Macula bombée : physiologie et prise en charge

La macula bombée (MB) a été initialement décrite en 2008 comme un bombement maculaire au sein de la concavité d’un staphylome myopique (figure 1) [1]. Bien qu’elle soit essentiellement décrite chez des patients myopes, on sait qu’elle peut être présente chez des sujets emmétropes, voire hypermétropes [2]. Son origine reste actuellement méconnue.

Un creusement périphérique plutôt qu’un bombement ?

Il est admis que la hauteur du bombement maculaire des yeux atteints d’une MB augmente au cours du temps. Nous devons cette observation aux mesures de suivi réalisées par tomographie en cohérence optique (OCT). Aujourd’hui, 2 théories coexistent à propos de ce phénomène :
- la présence d’anomalies de la membrane de Bruch entraînerait une relaxation de la sclère et la progression du bombement de la région maculaire vers l’intérieur du globe [3]. Ces anomalies ont été décrites sur des yeux particulièrement longs (longueur axiale moyenne supérieure à 30 mm). Il est possible que ces derniers présentent une architecture sclérale particulière, propice au développement de ces anomalies ;
- la seconde théorie repose sur la mise en jeu d’une expansion du globe dans la région périmaculaire alors que l’aire maculaire, elle, resterait indemne. C’est cette évolution différentielle qui induirait la progression du bombement central [2]. La diminution progressive de l’épaisseur choroïdienne et sclérale au niveau de l’aire périmaculaire, décrite chez des patients présentant une MB, est en faveur de cette seconde théorie. Elle amène à penser que l’on observe, en fait, un creusement périphérique du globe oculaire plutôt qu’un bombement maculaire vers l’intérieur du globe. Une étude récente a montré que la longueur axiale des yeux qui présentent une MB augmente au cours du temps [2], que cette augmentation est corrélée à l’évolution du bombement maculaire, et que l’allongement du globe est plus important que l’augmentation du bombement maculaire.

En somme, l’allongement est plus accentué en région périmaculaire qu’au niveau de la macula (figure 2). Ce phénomène est peut-être secondaire à une évolution du staphylome postérieur chez les patients myopes. Si, dans la myopie, la modification de la sclère est connue, on comprend moins bien, comment chez l’emmétrope et l’hypermétrope, survient la MB. Il pourrait s’agir d’un remodelage scléral en dehors du pôle postérieur.

Maculas bombées de petite taille : plusieurs entités qui coexistent ?

Plusieurs formes de MB ont été décrites depuis 2008. On sait que le bombement maculaire peut être ovalaire avec une orientation verticale ou horizontale, ou bien sphérique, formant un dôme. En 2020, Xu et al. ont décrit une MB en forme de crête, ou « ridge-shaped macula » (RSM), chez des patients jeunes (âge moyen inférieur à 20 ans) atteints d’une myopie forte [4]. Les RSM présentent un bombement de petite taille (124 µm en moyenne), le plus souvent horizontal (dans 83,2% des cas), et sont de bon pronostic. Elles sont associées à un faible taux de complications maculaires et à une conservation de l’acuité visuelle. La même année, une seconde étude a décrit des MB horizontales de petite taille (146 µm de hauteur en moyenne) chez des enfants et des adolescents myopes d’âge moyen inférieur à 19 ans [5].
Les MB de petite taille ne sont pas exclusives aux enfants puisqu’elles ont été décrites en 2021 dans une cohorte d’adultes (âge moyen de 66 ans) sous le nom de mini-MB, ou « mini dome-shaped macula » (mini-DSM) [2]. Les mini-MB sont caractérisées par une hauteur de bombement inférieure à 100 µm et peuvent être horizontales, verticales ou en forme de dôme (figure 3). Puisqu’elles sont observées chez l’adulte, il semble peu probable que ces formes de MB représentent un stade précoce de la MB « classique » telle que décrite en 2008 par Gaucher et al. [1]. En fait, il s’agit d’une forme de MB peu évolutive, peu symptomatique et de bon pronostic : l’acuité visuelle est préservée et le taux de complications maculaires est inférieur à celui des MB classiques [2]. Les mini-MB sont associées à une erreur réfractive plus faible que les MB classiques et sont plus souvent observées chez les emmétropes et les hypermétropes. Puisqu’elles apparaissent sur des terrains non identifiés comme à risque, qu’elles ne provoquent que rarement des symptômes fonctionnels et n’évoluent probablement jamais au stade de MB classiques, les mini-MB sont vraisemblablement sous-diagnostiquées et mal décrites dans la littérature [2].

Quelle prise en charge ?

Un décollement séreux rétinien (DSR) survient chez 50% des patients atteints d’une MB. Différentes options thérapeutiques pour la prise en charge du DSR ont été testées, comme les injections intravitréennes d’anti-VEGF (bevacizumab, ranibizumab), la photothérapie dynamique, les injections intravitréennes de dexaméthasone, le laser maculaire et les médicaments antagonistes de l’aldostérone (aldactone et spironolactone). Tous ces traitements, en dehors de la spironolactone et du laser maculaire, n’ont pas révélé d’efficacité thérapeutique. La réduction de la taille du DSR après un traitement par spironolactone reste inconstante et n’a été observée que sur quelques cas. Le laser maculaire sous-dosé (MicroPulse) a montré, sur une cohorte de 12 patients, un bénéfice visuel à 1 an sans réduction du DSR [6].
Cependant, l’utilité du traitement du DSR dans la MB est incertaine et discutée. En effet, il a été prouvé que l’acuité visuelle ne chute pas en présence d’un DSR après une année de suivi [7] et que chez la moitié des patients présentant un DSR, celui-ci disparaît spontanément. Le DSR est néanmoins associé à une atrophie de l’épithélium pigmentaire qui est responsable d’une baisse de vision dans la MB (figure 1). Les effets au long cours d’un DSR chronique sur l’atrophie et sur la vision restent inconnus à ce jour et il n’est pas impossible qu’il n’ait pas d’effet délétère sur la vision au bout de plusieurs années. En l’absence de thérapeutique efficace, une surveillance tous les 6 mois à 1 an est pour l’instant la seule attitude à recommander.
Traiter le DSR n’est certainement pas la solution dans la MB et, comme pour d’autres nombreuses complications de la myopie dégénérative, il faudra découvrir les raisons de la modulation sclérale pour espérer limiter la déformation du pôle postérieur et les complications associées. Les études menées actuellement avec l’atropine et d’autres méthodes de freination de la myopie chez les enfants nous permettront peut-être de répondre au moins partiellement à cette problématique.

Références bibliographiques
[1] Gaucher D, Erginay A, Lecleire-Collet A et al. Dome-shaped macula in eyes with myopic posterior staphyloma. Am J Ophthalmol. 2008;145(5)(5):909-14.
[2] Dormegny L, Liu X, Philippakis E et al. Evolution of dome-shaped macula is due to differential elongation of the eye predominant in the peri-dome region. Am J Ophthalmol. 2021;224:18-29.
[3] Fang Y, Jonas JB, Yokoi T et al. Macular Bruch’s membrane defect and dome-shaped macula in high myopia. PLoS One. 2017;12(6): e0178998.
[4] Xu X, Fang Y, Jonas JB et al. Ridge-shaped macula in young myopic patients and its differentiation from typical dome-shaped macula in elderly myopic patients. Retina. 2020;40(2):225-32.
[5] Shin E, Park KA, Oh SY. Dome-shaped macula in children and adolescents. PLoS One. 2020;15(1):e0227292.
[6] Battaglia Parodi M, Iacono P, Bandello F. Subthreshold laser treatment for serous retinal detachment in dome-shaped macula associated with pathologic myopia. Retina. 2018;38(2):359-63.
[7] Lorenzo D, Arias L, Choudhry N et al. Dome-shaped macula in myopic eyes: twelve-month follow-up. Retina. 2017;37(4):680-6.

Auteurs

  • Léa Dormegny

    Ophtalmologiste

    CHRU de Strasbourg

  • David Gaucher

    Ophtalmologiste

    Service d'ophtalmologie du Nouvel hôpital civil, CHU, Strasbourg

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