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Œdème maculaire des occlusions veineuses rétiniennes : peut-on le guérir ?

Grâce aux molécules disponibles depuis une dizaine d’années, les patients atteints d’un œdème maculaire des occlusions veineuses rétiniennes voient leur acuité visuelle s’améliorer rapidement et de manière significative. Pour certains, les Happy Few, la guérison complète est possible mais pour la majorité, il faut souvent poursuivre le traitement pendant plusieurs années en raison du risque de récidive.

Des traitements efficaces

Depuis une dizaine d’années, nous disposons de traitements efficaces pour traiter l’œdème maculaire des occlusions veineuses rétiniennes (OVR). La triamcinolone administrée par injection intravitréenne (IVT) avait permis la première publication démontrant une amélioration significative du pronostic visuel des patients atteints d’un OVR dans l’étude SCORE. L’implant de dexaméthasone (DXM) a obtenu ensuite l’AMM dans le traitement des OVR avec une efficacité comparable à celle de la triamcinolone, mais avec des effets secondaires liés à l’action glucocorticoïde beaucoup plus limités grâce à une délivrance progressive de la substance pharmacologique. Les anti-VEGF ont suivi avec le bévacizumab, le ranibizumab puis l’aflibercept, qui ont apporté, en plus de l’effet anti-œdémateux, une action anti-angiogénique plus forte que les corticoïdes et pouvant se révéler utile dans les formes ischémiques. En pratique, le bévacizumab n’a pas l’AMM en France pour le traitement des OVR et ne peut être distribué que dans certaines conditions dans les établissements ayant une pharmacie pouvant conditionner le produit.
De nombreuses études comparatives ont montré que toutes ces molécules avaient une efficacité comparable pour traiter l’œdème maculaire des OVR (OMV). Le choix de la molécule est basé tout d’abord sur les contre-indications possibles (par exemple préférer un anti-VEGF chez les glaucomateux), la forme clinique (les formes ischémiques peuvent être traités avantageusement par les anti-VEGF tant que la photocoagulation au laser n’est pas réalisée), la disponibilité du patient qui fait souvent choisir l’implant de DXM, le souhait d’espacer les injections à distance de la phase initiale, etc.
L’amélioration de l’acuité visuelle est souvent rapide et importante. Dès le premier mois qui suit le début du traitement, l’amélioration de l’acuité visuelle est significative et est corrélée à la récupération finale. Dans les études princeps CRUISE et BRAVO avec le ranibizumab, le gain à 6 mois était de 14,9 lettres dans les occlusions de la veine centrale de la rétine (OVCR), et de 18,3 lettres dans les occlusions de branche veineuse rétiniennes (OBVR). Avec l’aflibercept, les études princeps qui avaient inclus des formes ischémiques montraient un gain de 17,3 lettres dans les OVCR et de 18 lettres dans les OBVR. Avec l’implant de DXM, le gain visuel était de 10 lettres à 2 mois dans l’étude princeps Geneva, mais les patients présentaient souvent des formes anciennes ; dans l’étude COBALT, qui n’incluait que des patients naïfs, le gain visuel était de 19 lettres dans les OBVR traitées par l’implant de DXM [1].

La guérison définitive est-elle possible ?

 La guérison définitive n’est malheureusement pas la règle car l’OMV récidive souvent, mais elle concerne cependant un certain nombre de patients qui n’ont pas de récidive de l’OMV après le traitement initial d’induction, et que l’on peut surnommer Happy Few (figure 1). Peu d’études mettent en évidence ces patients. Dans l’étude CRUISE, après les 6 IVT mensuelles d’induction, 14,6% des OVCR traitées et 15,4% des OVCR contrôles non traitées n’ont pas eu besoin d’IVT supplémentaires. Pour les OBVR dans l’étude BRAVO, 23,7% des patients traités et 13% des patients contrôles non traités pouvaient être considérés comme des Happy Few après la phase d’induction de 6 mois. Après injection de l’implant de DXM, 32,4% des patients étudiés dans l’étude COBALT ayant une OBVR n’ont pas eu besoin d’injection supplémentaire en 1 an.

Dans l’étude observationnelle de vraie vie BOREAL-OVR, 12,2% des patients ayant une OVCR n’ont pas eu besoin d’injections complémentaires après les 3 IVT d’induction. Dans une étude rétrospective australienne, 5% des OVCR et 10% des OBVR correspondaient aux Happy Few et n’avaient pas eu besoin d’IVT complémentaire après la série d’induction.
Les patients des études princeps étaient sélectionnés au départ et les formes les plus sévères (avec une acuité visuelle inférieure à 20/320) étaient exclues. C’est sans doute ce qui explique que dans la vraie vie, les patients Happy Few soient moins nombreux. Le traitement intensif d’induction par IVT mensuelles pendant 6 mois pourrait aussi expliquer ces différences, mais aucune étude n’a cherché à confirmer ou infirmer cette hypothèse. Cela peut plaider pour une phase d’induction plus longue que 3 mois systématiques ; c’est le cas lorsqu’on attend l’obtention d’un plateau d’acuité visuelle avant d’arrêter les IVT, comme le recommandait l’AMM initiale du ranibizumab dans le diabète et les OVR, et comme cela a été expérimenté dans le protocole de l’étude CRYSTAL.
On peut rapprocher ce pourcentage de patients guéris après la phase d’induction au groupe de patients bénéficiant d’une amélioration spontanée avant l’ère des anti-VEGF. Dans une étude prospective de 1996, 27% des OVCR et 53% des OBVR récupéraient une vision finale de 20/30 ou plus [2]. Une étude plus récente sur l’évolution spontanée suivie par tomographie en cohérence optique (OCT) montrait que, parmi les OBV, l’OMV disparaissait spontanément à 4,5 mois dans 18% des cas, et à 7,5 mois dans 41% des cas [3]. Pour les OVCR bien perfusées, l’OMV disparaissait dans 3% des cas entre 2 et 15 mois [4].
Il est difficile de comparer les résultats de ces études qui ont inclus des patients sélectionnés selon des critères différents. Il reste difficile de savoir si la guérison observée dans 5 à 32% des cas est directement le résultat du traitement de l’OMV par IVT, ou si celui-ci l’a simplement accélérée.

La guérison sous condition

Dans la majorité des cas, un état de guérison avec récupération anatomique et fonctionnelle est possible à condition de poursuivre le traitement. Étant donné que dans les OVR, la récidive est brutale, il est conseillé d’adopter un mode de traitement pro-actif de type Treat & Extend dès que l’œdème récidive, pour éviter une évolution en dents de scie de l’acuité visuelle. Cela permet de maintenir l’acuité visuelle à un niveau stationnaire pendant plusieurs années. La lente diminution de la densité vasculaire observée en OCT-A, malgré le traitement et l’absence de récidive, peut expliquer malgré tout une lente dégradation de la vision après plusieurs années chez certains patients.
Sur le long terme, le rythme des injections peut s’espacer, et l’arrêt des injections est possible dans 44% des OVCR et 50% des OBVR, comme l’a montré l’étude RETAIN. Cet arrêt survient généralement au cours de la deuxième année. Pour les patients qui doivent poursuivre les IVT, le rythme ne change pas globalement : le nombre des IVT nécessaires la deuxième année est un bon prédicteur du nombre d’IVT nécessaires la quatrième et la cinquième année selon Spooner, et était en moyenne de 5,5 IVT par an, aussi bien pour les OBVR que pour les OVCR [5].

Le laser, facteur de guérison ? 

À moyen et long terme, le laser peut être un facteur de guérison de l’OMV dans les occlusions de branche et les formes hémicentrales. Depuis les résultats des études VIBRANT et BRIGHTER, le traitement par anti-VEGF a confirmé sa supériorité sur le laser en grille maculaire comme traitement de première intention de l’OMV des OBV. Néanmoins, la place du laser au cours du suivi reste une option thérapeutique valide, mais dont les résultats sont toujours controversés. Dans les OBVR où l’œdème est récidivant, le traitement en grille maculaire, complété éventuellement par le traitement au laser des territoires non perfusés en périphérie rétinienne, reste donc une indication possible (figure 2). Les nouveaux lasers de type multipoints, sub-threshold, ou encore pilotés par ordinateurs (Navilas®) peuvent permettre d’éviter le surdosage dans la région maculaire.

Une des caractéristiques de l’évolution à long terme des OBVR est le remodelage vasculaire, qui aboutit parfois à la survenue de gros microanévrysmes. Ces « macroanévrysmes » capillaires sont à risque d’œdème réfractaire, à l’origine d’exsudats lipidiques délétères, et sont bien repérés sur les clichés tardifs de l’angiographie au vert d’infracyanine. Le traitement focal de ces anomalies vasculaires est généralement très efficace et peut permettre l’arrêt des IVT (figure 3). Dans une série de 9 yeux où le traitement au laser de(s) macro-anévrysme(s) a été effectué en moyenne 4 ans après la baisse visuelle, Paques et al. ont rapporté une amélioration de l’acuité visuelle et une diminution de l’épaisseur maculaire significatives 6 mois après le traitement [6].
Il est donc recommandé de poursuivre le suivi angiographique au long cours dans les cas d’OMV récidivants, par une angiographie annuelle environ, pour déceler des anomalies vasculaires responsables d’OMV réfractaires et pour surveiller l’évolution de la perfusion de la périphérie rétinienne.

Références bibliographiques
[1] Yoon YH, Kim JW, Lee JY et al. Dexamethasone intravitreal implant for early treatment and retreatment of macular edema related to branch retinal vein occlusion: The multicenter COBALT study. Ophthalmologica. 2018;240(2):81-9.
[2] Glacet-Bernard A, Coscas G, Chabanel A et al. Prognostic factors for retinal vein occlusion: prospective study of 175 cases. Ophthalmology. 1996;103(4):551-60.
[3] Shroff D, Mehta DK, Arora R et al. Natural history of macular status in recent-onset branch retinal vein occlusion: an optical coherence tomography study. Int Ophthalmol. 2008;28(4):261-8.
[4] McIntosh RL, Rogers SL, Lim L et al. Natural history of central retinal vein occlusion: an evidence-based systematic review. Ophthalmology. 2010;117(6):1113-23 e1115.
[5] Spooner K, Fraser-Bell S, Hong T, Chang AA. Five-year outcomes of retinal vein occlusion treated with vascular endothelial growth factor inhibitors. BMJ Open Ophthalmol. 2019;4(1):e000249.
[6] Paques M, Philippakis E, Bonnet C et al. Indocyanine-green-guided targeted laser photocoagulation of capillary macroaneurysms in macular oedema: a pilot study. Br J Ophthalmol. 2017;101(2):170-4.

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