Photokératectomie réfractive : le retour

La photokératectomie réfractive (PKR) au laser Excimer a été mise au point par Stephen Trokel en 1986, et réalisée pour la première fois sur un œil myope en 1989. La PKR transépithéliale en 2 temps, associant la programmation d’une photokératectomie thérapeutique (PKT) suivie d’une PKR, date de 1999 [1]. Cependant cette technique n’était pas utilisée en routine par les chirurgiens, réfractaires pour plusieurs raisons : l’absence d’uniformité dans la programmation, et la division du traitement en phase PKT puis PKR qui nécessitait une plus longue planification et entraînait une perte de temps avec une potentielle déshydratation de la cornée, enfin la PKR qui induisait un shift hypermétropique.

La PKT transépithéliale en 2 temps a donc été abandonnée au profit de la PKR après ablation épithéliale manuelle qui a révolutionné la chirurgie réfractive au début des années 1990. Seule technique ablative au départ, elle était en compétition avec le Lasik dès le milieu des années 1990 mais elle a toujours gardé une place dans les indications grâce à sa sécurité, sa simplicité et aux améliorations constantes dont elle a bénéficié.
Ces évolutions ont permis non seulement d’augmenter la précision de ses résultats, mais également de réduire les aléas de la cicatrisation. Les profils de photoablation ont évolué, avec successivement l’apparition de zones de transition reliant les zones d’ablation à la cornée saine, suivies de l’élargissement des zones optiques (ZO) jusqu’à 7 mm, puis des profils asphériques, aberroguidés ou topoguidés, le tout associé à des système d’eye-tracker puis de reconnaissance irienne avec compensation de la cyclotorsion. L’utilisation adjuvante de la mitomycine a permis par ailleurs d’élargir les indications.
La dernière évolution technologique va peut-être permettre à la PKR de reprendre une place dominante dans les indications de la chirurgie ablative au laser : l’ablation au laser de l’épithélium cornéen pour aboutir à une chirurgie tout laser sans aucune intervention manuelle du chirurgien : la PKR transépithéliale ou Trans-PKR en 1 temps.

Ablation de l’épithélium cornéen

Le débridement de l’épithélium peut être (figure 1) mécanique au scarificateur ou à la brosse rotative mécanisée, ou chimique avec de l’alcool dilué placé quelques secondes dans un anneau en surface cornéenne. Ces techniques sans repositionnement de l’épithélium donnent des résultats similaires [2].
Des variantes sont apparues afin de conserver l’épithélium dans le but de réduire les phénomènes douloureux et de raccourcir les suites opératoires. L’épithélium est décollé en un bloc soit avec de l’alcool dilué pour le Lasek (Laser-assisted sub epithelial keratomileusis), soit avec un délamineur proche du microkératome. L’épithélium est ensuite repositionné sur le stroma après la photoablation. Si certaines études sont en faveur de l’une ou l’autre de ces variantes, les méta-analyses ne permettent pas de les départager statistiquement, que ce soit sur la douleur, sur l’efficacité réfractive et sur le haze [3].

L’ablation de l’épithélium au laser Excimer (figure 2), jusque-là réservée aux photoablations thérapeutiques afin d’utiliser le rôle lissant de l’épithélium sur le stroma sous-jacent, est aujourd’hui possible en début de PKR sur la plupart des plateformes laser. C’est la PKR transépithéliale, ou Trans-PKR en 1 temps, décrite pour la première fois en 2011 [4]. Sa dénomination varie selon la plateforme laser utilisée : SmartSurfACE pour le laser Schwind, StreamLight pour le Wave Light Alcon, et TransEpi pour le Teneo de Bausch & Lomb.
La photoablation stromale réfractive est alors précédée de l’ablation épithéliale. Son épaisseur est soit bloquée à 55 microns au centre, pour certains lasers considérant que plus de 70% des patients ont un épithélium inférieur à 55 mm au centre, soit modulable selon l’épaisseur épithéliale mesurée en OCT en préopératoire pour d’autres plateformes. L’épaisseur de l’ablation épithéliale augmente vers la périphérie pour tenir compte de la variation naturelle de l’épaisseur de l’épithélium et pour éviter un effet réfractif hypermétropisant. La fluence est adaptée à l’absorption de l’épithélium, qui est légèrement différente de celle du stroma. La durée de débridement est constante, ainsi que l’assèchement du lit stromal. L’épithélium n’est retiré que sur le diamètre de la photoablation, ce qui réduit le temps de cicatrisation épithéliale [5].    

Avantages de la chirurgie ablative de surface

La Trans-PKR étant une chirurgie de surface, elle respecte l’architecture cornée. Bien que très rare, l’ectasie reste une complication redoutable et redoutée. Son incidence est estimée entre 0,04 et 2,8% selon les études et les techniques [6]. L’ectasie est plus fréquente après Lasik, même si de rares cas ont été rapportés après Smile ou même PKR. Il a cependant été prouvé que la biomécanique de la cornée était moins affectée en PKR qu’en Smile, ou surtout qu’en Lasik [6-8].
C’est la seule technique laser qui permet d’opérer des cornées fines. La chirurgie en surface, par son respect pour la biomécanique de la cornée, mais aussi parce qu’elle économise l’épaisseur du stroma résiduel postérieur (RSP) ainsi que le pourcentage de tissu altéré, est préférée à la chirurgie intrastromale lorsque la cornée est fine et la pachymétrie centrale inférieure à 500 microns, à condition que le RSP soit supérieur à 350 microns.
La PKR est sûre. Tous les aléas de la découpe du volet du Lasik, même s’ils sont très rares depuis l’avènement du laser femtoseconde, sont évités.
Les résultats sont identiques à ceux du Lasik. En dehors de la vitesse de récupération et de l’absence de douleur postopératoire, les 2 techniques donnent, toutes myopies confondues depuis 2008, des résultats réfractifs statistiquement comparables et, pour certains, une tendance à moins d’aberrations induites par la PKR [9].
Les avantages particuliers de la Trans-PKR sont nombreux
La Trans-PKR est la plus simple des techniques de chirurgie réfractive au laser.
Elle est rapide, les temps opératoires sont réduits au minimum ; elle est 100% non contact, elle ne nécessite aucun geste chirurgical hormis la pose du blépharostat et, enfin, elle ne sollicite qu’un seul laser : le laser Excimer. L’intervention évite au patient l’inconfort du débridement mécanique et, pour le ressenti des patients, son déroulement semble se faire en 1 seul temps. La durée totale du traitement est courte, ce qui évite la déshydratation stromale, avec pour conséquence un effet bénéfique sur les phénomènes de cicatrisation postablation et une précision accrue.
Par sa simplicité, le geste chirurgical est le plus sûr de toutes les chirurgies ablatives.
La douleur postop est atténuée, la réépithélialisation est plus rapide.
Cette technique permet non seulement de s’affranchir de la gêne peropératoire, mais également de diminuer très nettement la douleur postopératoire car l’ablation épithéliale est strictement identique à la ZO traitée (en moyenne 6,5 mm de diamètre). L’ulcère créé étant ainsi de plus petite taille, cela diminue également la durée de cicatrisation.
La Trans-PKR est précise. La durée de débridement étant constante, le temps réfractif se fait sur un lit stromal dont l’assèchement est reproductible et superposable d’un patient à l’autre. Par ailleurs, le temps de désépithélialisation correspond à une PKT dont l’effet lissant sur la surface stromale est bénéfique pour réduire les aberrations optiques induites.
La Trans-PKR réduit le taux de haze. Le haze est un aléa des photoablations de surface que l’on retrouve dans 0,3 à 3% des cas [10]. Il peut réduire l’efficacité de la chirurgie par les fluctuations de la vision, l’astigmatisme irrégulier et des régressions de la myopie qu’il peut induire [11]. Le taux de haze après une Trans-PKR est faible et il semble que l’adjonction de mitomycine ne soit pas nécessaire même pour les myopies moyennes, car le taux de haze serait égal avec ou sans addition de mitomycine [12].
Les indications sont larges. Les myopies très faibles [13], moyennes ou fortes [14,15], peuvent être corrigées sur de très larges ZO avec de très bons résultats rapportés entre -0,50 D et même -15,00 D pour certains, avec des acuités visuelles à 10/10 ou plus pour 90% des patients qui sont à plus ou moins 0,50 D de l’emmétropie.

Conclusion

La PKR a fêté ses 30 ans. Seule technique de correction des amétropies au laser au début des années 1990, elle a été délaissée à l’avènement du Lasik, dont les suites indolores et la rapidité de la récupération fonctionnelle autorisent une reprise des activités quasi immédiate. Dans les années 2000 à 2010, la PKR était essentiellement réservée à des cas particuliers de cornées fines, de retraitements ou de traitements thérapeutiques. Grâce aux progrès technologiques, on a assisté ces dernières années à une renaissance des chirurgies ablatives de surface avec une augmentation de 30% en 2019 [16]. La PKR, en particulier lorsqu’elle est transépithéliale, fait donc son retour et est en passe de s’imposer, par sa simplicité, sa sécurité et la qualité de ses résultats, comme une procédure courante.

Références bibliographiques
[1] Clinch TE, Moshirfar M, Weis JR et al. Comparison of mechanical and transepithelial debridement during photorefractive keratectomy. Ophthalmol. 1999;106(3):483-9.
[2] Witzel de Medeiros F, Mohan RR, Suto C et al. Haze development after photorefractive keratectomy: mechanical vs ethanol epithelial removal in rabbits. J Refract Surg. 2008;24(9):923-7.
[3] Zhao LQ, Wei RL, Cheng JW et al. Meta-analysis: clinical outcomes of laser-assisted subepithelial keratectomy and photorefractive keratectomy in myopia. Ophthalmology. 2010;117(10):1912-22.
[4] Fadlallah A, Fahed D, Khalil K et al. Transepithelial photorefractive keratectomy: clinical results. J Cataract Refract Surg. 2011;37(10): 1852-7.
[5] McAlinden C, Skiadaresi E, Moore JE. Visual and refractive outcomes following myopic laser-assisted subepithelial keratectomy with a flying-spot excimer laser. J Cataract Refract Surg. 2011;37(5):901-6.
[6] Shen Y, Chen Z, Knorz MC et al. Comparison of corneal deformation parameters after SMILE, LASEK, and femtosecond laser-assisted LASIK. J Refract Surg. 2014;30(5):310-8.
[7] Hodge C, Lawless M, Sutton G. Keratectasia following LASIK in a patient with uncomplicated PRK in the fellow eye. J Cataract Refract Surg. 2011;37(3):603-7.
[8] Javadi MA, Mohammadpour M, Rabei HM. Keratectasia after LASIK but not after PRK in one patient. J Refract Surg. 2006;22(8):817-20.
[9] Shortt AJ, Allan BDS, Evans JR. Laser-assisted in-situ keratomileusis (LASIK) versus photorefractive keratectomy (PRK) for myopia. Cochrane Database Syst Rev. 2013;(1):CD005135.
[10] Netto MV, Mohan RR, Ambrósio R Jr et al. Wound healing in the cornea: a review of refractive surgery complications and new prospects for therapy. Cornea. 2005;24(5):509-2.
[11] Margo JA, Munir WM. Corneal haze following refractive surgery: a review of pathophysiology, incidence, prevention, and treatment. Int Ophthalmol Clin. 2016;56(2):111-25.
[12] Adib-Moghaddam S, Soleyman-Jahi S, Tefagh G et al. Comparison of single step transepithelial photorefractive keratectomy with or without mitomycin C in mild to moderate myopia. J Refract Surg. 2018;34(6):400-7.
[13], Lin DTC, Holland SP, Verma S et al. Postoperative corneal asphericity in low, moderate, and high myopic eyes after transepithelial PRK using a new pulse allocation. J Refract Surg. 2017;33(12):820-6.
[14] Adib-Moghaddam S, Soleyman-Jahi S, Salmanian B et al. Single step transepithelial photorefractive keratectomy in myopia and astigmatism: 18-month follow-up. J Cataract Refract Surg. 2016;42(11): 1570-8.
[15] Antonios R, Abdul Fattah M, Arba Mosquera S et al. Single-step transepithelial versus alcohol-assisted photorefractive keratectomy in the treatment of high myopia: a comparative evaluation over 12 months. Br J Ophthalmol. 2017;101(8):1106-12.
[16] Jun I, Yong Kang DS, Arba-Mosquera S et al. Clinical outcomes of mechanical and transepithelial photorefractive keratectomy in low myopia with a large ablation zone. J Cataract Refract Surg. 2019;45(7):977-84.

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