Ophtalmologie : un front uni contre la loi « Conso »

L’Académie française de l’ophtalmologie (AFO), la Société française des ophtalmologistes adaptateurs de lentilles de contact (SFOALC) et le Syndicat nationale des ophtalmologistes de France (Snof) ont tenu conjointement une conférence de presse.

Ils ont manifesté leur inquiétude sur certaines dispositions de la loi Consommation adoptée en première lecture au Sénat le 12 septembre si elle entrait en vigueur en l’état. En effet, alors que les ordonnances de lunettes étaient valable 3 ans sauf opposition du prescripteur, elles deviendraient valables et adaptables pendant 5 ans : un porteur de lunettes pourrait ne plus revoir d’ophtalmologiste pendant près de 10 ans !

Cette véritable démédicalisation du suivi, confié de fait à l’opticien, ne pourrait qu’avoir de graves conséquences sur la santé oculaire des Français et va à l’encontre des recommandations médicales concernant la fréquence des visites : les praticiens connaissent bien le nombre de maladies oculaires chroniques, asymptomatiques pendant de nombreuses années, survenant à partir de 40 ans, et le risque de découvrir trop tardivement à partir de 50 ans des pathologies graves.

Cette loi ne répond pas non plus aux attentes des Français mises en relief par un sondage Snof-Ipsos de 2011, notamment : pour 82 % d’entre eux, l’achat de lunettes devait être précédé d’une prescription médicale et 78 % des Français considèraient qu’il fallait faire contrôler sa vue par un ophtalmologiste a minima tous les 3 ans…

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La situation est encore plus grave pour les lentilles

Leur adaptation, actuellement un acte médical inscrit à la CCAM (classification commune des actes médicaux), sortirait tout bonnement du champ médical ! Or le rôle des praticiens est déterminant pour limiter les risques liés au port de lentilles, par les conseils donnés pour leur utilisation ou leur entretien, ou pour la surveillance des cornées. Sans compter les nombreuses indications médicales (kératocône, plaies de cornée, strabisme de l’enfant…), de la seule compétence des ophtalmologistes.

Une étude française* a mis en relief les 3 meilleures ou pires pratiques concernant les risques de développer une kératite amibienne :
- les 3 meilleures : l’adaptation par l’ophtalmologiste réduit ces risques par 8 ; changer régulièrement de solution polyvalente les réduit par 7 et être suivi une fois par an par un ophtalmologiste par 4 ;
- les 3 pratiques les plus risquées : acheter ses lentilles sur Internet multiplie les risques par 7,30 ; l’adaptation par l’opticien par 6,9 et porter des lentilles malgré une maladie de la cornée par 6,5.

Ce sont certainement ce type d'arguments qui ont poussé les USA et la Grande-Bretagne à revenir en arrière et à remettre en place l'obligation d'une prescription pour tout achat de lentilles et de lunettes sur Internet...

Et on ne peut que s’interroger sur les motivations de nos parlementaires ou de nos dirigeants sur ces mesures et le niveau de connaissance de certains des problèmes de santé publique, et espérer que les actions du Snof pour les en informer, comme par exemple sa lettre ouverte aux sénateurs, porteront leurs fruits. Après une lettre à Benoît Hamon le 19 septembre suivie d’une demande de rendez-vous, le Snof a demandé à être auditionné par Jean-Marc Ayrault.


* Etude sur les complications infectieuses liées au port des lentilles de contact, coordonnée depuis 2008 par le Pr Bourcier et le Dr Sauer de Strasbourg.

Voir également en pièce joint les références d'articles sur les risques liés à l'utilisation deslentilles et le texte de l'article J Colin et coll. J Fr Ophtalmol. 200+6;29:665-7.

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