le degré de myopie, et est en moyenne multiplié par 3,45, soit jusqu’à 12 fois plus important chez le myope fort [3]. La survenue de la cataracte présente des particularités chez le sujet myope. Elle est plus précoce et pose des difficultés dans le choix de l’implant, dans une population souvent opérée d’une ­chirurgie réfractive [3]. Elle est plus fréquemment de forme nucléaire et, dans une moindre mesure, sous-capsulaire postérieure. Dans une approche plus globale, le risque cumulatif de malvoyance (acuité visuelle inférieure à 0,3) est augmenté et corrélé au degré de myopie. Elle est présente chez le myope fort à 5,7% à 60 ans, et à 39% à 65 ans [4]. La pathologie myopie expose à un risque majeur de complications spontanées ou induites, difficiles à prendre en charge. La prévention est nécessaire pour réduire le risque de handicap.

Environnement et freination
D’après la communication du Pr Dominique Bremond-Gignac
Le flou visuel en vision de loin induit par la myopie serait la conséquence de la sédentarisation au cours de l’évolution humaine, le passage du statut de « chasseur » à celui de « cueilleur ». Il existe bien entendu des facteurs de risque intrinsèques, dont les myopies syndromiques font partie, tels que les antécédents familiaux – avoir un parent myope fait passer le risque à 18,2% vs 6,3 pour des parents emmétropes – [5]. Les facteurs environnementaux jouent un rôle majeur et sont parfois mal compris. Le premier est la sollicitation excessive de la vision de près, notamment avec l’utilisation des écrans. Une étude sur les effets du confinement aurait rapporté un shift myopique de -0,3 D [6]. Pour y remédier, il a été préconisé par quelques travaux d’augmenter la distance de lecture à plus de 30 cm et de faire des pauses toutes les 20 minutes. Les effets des éclairages, notamment LED, sont discutés [7]. Certaines longueurs d’onde seraient protectrices, d’autres, notamment les bleues, toxiques. Des modèles de ­protoco­les de lumière rouge pulsée sont publiés mais sont encore à confirmer [8]. Il a été préconisé de favoriser la pratique de sports en extérieur pendant environ 2 heures par jour [9]. À noter que les sports en intérieur ne sont pas protecteurs et que la lumière solaire, dont le spectre est étendu, pourrait avoir un effet toxique à long terme sur la myopie, et plus généralement sur la macula. Une protection solaire s’impose donc dans le cadre de ces recommandations. Enfin la qualité du sommeil des enfants intervient sur l’apparition et la progression de la myopie, avec un effet néfaste de la privation de sommeil. Le Pr Bremond-Gignac a insis­té sur l’absence de bénéfices de la sous-correction myopique sur la progression de la myopie.

Combiner défocalisation et protection solaire avec la technologie D.I.M.S
D’après la communication de Marianne Goldwaser
La prévention de la myopie et de ses complications par le moyen de dispositifs médicaux ne peut actuellement agir que sur la progression de la myopie. Parmi ces dispositifs, les verres freinateurs de myopie présentent un intérêt majeur. Le MiYOSMART est distribué actuellement dans 30 pays à hauteur de 4 millions de verres. Il s’appuie sur la technologie D.I.M.S., qui utilise un maillage alvéolé permettant de répartir les rayons incidents à 50% sur la rétine et 50% en défocalisation myopique, afin d’apporter un effet freinateur à toutes les distances de lecture et dans toutes les directions du regard. Ce verre bénéficie actuellement de la validation de la Haute Autorité de santé avec le niveau ASA IV [10]. Les résultats à 6 ans montrent une progression cumulée d’à peine -0,92 D et de 0,60 mm sur la longueur axiale chez les porteurs testés, sans effet rebond après 2 ans d’arrêt. Les travaux sur les facteurs de progression insistent sur le temps passé à l’extérieur. L’ordre de grandeur en matière d’intensité est de 120 000 lux en extérieur ensoleillé vs 400 en salle de classe. L’effet des UVA et des UVB sur un cristallin immature peut présenter un risque à long terme. Ces données ont poussé au développement d’une gamme de MiYOSMART innovante, les verres Photochromique et Polarisant, grâce à la technologie du Molded Laminated Film. La protection solaire procurée est intégrée au verre sans interférer avec le système de freination. Les verres photochromiques apporteraient une réduction de la photophobie et de l’éblouissement en extérieur des pa­tients équipés. Le verre MiYOSMART Photochromique présenterait par ailleurs 97% de la transmission de la lumière lorsqu’il est clair, par rapport au verre MiYOSMART classique. L’objectif de cette gamme est de maximiser le temps de port des verres freinateurs, élément majeur de l’efficacité, notamment au cours du temps passé en extérieur tel que recommandé.

Pratique en cabinet : le suivi des enfants équipés de la technologie D.I.M.S.
D’après la communication du Dr Aurore Muselier
La pratique libérale doit tenir compte de ces éléments et des spécificités des patients. La première visite orientée freination myopique doit s’assurer du bon diagnostic, lorsque c’est possible, par la cycloplégie et par la mesure des données biométriques, dont la longueur axiale. Il convient de bien expliquer aux parents la myopie et de leur présenter la freination comme une solution potentielle, et ses modalités. La fiche SFO 67 a d’ailleurs été rédigée dans ce but [11]. L’objectif chiffré à annoncer, lorsqu’il est réalisable, est une longueur axiale, à 18 ans, inférieure à 26 mm. L’orthokératologie est particulièrement adaptée aux grands sportifs mais présente des contraintes de manipulation et d’entretien. L’atropine à 0,01 ou 0,05% doit être prescrite pour au moins 2 ans. Elle peut se combiner aux solutions optiques, notamment les verres correcteurs avec ou sans freination. La délivrance ne se fait qu’en pharmacie hospitalière, ce qui peut rebuter certains parents. Les verres freinateurs sont une solution facile et rapide à mettre en place et qui convient à la majorité des situations, avec des résultats satisfaisants, comme l’a montré le Dr Muselier à travers différentes relectures de dossiers. Une limite de -10 D d’équivalent sphérique s’impose toutefois. Il est possible de changer ou d’associer les systèmes de freination au cours de l’évolution myopique d’un enfant . En pratique clinique, il apparaît en fin de compte que le suivi des patients n’est pas standardisé mais aléatoire, ce qui peut grever le résultat. Dans un modèle statistique où 50% de la population serait myope à l’horizon 2050, des protocoles plus établis de dépistage et de suivi doivent être décidés pour optimiser le temps médical et la prise en charge finale.

Références bibliographiques
[1] Matamoros E, Ingrand P, Pelen F et al. Preva­lence of myopia in France: A cross-sectional analysis. Medicine (Baltimore). 2015;94(45): e1976.
[2] Yao M, Kitayama K, Yu F et al. Association bet­ween myopia and primary open-angle glaucoma by race and ethnicity in older adults in the California medicare population. JAMA Ophthalmol. 2023, Apr 27:e231007.
[3] Haarman AE, Tedja MS, Brussee C et al. Preva­lence of myopic macular features in Dutch individuals of European ancestry with high myopia. JAMA Ophthalmol. 2022;140(2):115-23.
[4] Tideman JW, Snabel MC, Tedja MS et al. Association of axial length with risk of uncorrectable visual impairment for Europeans with myopia. JAMA Ophthalmol. 2016;134(12):1355-63.
[5] Mutti DO, Gwiazda J, Norton TT et al. Myopia--yesterday, today, and tomorrow. Optom Vis Sci. 201390(11):1161-4.
[6] Wang J, Han Y, Musch DC et al. Evaluation and follow-up of myopia prevalence among school-aged children subsequent to the COVID-19 home confinement in Feicheng, China. JAMA Ophthalmol. 2023;141(4):333-40.
[7] AVIS de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif aux « valeurs limites d’exposition à la lumière bleue pour la population générale ». Effets sur la santé humaine et sur l’environnement (faune et flore) des diodes électroluminescentes (LED). Rapports d’expertise collective.
[8] Xiong R, Zhu Z, Jiang Y et al. Sustained and ­rebound effect of repeated low-level red-light therapy on myopia control: A 2-year post-trial follow-up study. Clin Exp Ophthalmol. 2022;50(9): 1013-24.
[9] Rose KA, Morgan IG, Ip J et al. Outdoor activity reduces the prevalence of myopia in ­children. Ophthalmology. 2008;115(8):1279-85.
[10] Avis sur les dispositifs médicaux MiYOSMART, Verres correcteurs de défocalisation myopique périphérique. Inscription adoptée par la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé le 29 mars 2022.
[11] Fiche d’information n° 67 Myopie évolutive créée sous l’égide de la Société française d’ophtalmologie (SFO) avec l’aide de la Société française des ophtalmologistes adaptateurs de ­lentilles de contact (SFOALC), rédigée en février 2020. Omar Moukadem Hôpital Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris

Auteurs

  • Omar Moukadem

    Ophtalmologiste

    Hôpital Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris

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