Matériau et propriétés : que savoir pour adapter nos patients ?
Les lentilles de contact étant portées quotidiennement, quasiment 360 jours par an, soit en moyenne entre 100 000 et 130 000 heures par an, il est évident que leur qualité est primordiale pour la santé oculaire des patients. Afin de préserver au maximum la cornée des patients tout en optimisant le contrôle de la vue et notamment l’évolution de la myopie chez les plus jeunes d’entre eux, il convient de bien étudier chaque type de lentille, et notamment de prêter une attention soutenue au matériau, à la géométrie et à la durée des lentilles. Tous ces critères sont importants pour prescrire aux patients des lentilles sur mesure et contrôler leur réalisation.
Matériau et oxygénation
Depuis le début de ce millénaire, seuls 2 types de matériaux sont utilisés : l’hydrogel (en général les derniers hydrogels avec un flux de passage d’O2 important) et le silicone-hydrogel. Ces choix sont devenus évidents grâce à l’amélioration du DK/e des lentilles (c’est-à-dire la transmissibilité à l’O2).
L’hydrogel offre des DK/e de 20 à 28 (Omafilcon A + phosphorylcholine), celui-ci étant d’autant plus élevé que la lentille contient de l’eau et que son épaisseur est moindre. Le silicone hydrogel (SIHY) offre des DK/e nettement plus intéressants, allant de 56 à 163 (Samfilcon A). La teneur en eau de la lentille limite au contraire le DK/e (c’est le cas des dernières générations de silicone hydrogel) (figure 1).
L’amélioration du DK/e a permis de limiter l’hypoxie des différentes couches de la cornée : œdème de l’épithélium, œdème du stroma, et modification de l’endothélium comme le pléïomorphisme ou le polymégatisme (figure 2).
Il est intéressant de savoir que pour un port prolongé (supérieur à 12 heures par jour), il est conseillé d’utiliser un DK/e supérieur à 60 et, par conséquent, un silicone hydrogel.
Autres facteurs
Mais l’oxygénation n’est pas l’unique facteur à prendre en compte dans le choix d’une lentille de contact. En effet, une bonne géométrie de la lentille, avec une qualité des bords, une bonne qualité de surface avec ou sans traitement, un bon modulus (ou coefficient d’élasticité), une bonne résistance aux dépôts, un moindre coefficient de friction (ou douceur de la lentille) sont nécessaires.
Modulus
Les lentilles en hydrogel ont des modules d’élasticité plus faibles, ce qui rend les lentilles plus confortables, surtout en début de journée, mais moins facile à manipuler.
Les premières générations de lentilles SIHY, avec des modulus proches de 1, étaient inconfortables et pouvaient entraîner des complications mécaniques comme des SEAL ou des Mucin Balls.
Les nouvelles générations de lentilles SIHY ont des modulus plus faibles (de 0,5 à 0,7), ce qui a limité les complications mécaniques et rendu les lentilles très confortables tout au long de la journée tout en gardant une facilité de manipulation.
Résistance aux dépôts
Les lentilles en hydrogel sont susceptibles d’attirer les dépôts protéiques. Il faudra donc envisager un entretien avec déprotéinisation. Les lentilles en SIHY attirent plus volontiers les lipides, il faudra donc préconiser au patient un massage de la lentille quotidien.
Coefficient de friction
Plus le coefficient de friction est bas, plus la lentille est confortable. En moyenne, un adulte cligne 30 000 fois par jour, ce qui représente comme distance parcourue à peu près un marathon par an. Si la lentille est rugueuse (coefficient de friction élevé), on pourra observer un lid wiper (kératinisation de de la jonction cuténao-muqueuse de la paupière supérieure. Les lentilles de dernières générations ont des coefficients de friction moindres qui rendent les lentilles plus confortables.
Mouillabilté
La mouillabilité d’une lentille est aussi très importante car elle permettra au film lacrymal de s’étaler sur la lentille et garantira une bonne acuité visuelle tout en limitant le dessèchement de la lentille.
Conclusion
La prescription de lentilles, même si elle est relativement simple à réaliser, nécessite une bonne connaissance des propriétés des lentilles afin de correspondre au maximum à la problématique du patient. Cette prescription ne doit pas être modifiée dans un but mercantile car elle est le résultat de l’étude du cas particulier que représente chaque patient.
Pour en savoir plus
Liesegang TJ. Physiologic changes of the cornea with contact lens wear. CLAO J. 2002;28:12-27.
Stapleton F, Stretton S, Papas E et al. Silicone hydrogel contact lenses and the ocular surface. Ocul Surf. 2006;4(1):24-43.
Mann A, Tighe B. Contact lens interactions with the tear film. Exp Eye Res. 2013;117:88-98.