Myopie évolutive : quelles solutions ? comment choisir ?

On assiste à une réelle pandémie myopique. Sa prévalence ne cesse d’augmenter. Si la myopie et la myopie forte concernaient respectivement 27 et 2,8% de la population mondiale en 2010, elles seraient estimées respectivement à 52 et 10% en 2050 (Holden et al., 2016). Elle expose à de nombreuses complications (décollement de rétine, maculopathie, glaucome, cataracte…) et l’enjeu de correction et surtout de freination est donc primordial. L’arsenal thérapeutique à notre disposition ne cesse de s’enrichir depuis quelques années.

L’Organisation mondiale de la santé définit la myopie par un équivalent sphérique de -0,50 D, et la myopie forte par un équivalent sphérique supérieur ou égal à -6,00 D. L’augmentation de 1 mm de longueur axiale correspond à 2,60 D. La longueur axiale semble être un critère plus fiable que la puissance réfractive pour juger de la sévérité et de l’évolution de la myopie.

Facteurs de risque

Le Brian Holden Institute a montré les facteurs de risque de progression myopique (figure 1).
Les facteurs génétiques entrent en compte mais aussi l’âge, l’ethnie, l’évolution en dioptrie de l’amétropie.

Environnement

La génétique n’explique pas à elle seule la rapidité de l’évolution myopique, l’environnement entre également en jeu. La lumière naturelle et le temps passé à l’extérieur semblent être des facteurs protecteurs.
L’excès accommodatif en vision de près serait un facteur de risque d’évolution myopique. Les mesures préventives sont donc primordiales :
- port permanent de la correction optique, même en cas de faible myopie et également pour la vision de près ;
- passer plus de 2 h 30 à l’extérieur à la lumière naturelle ;
- garder une distance suffisante de 30 à 35 cm en vision de près afin de limiter l’effort accommodatif ;
- règle des 20/20 : toutes les 20 minutes, faire une pause de 20 secondes lors d’une activité en vision de près ;
- réduire le temps passé devant les écrans.

Théorie de freination : la défocalisation myopique périphérique

Les verres correcteurs défocalisants, l’orthokératologie, les lentilles diurnes souples ou rigides défocalisantes partagent ce même principe d’action (figures 2 et 3).
La géométrie inversée des lentilles d’orthokératologie ou la puissance convexe en moyenne périphérie des lentilles ou des verres correcteurs induisent un défocus myopique en moyenne périphérie de la rétine. Ce dernier agit comme un signal freinateur de l’élongation du globe oculaire.

Lunettes

Les verres Stellest d’Essilor (technologie HALT [Highly Aspherical Lenslet Target] ou les verres MiyoSmart d’Hoya (technologie DIMS [Defocus Incorporated Multiples Segments]) sont des verres défocalisants avec une zone optique de correction myopique au centre, et une zone défocalisante (11 anneaux concentriques de correction convexes pour les verres Stellest et des segments de défocalisation en moyenne périphérie de +3,50 D pour les verres MiyoSmart) en périphérie.
Un essai clinique a montré, après 2 ans de port des verres Stellest, un ralentissement de la progression myopique de 0,80 D et de 0,35 mm de longueur axiale par rapport à des verres unifocaux.
Cette solution peut être une très bonne alternative aux lentilles quand l’enfant est trop jeune, lors d’un échec de manipulation des lentilles ou d’un manque de motivation ou de rigueur dans le port des lentilles. Elle peut également représenter une solution de choix en complément par exemple du port de lentilles souples jetables journalières défocalisantes.

Lentilles diurnes souples ou rigides

Lentilles souples défocalisantes
Elles utilisent aussi le principe de défocus myopique. Le renouvellement jetable journalier est à privilégier pour les enfants. Cela simplifie la manipulation des lentilles, aucun entretien n’est nécessaire. Cela limite ainsi de façon notable le risque infectieux. Elles doivent être portées 10 heures par jour et 6 jours par semaine.
Les lentilles MiSight, de Coopervision, corrigent des amétropies de -0,50 à -6,00 D. Leur design comprend 4 zones distinctes : 2 de traitement myopique et 2 de défocalisation hypermétropique.
En 2019, Chamberlain et al. ont mis en évidence une freination myopique de 59% sur l’équivalent sphérique et de 52% sur la longueur axiale après 3 ans de port [1].
Si l’amétropie est plus importante, le port de lentilles souples mensuelles Mylo, de MarkEnnovy, peut être envisagé. Elles corrigent en effet des myopies allant jusqu’à -15,00 D. Ce sont des lentilles multifocales à vision de loin centrale qui agissent en augmentant la profondeur de champ.

Lentilles rigides défocalisantes
La lentille rigide PRE Amyopic, de Precilens, corrige des myopies allant jusqu’à -20,00 D et des astigmatismes de -8,00 D avec tore interne, et de -4,00 D avec tore externe. Le défocus périphérique est modulable, avec 2 puissances possibles.

Orthokératologie

Le port d’une lentille rigide nocturne induit un remodelage cornéen permettant une vision nette sans aucune correction optique dans la journée (figure 4).
Le principe de freination est celui du défocus myopique périphérique. La méta-analyse de Van der Veen et al. retrouve une freination de 50% en 2 ans de l’augmentation de la longueur axiale par rapport au groupe témoin [2].
Cette technique permet de corriger des amétropies allant jusqu’à -8,00 D et des astigmatismes jusqu’à 3,00 D. L’adaptation nécessite l’utilisation d’un topographe cornéen et un suivi régulier. Le renouvellement des lentilles est annuel.

L’avantage de l’orthokératologie est la qualité de vie offerte aux porteurs. Les enfants sont libres de toute correction optique dans la journée, à l’école ou pour la pratique d’activités sportives et surtout aquatiques. Les lentilles restent à la maison et la manipulation est ainsi encadrée par les parents.

Atropine

L’atropine est un antagoniste muscarinique non spécifique. Même si son mécanisme d’action n’est pas entièrement élucidé, elle semblerait agir de 3 manières :
- en provoquant une mydriase, elle augmenterait la quantité de lumière captée par la rétine ;
- en diminuant l’accommodation ;
- en inhibant les récepteurs muscariniques scléraux, rétiniens et choroïdiens.
L’étude ATOM 1 [3] portant sur 400 enfants a montré une freination myopique de 0,92 D en 2 ans chez des enfants instillant de l’atropine 1% vs un groupe placebo. La LAMP Study [4] a montré que l’atropine diluée à 0,05% semblait être la plus efficace en termes de freination d’équivalent sphérique et de longueur axiale.
L’atropine diluée 0,05% est actuellement utilisée à la posologie de 1 goutte par jour dans chaque œil et est délivrée en pharmacie hospitalière.

Conclusion

L’arsenal thérapeutique optique et pharmacologique s’agrandit et nous pouvons maintenant adapter au mieux notre solution freinatrice au jeune myope. Actuellement, il n’existe pas de consensus sur la hiérarchisation des techniques. Notre choix est guidé :
- par l’amétropie (importance de la myopie, astigmatisme associé) ;
- par la maturité et la motivation à porter des lentilles (port parfois anxiogène) ;
- par le profil évolutif (association de plusieurs techniques freinatrices (atropine et orthokératologie, lentilles jetables journalières défocalisantes en alternance avec verres défocalisants).
Les techniques peuvent être utilisées seules ou en association. La durée de ces traitements doit correspondre à la durée d’évolution myopique potentielle, l’enjeu étant de ne pas arrêter trop précocement pour éviter l’apparition d’un effet rebond.
L’enfant myope sera revu tous les 6 mois afin d’ajuster au mieux la technique freinatrice à sa myopie, son mode de vie, sa motivation.

Références bibliographiques
[1] Chamberlain P, Peixoto-de-Matos SC, Logan NS et al. A 3-year randomized clinical trial of Misight® lenses for myopia control. Optom Vis Sci. 2019;96(8):556-67.
[2] Van der Veen DK, Kraker RT, Pineles SL et al. Use of orthokeratology for the prevention of myopic progression in children: A report by the American Academy of Ophthalmology. Ophthalmology. 2019; 126(4):623-36.
[3] Chua WH, Balakrishnan V, Chan YH et al. Atropine for the treatment of childhood myopia. Ophthalmology. 2006;113(12):2285-91.
[4] Yam JC, Jiang Y, Tang SM et al. Low-concentration Atropine for Myopia Progression (LAMP) Study: A randomized, double-blinded, placebo-controlled trial of 0.05%, 0.025%, and 0.01% atropine eye drops in myopia control. Ophthalmology. 2019;126(1):113-24.

Pour en savoir plus
Bao J, Huang Y, Yang A et al. Myopia control with spectacles lenses with aspherical lenslets. Invest. Ophtha Vis Sci. 2021;62(8):2888.
Jinhai Huang, Wen D, Wang Q et al. Efficacy comparison of 16 interventions for myopia control in children. Ophthalmology. 2016;123(4): 697-708.

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