Mon patient devient presbyte : 10 astuces pour l’équiper facilement en lentilles 

Mme B., 53 ans, va bientôt assister à une cérémonie importante. Elle souhaite être équipée en lentilles pour pouvoir reconnaître les invités de loin, vérifier le plan de table, lire son discours et signer le chèque du fleuriste.

Voici la correction des lunettes portées, avec lesquelles elle dit « bien voir » :
OD = +3,25(-0,25)175°Addition +2,50
OG = +2,75(-0,50)15° Addition +2,50

1er truc : toujours effectuer une réfraction du jour
Réfraction du jour :
OD = +3,50(-0,50)165°Addition +2,25
OG = +3,25(-0,75)10° Addition +2,25

2e truc : toujours réaliser une réfraction esprit lentilles
= saturer en convexe en binoculaire puis réaliser un équivalent sphérique si possible (cylindre inférieur ou égal à 0,75 D).
OD = +3,75(-0,50)165° → +3,50
OG = +3,50(-0,75)10° → +3,25

3e truc : s’assurer que l’accommodation est la même pour les 2 yeux (avant 55 ans)

Il s’agit du test polarisé duochrome rouge-vert, qui va entraîner une dissociation sensorielle (les images rétiniennes des yeux droit et gauche seront différentes). Il permet de s’assurer de l’équilibre bioculaire et de l’équilibre accommodatif des 2 yeux. On veut s’assurer de l’équilibre bioculaire (même netteté et même accommodation pour les 2 yeux) parce que c’est une condition nécessaire pour la fusion et l’équilibre binoculaire stable. 

En effet, lors des tests visuels monoculaires classiques, la durée d’examen et l’état accommodatif final diffèrent souvent pour les 2 yeux, ce qui compromet la stabilité visuelle en lentilles multifocales.

En maximum convexe, on demande à la patiente si les 2 carrés du haut (perçus par l’œil droit) sont perçus avec la même netteté ou si une couleur ressort en plus net. Si plus net sur fond rouge, ajouter des sphères concaves jusqu’à égalité des 2 couleurs. Puis idem pour les carrés du bas (œil gauche).
Attention, ce test est fiable jusqu’à l’âge de 55 ans environ. Selon Millodot, au-delà, l’aberration chromatique des yeux diminue fortement à cause du trouble fréquent des milieux à cet âge, ce qui rend le test moins exploitable*.
Ici : OD passe à +3,75(-0,75)165°. On garde l’équivalent sphérique à +3,50 (on passera éventuellement à +3,25 si flou de loin en lentilles).

4e truc : vérifier ensuite la qualité de la vision binoculaire

Ici, la patiente a une vision binoculaire normale.                                      

5e truc : déterminer l’addition minimale
À partir de la réfraction de loin en maximum convexe, déterminer l’addition minimale en binoculaire pour laquelle le patient déchiffre P2 (laborieusement, d’accord), puis ajouter 1 D pour obtenir l’addition lentilles.
Addition minimale ici : +1,00. Donc addition lentilles : +2,00

6e truc : toujours déterminer l’œil dominant sensoriel
= test du flou réfractif : placer une sphère +0,75 devant chaque œil, en vision binoculaire. L’œil le plus gêné est l’œil dominant sensoriel. Pas de correspondance systématique avec la main dominante.
Ici : c’est l’œil droit.

7e truc : faire réaliser les 6 trucs précédents par l’orthoptiste du cabinet (quand travail avec délégation)
Cela implique de consacrer un petit temps de formation, mais une fois que cela est acquis, vous aurez réalisé un réel investissement en termes de gain de temps.

8e truc : proposer des lentilles multifocales toriques si le cylindre est supérieur ou égal à 0,75 D
Seulement si dégradation de l’acuité visuelle binoculaire en lunettes lorsqu’on passe en équivalent sphérique. Suivre les règles d’adaptation des laboratoires proposant ce système (cf Contaguide par exemple).

9e truc : choix de l’addition en lentilles en fonction de l’amétropie
Si le patient présente une addition limite entre 2 options (par exemple : addition +1,75 qui peut donner lieu à une addition Low si l’on suit la règle du laboratoire, sachant qu’à +2,00 on serait sur du High) :
- si patient hypermétrope : privilégier l’addition la plus faible (donc LOW pour l’exemple) ;
- si patient myope : privilégier l’addition la plus forte (donc High pour l’exemple), car exigence ++ des patients myopes en vision de près.
Ici, la patiente bénéficiera d’un équipement en lentilles High pour les laboratoires ne proposant que 2 additions, ou d’une addition Medium OD / High OG pour les laboratoires avec 3 profils d’addition (exception pour Myday multifocale : Low OD / High OG) ou d’une addition +2,00 D OD/+2,00 N OG pour les laboratoires à géométrie asymétrique.

10e truc : adapter le choix de la géométrie en fonction de l’avancement de la presbytie
- Jeunes presbytes : privilégier des visions de loin centrales (Coopervision, Mark Ennovy) ou des monovisions (simple = 2 lentilles monofocales dont une bascule sur l’œil non dominant ; aménagée = 1 lentille monofocale sur l’œil dominant et une lentille multifocale sur l’autre œil).
- Presbytie moyenne : géométries asymétriques (un œil en vision de loin centrale, l’autre en vision de près centrale), modified monovision (2 lentilles multifocales à faible addition, avec une surcorrection convexe de loin sur l’œil non dominant).
- Presbytie avancée : géométries symétriques de type vision de près centrale, en suivant la règle du laboratoire choisi.

Bonus de truc : ne pas promettre la lune au patient. S’il la voit, c’est déjà bien. S’il l’atteint, vous gagnez sa reconnaissance provisoire (jusqu’au prochain changement de réfraction)
En effet, la vision en lentilles est classiquement une histoire de compromis, de moins en moins grâce aux innovations récentes, mais mieux vaut un patient agréablement surpris plutôt qu’un patient déçu. Bien cibler les attentes, les priorités visuelles, et baser la consultation de contrôle des lentilles sur ces priorités (ne pas chercher à faire lire P2 à un patient qui arrive à lire ses SMS sans problème).
Enfin, ne pas hésiter à proposer 2 marques différentes (correspondant à ses besoins) et revoir le patient avec les lentilles préférées sur les yeux.

MmeB. est satisfaite de votre adaptation, elle a opté pour des lentilles à renouvellement, complétées par des lentilles journalières à usage unique pour ses déplacements. En effet, au-delà de l'occasion qui motive leur primo-adaptation, les patients satisfaits répondent généralement à l'adage : « Essayer les lentilles, c'est les adopter ».

* Source MVISI-F : Le Nouveau Dictionnaire de la vision, par Michel Millodot, Médiacom Vision Éditeur, 1997.

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