Nouveautés dans les implants non préchargés
Lors de l’édition 2022 de la Société française d’ophtalmologie, le laboratoire Alcon a officialisé la commercialisation des versions non préchargées des implants Clareon® et Clareon Toric® ainsi que du nouvel injecteur Monarch IV utilisés dans la chirurgie de la cataracte. Une dizaine de chirurgiens français ont eu le privilège de les tester en avant-première depuis mars 2022. Nous rapportons ici notre retour d’expérience après une centaine d’implantations sur la clinique Honoré Cave à Montauban.
Seuls des patients bénéficiant d’une primo-chirurgie ou ayant eu un implant Clareon sur l’autre œil ont été sélectionnés.
L’implant est annoncé comme étant identique à celui déjà commercialisé dans sa version préchargée, avec l’injecteur autonoMe fonctionnant avec une cartouche de gaz (depuis 2017 en Europe).
Caractéristiques techniques
Il s’agit d’un implant monobloc, acrylique hydrophobe à bords carrés, doté d’un filtre UV et anti-lumière bleue. D’une dimension totale de 13 mm, il est pourvu d’une zone optique de 6,5 mm avec des puissances disponibles de +6 à +30 D par pas de 0,5.
Dans sa forme torique, le tore est intégré à la face postérieure de la lentille, la face antérieure étant asphérique. Pour le calcul de la puissance et de l’axe, on le retrouve sous l’appellation « CNWT Tx » du calculateur en ligne Alcon (https://www.myalcon-toriccalc.com). Les utilisateurs du biomètre Argos® ont la possibilité de sélectionner directement l’implant sur la machine qui calculera elle-même l’axe. Le résultat peut ensuite être exporté sur le module Verion™ couplé au microscope opératoire, permettant un gain de temps et de sécurité dans le choix de la lentille.
Utilisation en pratique
Le conditionnement de l’implant reste fidèle à celui utilisé par la firme pour ses implants non préchargés. À l’ouverture du boîtier, on remarque d’emblée la teinte de l’implant : l’aspect du filtre anti-lumière bleue avec une coloration « natural yellow » apparaît moins « jaune » que sur l’AcrySof® IQ précédemment commercialisé par Alcon. Cette teinte semble aussi moins marquée dans le ressenti patient en postopératoire.
La véritable nouveauté réside dans l’injecteur Monarch IV. Lors de la prise en main, on notera un design plus épuré et un vrai travail fait sur l’ergonomie : injecteur plus gros avec une meilleure stabilité, nouvelle forme de piston avec une extrémité en Y et un filetage repensé au niveau du bouton de vis. Des petites touches qui se ressentent à l’utilisation. L’avancée de l’implant lors de l’injection est plus douce, progressive, et nécessite moins de tours qu’avec le Monarch III. L’extrémité en Y apporte le bénéfice d’avoir la lentille systématiquement capturée, contrairement à la version précédente où le piston pouvait glisser au-dessus ou au-dessous de l’implant si l’alignement n’était pas parfait.
La mise en place de la cartouche à travers un rail peut sembler peu pratique à la première approche. Après quelques utilisations, le mouvement devient automatique et ne présente aucune difficulté particulière. On peut regretter le caractère exclusif de cet injecteur et de son implant : pas de rétro-utilisation possible avec les autres implants de la gamme, au risque d’abîmer la lentille injectée. De même, le chargement d’une lentille Clareon sur la version Monarch III de l’injecteur expose au risque de retournement de l’implant dans le sac (figure 1).
La cartouche passe sans problème au travers d’une incision en 2,2 mm. Elle séduira donc les utilisateurs peu satisfaits du design de l’injecteur autonoMe, dont l’extrémité peut parfois apparaître délicate à insérer dans l’incision.
Alcon avance une température de transition vitreuse de l’implant améliorée pour un meilleur déploiement. Celle-ci correspond à la température à partir de laquelle un matériau devient souple quand la température augmente, et rigide quand la température diminue. En pratique, l’insertion et l’expansion de l’implant sont fluides, les haptiques se déploient naturellement et rapidement, permettant un positionnement optimal de l’implant.
Dans la version torique, l’alignement sur l’axe désiré se fait toujours avec les 3 points repères situés à l’insertion des haptiques comme sur le modèle précédent de la firme (AcrySof IQ Toric SN6ATx). Un lavage soigneux du visqueux est conseillé afin de limiter le risque de rotation postopératoire. L’injection d’une bulle d’air en chambre antérieure en fin d’intervention est parfois réalisée par certains chirurgiens.
Premiers résultats en postopératoire
Nos premiers retours patients sont satisfaisants.
Tolérance et précision réfractive
Oshika et al. ont rapporté une bonne tolérance de la lentille et une stabilité réfractive à 9 ans après la chirurgie [1].
Dans notre série, aucune réaction inflammatoire inhabituelle en lien avec le matériel de l’implant n’a été retrouvée.
Une discrète tendance hypermétropique était constatée sur les premiers patients opérés. Cette imperfection a rapidement été gommée après la mise à jour de la constante A (optique) à 119,32 au biomètre (contre 119,1 initialement).
Dans sa version torique, l’implant nous a paru stable et prédictible : aucune reprise pour rotation n’a été nécessaire. Cette donnée reste à confirmer sur la durée et le volume, étant donné le faible effectif d’implants Clareon toriques posés et le suivi inégal à ce jour. Dans leur étude de suivi à 6 mois, Walters et al. retrouvaient une rotation inférieure ou égale à 5° dans 98,4% des cas [2]. Lane et al. ont également objectivé un déplacement axial significativement inférieur à celui des implants de la concurrence (Mx60, ZcB00 et XY1) [3]. Le design « Stable Force » utilisé dans la conception des haptiques de l’implant étant similaire à celui employé sur le modèle précédent (AcrySof IQ Toric SN6ATx), nous nous attendons à des résultats favorables équivalents.
Transparence de l’implant
Aucune de ces anomalies n’a été constatée à l’examen en lampe à fente sur nos premiers patients implantés. Noter que ces éléments devront être confortés dans le futur.
Opacification capsulaire postérieure
Le matériel hydrophobe et les bords carrés de l’implant constituent des atouts pour limiter le développement de l’opacification capsulaire postérieure (OPC). La méta-analyse de Von Tress et al. retrouve une faible incidence d’une capsulotomie YAG à 3 ans sur le Clareon 0,18% comparé à son prédécesseur AcrySof 3,91% [5]. Almenara et al. retrouvent une incidence similaire de survenue de l’OPC à 1 an entre le Clareon et le Tecnis ZCB00 [6]. À ce jour, nos premiers patients opérés conservent des capsules transparentes. Aucune capsulotomie YAG n’a été pratiquée. Ici encore, un suivi sur le long terme nous donnera une idée plus précise du délai d’apparition des phénomènes d’opacification capsulaire.
Conclusion
L’implant Clareon (SYWF) et sa version torique (CNWT) viennent enrichir la gamme Alcon dans leur version non préchargée. La préparation est relativement simple, elle occasionne une discrète perte de temps par rapport à celle d’un implant préchargé, qui peut toutefois être déléguée à l’aide opératoire quand celui-ci est disponible. Le nouvel injecteur Monarch IV bénéficie de réelles améliorations, facilitant la prise en main et la reproductibilité des injections quel que soit l’œil concerné. La lentille remplit le cahier des charges d’un standard actuel : filtre anti-lumière bleue, précision réfractive tout en bénéficiant des améliorations introduites par le laboratoire pour corriger les défauts de son aîné AcrySof en termes de maintien de transparence. La version monofocale satisfera les chirurgiens, séduits par l’implant mais peu à l’aise avec le système autonoMe et la version torique a quant à elle tous les arguments pour supplanter le prédécesseur AcrySof SN6AT.
Références bibliographiques
[1] Oshika T, Fujita Y, Inamura M, Miyata K. Mid-term and long-term clinical assessments of a new 1-piece hydrophobic acrylic IOL with hydroxyethyl methacrylate. J Cataract Refract Surg. 2020;46(5):682-7.
[2] Walters TR, Lehmann R, Moyes A et al. Rotational stability of the clareon monofocal aspheric hydrophobic acrylic intraocular lens 6 months after implantation. Clin Ophthalmol. 2022;16:401-9.
[3] Lane S, Collins S, Das KK et al. Evaluation of intraocular lens mechanical stability. J Cataract Refract Surg. 2019;45(4):501-6.
[4] Werner L, Thatthamla I, Ong M et al. Evaluation of clarity characteristics in a new hydrophobic acrylic IOL in comparison to commercially available IOLs. J Cataract Refract Surg. 2019;45(10):1490-7.
[5] Von Tress M, Marotta JS, Lane SS, Sarangapani R. A meta-analysis of Nd: YAG capsulotomy rates for two hydrophobic intraocular lens materials. Clin Ophthalmol. 2018;12:1125-36.
[6] Almenara C, Bartol-Puyal F de A, Soriano D et al. Comparison of posterior capsule opacification between Clareon CNA0T0 and Tecnis ZCB00 intraocular lenses. Eur J Ophthalmol. 2021;31(6):3355-66.