Œdème maculaire diabétique
Symposium Allergan

En s’appuyant sur les recommandations d’experts français pour l’utilisation de l’implant intravitréen de dexaméthasone dans le traitement de l’œdème maculaire diabétique [1], les Drs Aude Couturier et Sophie Bonnin, ainsi que le professeur Laurent Kodjikian, nous ont fait part de leur expérience dans le traitement de cette pathologie.
Comment l’imagerie nous renseigne-t-elle sur l’inflammation ?
Dr Aude Couturier
L’inflammation occupe un rôle majeur dans la physiopathologie de l’œdème maculaire diabétique (OMD). Une revue de la littérature de 2022 rapportait des concentrations augmentées de VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), mais aussi d’interleukine-6, d’interleukine-8 et de métalloprotéinases dans le vitré des patients souffrant de cette pathologie [2]. Il a également été démontré dans des modèles animaux de diabète que l’hyperglycémie induisait une activation des cellules gliales rétiniennes, notamment des cellules microgliales et de Müller [3].
Il existe différents types de points hyperréflectifs identifiables en OCT : ceux mesurant moins de 30 microns pourraient correspondre à des cellules microgliales activées, tandis que ceux dont la taille excède 30 microns seraient plutôt des précurseurs d’exsudats lipidiques. Ils sont de mauvais pronostic quant à la réponse fonctionnelle aux injections.
Les kystes intrarétiniens à contenu hyperréflectif se remplissent partiellement en angiographie à la fluorescéine en raison de leur contenu lipidique, reflet d’une rupture majeure de la barrière hématorétinienne (BHR). Ils sont plus fréquemment associés à une rétinopathie diabétique non proliférante sévère ou proliférante.
La présence de fluide sous-rétinien à type de DSR pourrait être liée à une rupture de la BHR externe et également être un biomarqueur d’inflammation. Une étude récente a en effet mesuré des taux plus élevés de différents marqueurs inflammatoires systémiques, telle une augmentation du ratio neutrophiles/ lymphocytes et du Systematic Immune Inflammation Index chez les patients ayant un œdème avec DSR par rapport à ceux ayant un œdème sans DSR [4].
Ainsi, ces biomarqueurs OCT peuvent être pris en compte, tout comme le statut du cristallin et du nerf optique, pour guider le choix thérapeutique d’un OMD. L’acuité visuelle initiale reste le meilleur facteur prédictif pour les résultats fonctionnels après l’injection intravitréenne dans l’OMD.
Stratégie thérapeutique : des recommandations à la pratique
Dr Sophie Bonnin
En 2019, le Pr Kodjikian et plusieurs experts européens ont publié dans l’European Journal of Ophthalmology un algorithme décisionnel de prise en charge de l’OMD incluant le statut cristallinien, le statut rétinien, la disponibilité du patient et ses comorbidités (figure 2) [5]. Le Dr Bonnin a détaillé quelques situations particulières.
Patient vitrectomisé
L’implant de dexaméthasone a montré son efficacité dans les yeux vitrectomisés comme dans les non vitrectomisés puisqu’il n’existait pas de différence significative entre ces 2 groupes dans 2 études de Rezkallah et al. en 2018 [6]. Il a même été démontré, dans une étude rétrospective, une efficacité supérieure de l’implant de dexaméthasone comparé aux anti-VEGF chez les patients diabétiques vitrectomisés en termes d’acuité visuelle et d’amélioration de l’épaisseur maculaire centrale [7]. Cela s’expliquerait par une meilleure pharmacocinétique vitréenne de l’implant de dexaméthasone par comparaison avec les anti-VEGF.
Comorbidités cardiovasculaires
L’OM survient fréquemment chez des diabétiques souffrant de comorbidités cardiovasculaires. Chez les patients traités par anti-VEGF, il existe une surmortalité cardiovasculaire dans l’année suivant un accident vasculaire cérébral ou un infarctus du myocarde. Les experts s’accordent à proscrire les injections d’anti-VEGF dans les 3 mois faisant suite à ces 2 événements : il faudra dans ces cas privilégier l’implant de dexaméthasone [1]. Le Dr Bonnin invite même à la prudence dans l’année suivant de tels événements cardiovasculaires.
Patient devant être opéré de la cataracte
Les patients souffrant d’un OMD peuvent nécessiter une chirurgie de la cataracte et il existe un risque d’aggravation de l’œdème dans les 2 mois suivant l’intervention. Dans cette indication, l’implant de dexaméthasone a montré son efficacité sur les plan anatomique et fonctionnel dans une étude parue dans Retina en 2021 [8]. Il n’existe pas d’étude comparant directement les injections d’anti-VEGF et l’implant de dexaméthasone injecté au moment de la chirurgie. Un consensus d’experts italiens recommandait de privilégier l’implant de dexaméthasone injecté 1 mois avant ou au moment de la chirurgie, en raison de sa plus longue durée d’action et des risques de majoration de l’œdème maculaire à distance. Cependant, dans le cas d’une rétinopathie diabétique proliférante, le traitement par anti-VEGF est à privilégier.
Disponibilité du patient
Les études de vraie vie ont mis en évidence un sous-traitement des patients diabétiques, avec un nombre d’injections intravitréennes plus faible que dans les essais cliniques : cela a un retentissement sur l’acuité visuelle finale qui est corrélée au nombre d’injections pratiquées. En effet, les patients diabétiques souffrent de pathologies multiples induisant un nombre élevé de rendez-vous médicaux et rendant difficiles l’observance et l’adhésion au traitement. L’implant de dexaméthasone, par sa durée d’action supérieure, permet de réaliser moins d’injections tout en conservant une bonne efficacité fonctionnelle et anatomique.
Comment prendre en charge les hypertonies cortico-induites en 2022 ?
Pr Laurent Kodjikian
Dans les études de vraie vie, l’implant de dexaméthasone induit une hypertonie oculaire chez 30% des patients, toutes indications confondues, mais seulement chez 11 % de ceux traités pour un OMD [9].
Dépistage et facteurs de risque
Les facteurs de risque d’hypertonie sont l’âge jeune (moins de 60 ans), le sexe masculin, l’occlusion veineuse rétinienne, un antécédent d’uvéite, un glaucome sous bi- ou trithérapie et une longueur axiale supérieure à 25 mm. Le glaucome bien contrôlé sous monothérapie n’est pas une contre-indication à l’implant de dexaméthasone car il n’existe pas de surrisque de chirurgie filtrante en postinjection.
Le pic pressionnel a été constaté au deuxième mois, le contrôle de la pression oculaire à une semaine de l’injection ne semble utile que chez les patients glaucomateux. Un contrôle 1 à 2 mois après l’injection est suffisant pour les autres patients.
Chez les patients corticoïdes-répondeurs, l’hypertonie survient au décours des 2 premières injections dans 80% des cas et à l’issue de la quatrième injection dans 97% des cas. Il est donc possible d’alléger la surveillance pressionnelle si la pression intraoculaire est restée stable lors des 2 premières injections.
D’après les recommandations conjointes de la Société française d’ophtalmologie et de la Société française du glaucome en 2017, il est possible de réinjecter un patient ayant présenté une hypertonie oculaire après un implant de dexaméthasone intravitréen si l’augmentation de pression n’excède pas 15 mmHg et si celle-ci a pu être contrôlée médicalement. Dans ce cas, il est recommandé de prescrire un traitement prophylactique local de façon concomitante à la réinjection, et ce pendant 3 mois.
Dans le cas d’un antécédent de chirurgie filtrante, on pourra également utiliser l’implant de dexaméthasone si la pression oculaire est bien contrôlée. En effet, dans la TRABEX Study, étude du CHU de Lyon en cours de révision, 80% des yeux avec chirurgie filtrante ayant reçu un implant de dexaméthasone n’ont pas nécessité de modification thérapeutique après l’injection.
Prise en charge
Le traitement médical est suffisant pour contrôler l’hypertonie dans 97% des cas. Les recommandations récentes de la Haute Autorité de santé concernant la prise en charge de l’hypertonie et du glaucome positionnent désormais le SLT (Selective Laser Trabeculoplasty) en première ligne, au même titre que les analogues des prostaglandines ou les bêtabloquants. Plusieurs études ont évalué le SLT dans l’hypertonie cortico-induite : les résultats montrent une diminution de la pression oculaire de 30 à 50% après le laser pratiqué en 1 ou 2 séances. Il s’agit donc d’une option intéressante si une hypertonie survient après l’injection intravitréenne d’un implant de dexaméthasone.
Références bibliographiques
[1] Kodjikian L, Baillif S, Couturier A et al. Recommendations for the management of diabetic macular oedema with intravitreal dexamethasone implant: A national Delphi consensus study. Eur J Ophthalmol. 2021:11206721211052852.
[2] Minaker SA, Mason RH, Lahaie Luna G et al. Changes in aqueous and vitreous inflammatory cytokine levels in diabetic macular oedema: a systematic review and meta-analysis. Acta Ophthalmol. 2022;100(1):e53-e70.
[3] Couturier A, Blot G, Vignaud L et al. Reproducing diabetic retinopathy features using newly developed human induced-pluripotent stem cell-derived retinal Müller glial cells. Glia. 2021;69(7): 1679-93.
[4] Gündogdu KÖ, Dogan E, Çelik E, Alagöz G. Serum inflammatory marker levels in serous macular detachment secondary to diabetic macular edema. Eur J Ophthalmol. 2022:112067 21221083464.
[5] Kodjikian L, Bellocq D, Bandello F et al. First-line treatment algorithm and guidelines in center-involving diabetic macular edema. Eur J Ophthalmol. 2019;29(6):573-84.
[6] Rezkallah A, Malclès A, Dot C et al. Evaluation of efficacy and safety of dexamethasone intravitreal implants of vitrectomized and nonvitrectomized eyes in a real-world study. J Ocul Pharmacol Ther. 2018;34(8):596-602.
[7] Wang JK, Huang TL, Chang PY et al. Comparison of intravitreal dexamethasone implant and ranibizumab in vitrectomized eyes with diabetic macular edema. J Ophthalmol. 2021;2021:8882539.
[8] Furino C, Boscia F, Niro A et al. Diabetic macular edema and cataract surgery: Phacoemulsification combined with dexamethasone intravitreal implant compared with standard phacoemulsification. Retina. 2021;41(5):1102-9.
[9] Malclès A, Dot C, Voirin N et al. Safety of intravitreal dexamethasone implant (Ozurdex): The SAFODEX study. Incidence and risk factors of ocular hypertension. Retina. 2017;37(7):1352-9.