Prelex : l’art du compromis ?
La chirurgie du cristallin clair, ou Prelex, est principalement proposée pour la prise en charge de la presbytie mais elle peut aussi intéresser les amétropies fortes mal accessibles aux autres traitements chirurgicaux. Si cette chirurgie est maintenant bien reconnue, c’est parce que sa réalisation se fait désormais dans des indications précisées et sécuritaires pour le patient.
Place du Prelex
En France, le consensus scientifique permet de proposer, dès l’âge de 54 ans, une chirurgie du cristallin aux patients hypermétropes ou emmétropes presbytes pour des résultats qui sont, à court comme à long terme, efficaces, durables et n’entraînent pas de majoration de risques sur le plan cornéen ou rétinien. Pour les patients présentant une myopie moyenne ou forte, la chirurgie Prelex, en l’absence d’opalescence cristallinienne associée, sera proposée un peu plus tard, après 60 ans, afin de minimiser les risques de décollement de rétine chez le pseudophake myope.
La chirurgie Prelex est une technique chirurgicale fiable, prédictible, reconnue et standardisée puisqu’elle reprend les mêmes codes de technicité que celle de la cataracte qui, rappelons-le, est l’intervention chirurgicale la plus pratiquée en France. En effet, plus de 800 000 procédures de chirurgie de la cataracte sont réalisées chaque année dans des conditions de sécurité et de prédictibilité les plus élevées. La technique chirurgicale est maîtrisée, de même que les protocoles anti-inflammatoires et anti-infectieux. Si le risque infectieux a toujours été faible dans les grands centres hyperspécialisés, la sécurité infectieuse est devenue très élevée dans la plupart des centres depuis l’utilisation de céfuroxime intracamérulaire en fin d’intervention, avec une diminution drastique des endophtalmies exogènes. La chirurgie du cristallin bien codifiée et sécurisée s’est donc posée très vite en option chirurgicale à part entière, notamment en chirurgie de la presbytie aux côtés des autres techniques comme le Presbylasik.
Comme toute technique chirurgicale, le Prelex présente des avantages et des limites. Il ne doit pas être opposé aux techniques de chirurgies cornéennes mais il vient comme un outil complémentaire dans l’arsenal thérapeutique qui peut être offert aux patients.
Si, schématiquement, les techniques cornéennes de type Presbylasik sont à privilégier avant l’âge de 54 ans du fait de leurs spécificités, le Prelex devient globalement la technique la plus efficace et la plus pérenne dans ses résultats ensuite.
Il faut bien connaître les avantages des différentes techniques de prise en charge de la presbytie pour pouvoir proposer la solution la plus adaptée au patient. Cette analyse est indispensable, afin d’offrir un résultat à la hauteur des espérances des patients.
Bien souvent, même quand les patients qui consultent pour une chirurgie de la presbytie se sont renseignés sur les technologies possibles, ils ne savent pas quel type de chirurgie correspond le plus à leurs attentes. Il est donc primordial que le chirurgien puisse expliquer, aisément et simplement, le choix chirurgical qui sera retenu pour leur cas. Ce choix dépend de multiples facteurs qui peuvent être subjectifs – attentes du patient, besoins, mode de vie – ou objectifs – âge, maladies intercurrentes, capacités accommodatives résiduelles, exigences professionnelles. Ces éléments seront complétés par les résultats d’examens complémentaires : surface oculaire et film lacrymal, topographies cornéennes, segment antérieur, nerf optique et rétine.
La place de la chirurgie Prelex est prépondérante chez nos patients à partir de 54 ans (tableau I).
Quelles que soient les techniques chirurgicales proposées en matière de prise en charge de la presbytie, la notion de compromis doit être expliquée. En effet, il n’est pas possible aujourd’hui de proposer une solution qui rendrait aux patients la vue de leurs 20 ans et il faut insister sur ce point. Cependant, il faut aussi mettre en exergue que le compromis réalisé par une chirurgie Prelex est un compromis de qualité (tableau II).
Clés de la réussite
Elles s’articulent autour de ces points principaux : sélection et information du patient, technique chirurgicale parfaite, choix adapté de l’implant, obtention de l’emmétropie, accompagnement du patient.
Sélection et information du patient
Le Prelex s’adresse aux patients désireux d’avoir une vision de près binoculaire efficace et définitive, tout en gardant une bonne vision de loin et intermédiaire sans correction. Cet objectif sera atteint et pourra être modulé avec les différents types d’implants à disposition.
Le corolaire sera l’acceptation, par le patient, de la notion de compromis qui intégrera la compréhension de quelques notions primordiales : présence, plus ou moins transitoire, de halos, notamment avec les implants diffractifs, besoin de lumière pour la lecture en vision de près et effets photiques transitoires associés et attendus. Il ne faut ni cacher ni minimiser certains effets liés aux systèmes optiques des implants (figures 1 et 2) mais, au contraire, il convient de les préciser en préopératoire et de les expliquer pour que le patient les comprenne et les accepte pour une adhésion à la technique chirurgicale en toute conscience, clé de la confiance. La qualité de vision est au rendez-vous, avec une autonomie vis-à-vis de toute correction pour 95% des activités de la vie courante. Outre l’avantage d’une vision de près et intermédiaire efficace, la qualité de vision proposée est comparable à celle obtenue avec des implants monofocaux en vision de loin.
Il faut rester à l’écoute du patient et anticiper ses doutes et ses questionnements.
Une technique chirurgicale parfaite
Afin d’obtenir un résultat visuel fonctionnel optimal, la technique chirurgicale se doit d’être irréprochable. L’intervention se déroule sous anesthésie topique, qui peut être potentialisée.
Les incisions cornéennes doivent être non astigmatogènes, bien construites pour prévenir toute gêne en postopératoire. La phakoémulsification doit respecter la cornée pour éviter les œdèmes cornéens postopératoires et l’implantation dans le sac capsulaire doit être maîtrisée.
Un traitement postopératoire anti-inflammatoire est mis en place, tout comme la prise en charge des pathologies de la surface oculaire, notamment celle du film lacrymal, parfois induites par les médications.
Choix adapté de l’implant
Le vaste panel d’implants intraoculaires offrant une prise en charge de la presbytie permet de répondre aux attentes des patients. En effet, selon la technologie de l’optique de l’implant choisi, nous pouvons répondre à des attentes différentes.
Certains patients recherchent une vision de près pour la lecture prolongée, d’autres désirent surtout une vision à distance intermédiaire utile, d’autres encore souhaitent conserver une vision de loin prédominante ; certains ont des impératifs de luminosité, de confort visuel pour la conduite, etc.
Les implants proposés doivent apporter un résultat fonctionnel prédictible. Dans le cadre de la presbytie, les implants « monofocaux EDOF » sont moins utilisés car ils n’apportent pas suffisamment de défocus. Les implants « EDOF purs » actuels peuvent être une alternative du fait de leurs effets photiques modérés, mais leur prédictibilité dans les résultats visuels fonctionnels, de près comme de loin, est limitée et ces implants sont souvent « pupillo-dépendants », « asphéricité cornéenne-dépendants », « kératométrie-dépendants ». En revanche, les implants « diffractifs EDOF hybrides » de dernière génération offrent un excellent compromis quant à la qualité de vision à toute distance, au continuum de vision et à l’efficacité en vision de près (figure 3).
Dans le cas d’un Prelex pour très forte hypermétropie ou très fort astigmatisme, il peut être judicieux de ne traiter que l’hypermétropie et l’astigmatisme afin d’apporter un confort visuel au patient, le problème de la presbytie n’étant alors que secondaire.
Obtention de l’emmétropie
Afin d’obtenir une belle qualité de vision et une utilisation optimale du potentiel des implants choisis, une réfraction emmétropisante est requise. En effet, un défocus résiduel sphérique sera source de déception. Un défocus myopique entraînera une baisse d’acuité en vision de loin et une majoration d’effets photiques. Un défocus hypermétropique induira quant à lui une perte d’efficacité et de qualité de vision intermédiaire ou de près. Enfin, un cylindre résiduel sera responsable d’une mauvaise vision de loin et d’une majoration d’effets photiques.
La maîtrise des biométries et des calculs d’implants est indispensable. L’utilisation de biométries optiques est un prérequis et l’analyse multiformule des biométries est nécessaire. Il faut se rappeler que, selon les formules, outre la longueur axiale, les puissances de kératométrie et la profondeur de chambre antérieure sont des facteurs d’imprécision notoires et importants.
Certains implants sont plus tolérants que d’autres à une certaine imprécision réfractive. Ils doivent être privilégiés dans les cas où les biométries sont incertaines dans les résultats. Cela concerne les patients hypermétropes forts, astigmates forts ou ceux ayant bénéficié d’une chirurgie réfractive antérieure et pour lesquels les différentes formules sont à confronter pour approcher au mieux la cible emmétropisante.
Enfin il faut garder à l’esprit qu’un shift réfractif ou qu’une erreur réfractive est toujours possible. Les implants présentent aussi des tolérances aux puissances annoncées. Une retouche réfractive par laser est du domaine du possible et doit être proposée au patient si besoin en cas de petite imprécision réfractive qui n’est pas du domaine du changement d’implant.
Accompagnement du patient
Si l’analyse des besoins du patient et du bilan préopératoire est nécessaire, l’accompagnement du patient ne l’est pas moins. Celui-ci doit être simple et orienté sur 2 axes :
- celui de la prise en charge immédiate des effets liés à la chirurgie et à ses médications (œil rouge, irrité, déstabilisation du film lacrymal, etc.). Ces éléments doivent être recherchés, expliqués aux patients pour les rassurer, et traités ;
- l’accompagnement et l’apprentissage de la nouvelle vision obtenue doivent être réalisés. Une période d’adaptation et de compréhension est parfois nécessaire pour le patient qui doit être rassuré. Il ne faut pas nier la présence immédiate d’effets photiques qui vont s’estomper, mais au contraire les rechercher et les expliquer comme conséquence attendue et transitoire de la technologie implantée. Il faut, en fonction du type d’implant utilisé, repréciser la distance de lecture, la nécessité d’un éclairage suffisant en vision de près ou intermédiaire par exemple.
Conclusion
Le patient récemment opéré aura la nouvelle vision dont il a rêvé et qu’il a attendue. L’équipe ophtalmologique se doit donc de l’accompagner pour l’acceptation et l’optimisation de la vision et du compromis visuel de qualité qui lui est proposé.
La demande et les attentes de nos patients sont fortes pour la prise en charge de la presbytie. Le Prelex est un outil sûr, efficace et prédictible pour y parvenir. Il faudra combiner, dans une subtile alchimie, les demandes (analyse du patient), le terrain (bilan) et les outils (implants) à notre disposition pour offrir le compromis efficace et de qualité qu’est le Prelex.
Pour en savoir plus
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