Œdème maculaire

Symposium Allergan. 10 ans d’engagement et de progrès continus dans l’œdème maculaire

Œdème maculaire diabétique : une décennie de données en vraie vie
D’après l’intervention du Pr Laurent Kodjikian (Lyon)
Nous disposons désormais de nombreu­ses études de vraie vie évaluant l’efficacité de l’implant de dexaméthasone dans le traitement de l’œdème maculaire diabétique (OMD).

Gain visuel et injections intravitréennes nécessaires
Une revue de la littérature réalisée en 2018 par l’équipe du Pr Kodjikian a fait la synthèse de 63 études observationnelles, 32 portant sur les anti-VEGF (6 842 yeux) et 31 sur l’implant de dexaméthasone (1 703 yeux) [1]. Les résultats obtenus dans la vraie vie avec l’implant de dexaméthasone semblent être meilleurs que ceux avec les anti-VEGF : le gain d’acuité visuelle (AV) était supérieur avec la dexaméthasone (+9,6 lettres vs +4,7). L’AV moyenne à l’inclusion était plus basse dans le groupe traité par implant de dexaméthasone. Cependant, le gain visuel y était meilleur que dans le sous-groupe traité par anti-VEGF avec une bonne AV à l’inclusion. Ces résultats pourraient être dus au fait que moins d’injections d’anti-VEGF ont été administrées dans les études observationnelles que dans les études interventionnelles (5,8 en moyen­ne). L’écart de résultats entre les études pivotales et la vraie vie restent un problème majeur pour les anti-VEGF en raison de la non-observance du calendrier serré d’injections, alors que son respect est obligatoire pour obtenir les meilleurs résultats. Au contraire, avec la dexaméthasone, les études de vraie vie ont montré un gain visuel supérieur à ­celui des études pivots, notamment du fait d’un nombre d’injections plus important.

Patient non répondeur et switch : quand et pour quel patient ?
Environ un tiers des patients atteints d’un OMD (25 à 40%) sont non répondeurs fonctionnels aux anti-VEGF à 1 an (gain d’AV inférieur à 5 lettres). Le protocole I (étude EARLY) semble montrer une corrélation anatomo-fonctionnelle puisque les patients non répondeurs anatomiques à 3 mois (réduction de l’épaisseur centrale rétinienne inférieure à 20%) étaient aussi non répondeurs fonctionnels et le restaient à 3 ans. Les études montrent ­effectivement qu’un certain nombre de patients (un quart à un tiers) traités pour un OMD présentent un taux de VEGF intravitréen normal. La proportion de non-répondeurs anatomiques et ­fonctionnels était en revanche 2 fois plus faible chez les patients traités par implant de dexaméthasone.
Le taux de non-répondeurs ­fonctionnels aux anti-VEGF varie peu dans le temps. Dans l’étude EARLY, 63% des non-­répondeurs à 3 mois le restaient à 6 mois et 53% l’étaient toujours à 3 ans. Il semble donc possible de prédire la réponse fonctionnelle aux anti-VEGF après les 3 à 6 premières injections, et il faut par conséquent attendre 5 à 6 mois après l’initiation du traitement avant de switcher. Il est préférable alors de proposer directement un implant de dexaméthasone si le premier traitement anti-VEGF échoue.
L’implant de dexaméthasone donne de meilleurs résultats chez les patients naïfs de traitement (meilleure AV initiale, traitement plus précoce et potentiel de récupération plus important).
Enfin, les patients traités par implant de dexaméthasone nécessitent 3 fois moins d’injections que ceux traités par anti-VEGF.

Un algorithme de traitement international a été proposé en 2019, résumant l’ensemble des facteurs individuels à considérer dans la stratégie thérapeutique de l’OMD (figure 1) [2].

L’étude française multicentrique LOADEX qui vient d’être lancée évalue un nouveau paradigme de traitement consistant en 1 dose de charge de 2 injections systématiques de dexaméthasone dans les 3 premiers mois, suivie d’un PRN (Pro Re Nata).

Place de l’imagerie dans la stratégie thérapeutique de l’OMD
D’après l’intervention du Dr Aude Couturier (Paris)

L’OCT reste le gold standard pour le diagnostic et le suivi de l’OMD, mais il permet aussi d’identifier un certain nombre de biomarqueurs pronostiques (figures 2 et 3) [3].
La présence de points hyperréflectifs rétiniens (PHR) est associée à une moins bonne récupération fonctionnelle, et leur diminution après le traitement est corrélée à une amélioration de la sensibilité rétinienne en micropérimétrie. Leur origine reste discutée : lipoprotéines précurseurs d’exsudats, cellules microgliales activées, dégénérescence des photorécepteurs… Le matériel hyperréflectif à l’intérieur même des logettes d’œdème serait associé à des formes plus sévères de rétinopathie diabétique et à une rupture plus importante de la barrière hématorétinienne. Il semble avoir peu d’influence sur l’AV mais une étude a retrouvé une moins bonne réponse anatomique après un traitement par anti-VEGF.

La présence initiale d’un décollement ­séreux rétinien (DSR) semble prédictive d’un meilleur résultat fonctionnel après le traitement, quelle que soit la molécule utilisée. Ces OMD avec DSR sont parfois décrits comme « inflammatoires » car ils seraient associés à un taux plus élevé d’interleukines 6 dans le vitré. Plusieurs études rétrospectives ont retrouvé un meilleur résultat anatomique après un traitement par implant de dexaméthasone, par comparaison avec les anti-VEGF, sans différence mise en évidence sur le plan fonctionnel.

L’intégrité des couches externes est aussi un marqueur important : l’altération des photorécepteurs entraîne une moins bonne récupération fonctionnelle. Il est parfois difficile de l’évaluer à la phase aiguë de l’œdème du fait d’un effet masque.
La désorganisation des couches rétiniennes internes (DRIL) est corrélée à l’AV initiale et est associée à une moins bonne récupération fonctionnelle quel que soit le traitement.
La présence d’une membrane épirétinienne est aussi un facteur de moins bonne réponse aux injections.

L’angiographie reste utile, notamment si l’OMD persiste. Elle met en évidence des lésions anévrysmales ou des télangiectasies capillaires TelCaps dans 30% des cas qui peuvent entretenir l’œdème. Elles doivent être recherchées d’autant plus qu’il existe des exsudats importants, dans le cas d’une résistance ou d’une dépendance aux injections. Ces lésions sont bien visibles sur les temps tardifs en angiographie ICG. Un programme hospitalier de recherche clinique est en cours sur le plan national (TalaDME, Dr Dupas, Pr Paques) pour déterminer si le traitement ciblé par laser permet de diminuer le nombre d’injections.

L’intérêt d’un switch précoce a été retrouvé dans une étude multicentrique de vraie vie qui a évalué le pronostic des patients non répondeurs avec un OMD après une série initiale de 3 IVT d’anti-VEGF (110 yeux) [4]. Les patients switchés vers un implant de dexaméthasone précocement après l’induction ont présenté un gain d’AV et une diminution de l’épaisseur centrale supérieurs à 1 an par rapport à ceux qui ont poursuivi les injections d’anti-VEGF. Le gain d’AV restait inférieur dans le sous-groupe de patients qui n’avait pas été sous-traité par anti-VEGF (7 à 12 IVT).

Parcours du patient OMD à l’automne 2020
D’après les interventions des Pr Stéphanie Baillif (Nice) et Frédéric Matonti (Marseille)
La crise inédite de la Covid-19 a été ­l’occasion d’évaluer nos pratiques et d’optimiser nos activités. Une enquête (Gallileo et Allergan) réalisée auprès de 19 ophtalmologistes a évalué l’impact de l’épidémie. Pendant le confinement, la majorité des consultations a été annulée mais une permanence a été assurée pour accueillir les urgences. Seules les chirurgies urgentes ont été maintenues. Le suivi des patients a été effectué par téléphone. Les praticiens libéraux ont souvent eu recours au chômage partiel pour les équipes paramédicales. En postconfinement, il a fallu rattraper le volume de patients décalés tout en réduisant la cadence pour assurer la sécurité des patients. Les IVT liées à la DMLA ont été majoritairement maintenues alors que celles liées aux occlusions veineuses et aux OMD ont parfois été reportées mais ont pu être réalisées sans encombrement en postconfinement.
Le manque de visibilité sur l’évolution de la pandémie pose la question de l’organisation pour les mois à venir. Les mesures d’hygiène et les gestes barrière sont maintenus (plaques de protection sur les lampes à fente, port du masque, distanciation des patients en salle d’attente, prise de température). Le flux des patients a été repensé, permettant une reprise du volume de consultations (respect strict des horaires de consultation, accompagnant à l’extérieur, espacement des rendez-vous). Une réorganisation dans la gestion du personnel a permis d’optimiser les temps de présence. La stratégie thérapeutique est conservée pour la plupart des patients, avec le maintien des IVT, sans changement de molécule ni de schéma de traitement (sauf pour les patients en PRN passés en Treat and Extend).

Références bibliographiques
[1] Kodjikian L, Bellocq D, Mathis T. Pharmacological management of diabetic macular edema in real-life observational studies. Biomed Res Int. 2018;8289253. doi: 10.1155/2018/8289253.
[2] Kodjikian L, Bellocq D, Bandello F et al. First-line treatment algorithm and guidelines in center-involving diabetic macular edema. Eur J Ophthal. 2019;29(6):573-84.
[3] Zur D, Iglicki M, Busch C et al. OCT biomarkers as functional outcome predictors in diabetic macular edema treated with dexamethasone implant. Ophthalmology. 2018;125(2):267-75.
[4] Busch C, Zur D, Fraser-Bell S et al. Shall we stay, or shall we switch? Continued anti-VEGF therapy versus early switch to dexamethasone implant in refractory diabetic macular edema. Acta Diabetol. 2018;55(8):789-96.

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