Œdème maculaire et membrane épirétinienne : bilan et quelles conséquences postopératoires
Les membranes épirétiniennes sont des pathologies fréquentes qui touchent 2,6% de la population d’après the Blue Moutain Eye Study. Leur prévalence augmente avec l’âge. Avec l’avènement de l’OCT, on estime que la prévalence de kystes intrarétiniens associés aux membranes idiopathiques est de 5 à 35% [1,2]. Plusieurs dénominations ont été utilisées dans les études pour tenter de qualifier ces kystes : œdème maculaire cystoïde, œdème microkystique ou, plus récemment, fovéoschisis.
Œdème maculaire et membrane épirétinienne
L’œdème maculaire (OM) correspond à l’accumulation anormale de liquide dans le tissu rétinien, entraînant son épaississement. Auparavant défini comme l’accumulation de colorant au sein de la macula en angiographie à la fluorescéine, l’OM est plus souvent décrit aujourd’hui comme l’épaississement du centre de la rétine, avec la présence de multiples espaces hyporéflectifs ovales/ronds intrarétiniens sur les coupes d’OCT. Il peut être associé à de très nombreuses pathologies rétiniennes et on distingue en général 2 grands types d’OM : l’OM d’origine exsudative, lié à une rupture de la barrière hématorétinienne (BHR), et l’OM d’origine tractionnelle. Plus rarement, l’OM peut être d’origine dégénérative ou toxique. Les principales causes d’OM liés à une rupture de la BHR sont représentées par la rétinopathie diabétique (RD), l’occlusion veineuse et l’OM aigu postopératoire. Cet œdème serait donc lié à une augmentation de la perméabilité vasculaire/rupture de la BHR interne par inflammation ou ischémie. Il peut s’observer dans les couches interne ou externe de la rétine.
Un OM peut également survenir à la suite de phénomènes de traction exercés sur la rétine par le cortex vitréen postérieur ou par une membrane épirétinienne. Dans ces cas, la formation des kystes intrarétiniens serait liée à la traction exercée sur les cellules de Müller, cellules gliales ayant un rôle clé dans le maintien de l’homéostasie rétinienne et dont les pieds sont situés au niveau de la membrane limitante interne, induisant un dysfonctionnement de celles-ci. Quand une membrane épirétinienne est associée à la présence d’un OM cystoïde, l’angiographie à la fluorescéine retrouve dans certains cas une diffusion de colorant évocatrice de la rupture de la BHR (50% environ), tandis que dans d’autres cas, il existe un remplissage des logettes intrarétiniennes (pooling) sans diffusion (figure 1).
Œdème maculaire et membrane secondaire
La présence d’un OM associé à une membrane épirétinienne doit en premier lieu faire éliminer une cause secondaire et réaliser au moindre doute une angiographie à la fluorescéine et/ou au vert d’indocyanine. Les membranes secondaires représentent environ 20% des membranes épirétiniennes. Les principales causes de membranes avec œdème sont l’occlusion veineuse, la RD ou encore une cause inflammatoire (postchirurgie de cataracte ou uvéitique). En effet, on estime que 12% des occlusions veineuses développent une membrane épirétinienne [3]. La chirurgie de pelage de la membrane pourra être proposée dans le cas d’un œdème persistant ou ne répondant pas au traitement médical associé à une membrane tractionnelle. Les membranes secondaires surviennent chez des sujets plus jeunes et ont tendance à avoir une acuité visuelle initiale et postopératoire plus faible que les membranes idiopathiques.
Autres kystes intrarétiniens associés aux membranes épirétiniennes idiopathiques
Dans les membranes idiopathiques, la prévalence des kystes intrarétiniens associés aux membranes idiopathiques est de 5 à 35%. Récemment, 2 types de kystes ont été décrits plus spécifiquement : l’œdème microkystique et le fovéoschisis.
Œdème microkystique
L’OM microkystique, situé dans la couche nucléaire interne, est défini par la présence de petites lacunes hyporéflectives bien délimitées au sein de cette couche (figure 2). Il a été décrit initialement en histologie par Van Buren (1963), qui retrouvait des kystes de la couche nucléaire interne chez des patients ayant des lésions du nerf optique ou du chiasma, et appelait ce phénomène « dégénérescence kystique ». Il se caractérise désormais mieux avec l’OCT et a été visualisé d’abord chez des patients ayant une atrophie optique ou un glaucome sévère [4], puis chez des patients atteints d’une DMLA, d’une occlusion veineuse ou encore d’une choriorétinite séreuse centrale. Il est maintenant également retrouvé dans les membranes épirétiniennes en préopératoire ou de novo en postopératoire chez des patients qui ne présentaient pas de kystes préopératoires. Ces kystes ne diffusent généralement pas en angiographie à la fluorescéine. Certains auteurs pensent que cet œdème microkystique est lié à une dégénérescence transsynaptique rétrograde comme initialement décrit, ou à un dommage sur les cellules de Müller par la membrane et/ou lors du pelage de la membrane limitante interne, car il apparaîtrait spécifiquement au niveau des zones de pelage. La valeur pronostique péjorative ou non de l’œdème microkystique dans les cas de membrane idiopathique reste encore débattue, avec des résultats variables en fonction des études. En revanche, cet œdème, supposé dégénératif, reste stable dans le temps en postopératoire et ne répond pas au traitement médical (notamment les injections intravitréennes de corticoïdes).
Fovéoschisis
Le fovéoschisis est une entité qui est bien connue dans la myopie pathologique. Plus récemment, il a été décrit dans les membranes épirétiniennes idiopathiques chez des patients emmétropes. Le fovéoschisis est défini en OCT comme une séparation, un clivage (« schisis ») entre les couches rétiniennes fovéales, typiquement entre les couches nucléaire et plexiforme externes, au niveau de la couche des fibres de Henlé (figure 3). Il apparaît comme des espaces hyporéflectifs intrarétiniens entourés par des colonnes de tissus hyperréflectifs qui pourraient correspondre à des cellules de Müller étirées et verticalisées [5]. Dans la myopie pathologique, il serait secondaire à des forces de tractions antéropostérieures liées à la présence d’un staphylome postérieur et au cortex vitréen, mais également à une traction tangentielle liée à la membrane limitante interne et à une éventuelle membrane épirétinienne. Dans les membranes épirétiniennes des sujets emmétropes, il pourrait être causé par la traction tangentielle exercée par la membrane épirétinienne. Le pelage de la membrane apporte de bons résultats anatomiques et fonctionnels, similaires aux membranes idiopathiques sans kystes [6]. En effet, le fovéoschisis disparaît dans 77 à 95% des cas après un suivi postopératoire de 6 à 18 mois. En revanche, il existe un taux d’OM aigu postopératoire supérieur aux membranes sans kystes (25% dans le groupe fovéoschisis vs 3% dans le groupe sans kystes). Cet œdème était résolutif après traitement médical.
Conclusion
L’association de kystes intrarétiniens avec une membrane épirétinienne représente 5 à 35% des membranes. Il convient d’éliminer une cause secondaire de membrane avec OM telle que la RD, l’occlusion veineuse ou encore un OM aigu postopératoire. La physiopathologie de l’OM dans les membranes épirétiniennes idiopathiques n’est pas élucidée, il semble exister dans la moitié des cas une rupture de la BHR. Deux sous-types de kystes ont été décrits dans les membranes épirétiniennes : l’œdème microkystique et le fovéoschisis. L’œdème microkystique doit faire éliminer une pathologie du nerf optique sous-jacente. Les membranes épirétiniennes avec fovéoschisis (supposé d’origine tractionnelle) ont le même pronostic visuel que les membranes sans kystes. Cependant, il semble exister un risque plus important d’OM aigu postopératoire.
Références bibliographiques
[1] Shiode Y, Morizane Y, Toshima S et al. Surgical outcome of idiopathic epiretinal membranes with intraretinal cystic spaces. PloS One. 2016;11(12):e0168555.
[2] Dysli M, Ebneter A, Menke MN et al. Patients with epiretinal membranes display retrograde maculopathy after surgical peeling of the internal limiting membrane. Retina. 2019;39(11):2132-40.
[3] Mitchell P, Smith W, Chey T et al. Prevalence and associations of epiretinal membranes. The Blue Mountains Eye Study, Australia. Ophthalmology. 997;104(6):1033-40.
[4] Burggraaff MC, Trieu J, de Vries-Knoppert WA et al. The clinical spectrum of microcystic macular edema. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2014;55(2):952-61.
[5] Govetto A, Sarraf D, Hubschman JP et al. Distinctive mechanisms and patterns of exudative versus tractional intraretinal cystoid spaces as seen with multimodal imaging. Am J Ophthalmol. 2020;212:43-56.
[6] Lam M, Philippakis E, Gaudric A et al. Postoperative outcomes of idiopathic epiretinal membrane associated with foveoschisis. Br J Ophthalmol. 2021;bjophthalmol-2020-317982. doi: 10.1136/