Ophtalmologie pédiatrique

L’ophtalmologie pédiatrique serait-elle à la mode ? En ce 140e anniversaire de la SFO, on ne dénombre pas moins de 80 communications portant sur la prise en charge ophtalmologique de l’enfant. Nous rapporterons ici de manière didactique un panel d’erreurs à ne pas commettre en ophtalmologie pédiatrique en 2023, afin d’aider au mieux notre pratique quotidienne.

Dans le cadre des « dys »
Les troubles « dys » sont des troubles spécifiques des apprentissages non consécutifs à une pathologie neurologique, sans déficit intellectuel (troubles neurodéveloppementaux, DSM-5). L’ophtalmologiste est souvent le premier interlocuteur dans le bilan d’un enfant « dys ». Ces enfants sont adressés le plus souvent en raison de difficultés de lecture. Or, tous les mauvais lecteurs ne sont pas des « dys ». Un diagnostic multidisciplinaire complet et fiable doit donc être réalisé. Le choix du traitement adéquat est primordial. Il est important de rappeler que seule l’orthophonie a fait ses preuves [1] dans la dyslexie, malgré une multiplicité des thérapeutiques émergentes. La stigmatisation des enfants « dys » doit être évitée au maximum, il convient de les aider, notamment par l’identification positive auprès de personnalités célèbres « dys » par exemple.

Dans le cadre du glaucome
Le glaucome congénital, grand simulateur, est un challenge quotidien pour les ophtalmologistes. L’objectif est de toujours l’avoir en tête sans poser de diagnostic excessif. Tout larmoiement et toute photophobie chez l’enfant est un glaucome jusqu’à preuve du contraire. Il faut se méfier d’une « simple conjonctivite » ou d’un « simple canal lacrymal ». Un traitement par corticoïde administré par erreur devant une conjonctivite d’allure allergique traînante par exemple peut décompenser de manière catastrophique le glaucome passé inaperçu. D’autre part, l’enfant doit être vu « en vrai » (éviter les photographies) à la recherche d’une mégalocornée légère. Au moindre doute devant une présentation atypique, il ne faut pas hésiter à demander une imagerie cérébrale à la recherche d’un diagnostic différentiel ou d’une anomalie responsable d’un glaucome secondaire.

Dans le cadre du strabisme
Le strabisme est une pathologie fréquente qui peut conditionner le pronostic visuel des enfants et nécessite une prise en charge rigoureuse. Il ne faut pas laisser se développer une amblyopie strabique sous prétexte que la mesure de l’acuité visuelle est impossible. La clé est l’étude de la fixation oculaire. Il faut garder en tête que s’il n’existe plus d’alternance de fixation, l’amblyopie est certaine. Une réflexion identique peut être menée devant une pseudo-XXt. La prise en charge repose alors sur une occlusion séquentielle alternante diagnostique et thérapeutique. Pour conclure à une CRN, il est nécessaire de multiplier les tests et de préférer le TNO. Il ne faut jamais arrêter trop tôt une amblyothérapie (jusqu’à minimum 10 ans en pratique). Sur le plan de la prise en charge chirurgicale, il ne faut pas négliger un torticolis avant d’opérer le strabisme.

Dans le cadre des anomalies papillaires
L’analyse d’un aspect de surélévation papillaire est source d’interrogation dans la pratique quotidienne. On distingue les anomalies papillaires, les vrais et faux œdèmes papillaires. Premièrement, les anomalies papillaires peuvent être découvertes à tout âge et être symptomatiques ou non. La prise en charge repose sur la réalisation d’un examen ophtalmologique détaillé et d’un bilan syndromique complet. Deuxièmement, le défi est de ne pas méconnaître le vrai œdème papillaire. Cliniquement, il faut retenir que tout stade 4 ou 5 de Frisén [2] (disparition des gros vaisseaux) correspond toujours à un vrai œdème. Un œdème papillaire bilatéral chez l’enfant est, jusqu’à preuve du contraire, secondaire à une pathologie neurologique tumorale, traumatique ou inflammatoire (HTIC idiopathique rarissime [3]) et nécessite un bilan exhaustif rapide (IRM et ponction lombaire). Un œdème papillaire unila- téral doit faire penser à une cause compressive, infiltrative, inflammatoire ou infectieuse (contexte évocateur). Troisièmement, quid du faux œdème ? [4] Il existe 4 causes de faux œdèmes : hypermétropie, dysversion papillaire, drusen [5], NOHL. Le bilan comprend au minimum un OCT RNFL, un raster papille en mode EDI et un complexe ganglionnaire (± cliché en autofluorescence, échographie en mode B, angiographie à fluorescéïne).

Dans le cadre de l’examen d’un enfant malvoyant
Les examens complémentaires de l’enfant malvoyant ont un enjeu différent de celui de l’adulte. La vision joue un rôle majeur dans le développement psycho-sensori-moteur de l’enfant dont la carence entraîne des déficits secondaires. La qualité des examens réalisés permet un diagnostic plus précoce et une meilleure adap- tation du suivi de l’enfant. Il faut savoir cibler les examens en fonction du comportement visuel et/ou des signes d’appel. L’acquisition doit être rapide et l’installation optimale. Les imageries doivent toujours être tentées et l’enregistrement vidéo est primordial dans la plupart des examens (comportement visuel, champ visuel par attraction, OCT vidéo). Enfin, il faut savoir faire revenir l’enfant en consultation pour compléter le bilan si nécessaire.

Dans le cadre des lésions iriennes
Les lésions iriennes sont rares chez l’enfant mais il faut savoir évoquer certaines étiologies. Le médullo-épithéliome est une tumeur congénitale non héréditaire de l’angle irido-cornéen à l’aspect de masse vascularisée. Très agressive localement, elle nécessite un traitement chirurgical. Le xanthogranulome juvénile, tumeur histiocytaire infiltrante de couleur jaunâtre, se manifeste classiquement par un hyphéma spontané dont le traitement repose sur des cures courtes de corticoïde topique. La présence de kystes iriens multiples doit faire rechercher des anomalies des muscles lisses et des anévrysmes de l’aorte thoracique. La mélanocytose irienne doit être recherchée devant tout nævus d’Ota.

Références bibliographiques
[1] Galuschka K, Ise E, Krick K, Schulte-Körne G. Effectiveness of treatment approaches for children and adolescents with reading disabilities: a meta-analysis of randomized controlled trials. PloS One. 2014;9(2):e89900.
[2] Frisén L. Swelling of the optic nerve head: a staging scheme. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 1982;45(1):13-8.
[3] Masri A, Jaafar A, Noman R et al. Intracranial hypertension in children: Etiologies, clinical features, and outcome. J Child Neurol. 2015;30(12): 1562-8.
[4] Heath Jeffery RC, Chen FK. Peripapillary hyperreflective ovoid mass-like structures: Multimodal imaging-A review. Clin Experiment Ophthalmol. 2023;51(1):67-80.
[5] Costello F, Rothenbuehler S, Sibony PA, Hamann S. Diagnosing optic disc drusen in the modern imaging era: A practical approach. Neurophthalmology. 2020;45(1):1-16.

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