L’intelligence artificielle en ophtalmologie

L’Institut de la vision a centré ses premiers travaux sur les pathologies des photorécepteurs et mis l’accent, pour la prochaine décennie, sur les pathologies des cellules ganglionnaires. Ce symposium, organisé par Optic 2ooo le 5 mai 2018, a permis de faire le point sur l’intelligence artificielle (notamment les travaux sur les rétines artificielles) et sur les innovations actuelles de l’Institut.

Rétine artificielle : de la modélisation à la prothèse rétinienne
D’après l’intervention de Serge Picaud (Paris)
L’intelligence artificielle (IA) est un ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence. Elle désigne, par extension de langage courant, les dispositifs imitant ou remplaçant l’homme dans certaines fonctions cognitives.
L’enjeu de l’Institut de la vision est de comprendre quel est le traitement des informations et comment nous percevons les objets afin de pouvoir les modéliser. Le but principal est de créer des dispositifs d’IA pour aider les patients qui souffrent d’une déficience visuelle.
L’enjeu actuel des implants rétiniens est d’améliorer la résolution de l’image. De nouveaux procédés sont en cours de développement, qui incluent une grille de masse associée à une électrode centrale. L’implant, composé de silicium, est glissé sous la rétine afin d’activer les neurones rétiniens et ainsi de permettre une percep­tion lumineuse aux patients. À la différence d’une caméra classique, qui enregistre l’information de façon constan­te, les nouvelles caméras intelligentes associées aux implants rétiniens sont dites « événementielles ». Elles enregistrent des intensités lumineuses et envoient des informations positives ou négatives de la scène visuelle.

Diagnostic et analyse d’image assistés par intelligence artificielle 
D’après l’intervention de Vincent Borderie (Paris)
L’IA correspond à des algorithmes informatiques qui effectuent des tâches comme le ferait notre propre cerveau. L’algorithme s’améliore grâce à une pha­se d’apprentissage au cours de laquelle il va s’automodifier. ­L’IA permet donc de transférer à l’ordinateur la capacité de conceptualisation de l’homme en l’associant aux capacités de mémoire de ­l’ordi­nateur.
Initialement, l’analyse d’image a été développée grâce à des algorithmes conventionnels qui utilisent une succession de fonctions mathématiques. L’effectif est faible, l’apprentissage est réalisé par l’homme et la fiabilité est donc inférieure à celle de l’homme.
Le deep learning, lui, utilise des réseaux neuronaux convolutionnels. Il présente plusieurs avantages : tout d’abord l’utilisation d’une base de données importante, dite Big Data, puis une phase d’apprentissage réalisée par une machine et donc une fiabilité et une performance finale supérieures à celle de l’homme.
Sa première application en ophtalmologie est l’analyse d’images par l’apprentissage profond supervisé. On utilise une série d’images qui sont classifiées par un collège d’experts, on réalise l’apprentissa­ge de la machine puis on valide cet algo­rithme sur une deuxième série d’ima­ges classifiées. Si cela fonctionne, on pourra l’utiliser en clinique.
Il a d’abord été utilisé dans la rétinopathie diabétique ; l’objectif était de dépister des rétinopathies diabétiques à référer sur des photos en couleurs du fond de l’œil et ainsi de poser des diagnostics de rétinopathies proliférantes ou non, et de maculopathies diabétiques œdémateuses ou non. Les sets d’images pour entraîner la machine sont de l’ordre de 100 000 images, les bases pour les valider sont des bases d’images publi­ques diagnostiquées par des experts et les taux de sensibilité et de spécificité avoisinent les 90% ; ce qui est supérieur à ce que peut faire l’homme individuel­lement.
Une deuxième utilisation concerne le diagnostic de la DMLA. On a recours à des photos du fond de l’œil ou des coupes OCT de la macula afin d’établir une classifica­tion binaire : DMLA versus pas de DMLA, ou DMLA à référer versus pas de DMLA avec un objectif quantitatif de segmentation des images.
Une étude récente apporte un diagnostic plus élaboré, car elle ne rapporte pas une classification binaire mais une classification complète de la DMLA avec 12 stades AREDS et un treizième stade : l’image ininterprétable. Et une autre étude exploite le deep learning dans la segmentation du fluide intra- et sous-rétinien, permettant une quantification des œdèmes et corrélée à ce que peut faire l’homme pour délimiter les œdèmes intra- et sous-rétiniens. C’est une aide à la décision thérapeutique dans le traitement de la DMLA.
Troisième utilisation dans le diagnostic de glaucome : une étude utilise le deep learning dans le dépistage de masse. Elle utilise des images du fond de l’œil pour le diagnostic binaire : glaucome à référer versus pas de glaucome. Les auteurs se basent sur des bases de 30 000 images pour la phase d’apprentissage et de 8 000 images pour celle de validation. Le taux de sensibilité est de 95%, la spécificité, de 90%, l’aire sous la courbe ROC, de 0,99. Ces valeurs très élevées dépassent les possibilités offertes à l’homme.
Il est important d’avoir des données d’entrée de bonne qualité, des variables pertinentes, des images de bonne qualité sans artefact, une interprétation exacte, une population représentative de la population générale… Ces programmes vont modifier de manière profonde notre pratique en ophtalmologie, car leur exactitude est supérieure à ce que peut faire l’homme, et donc utilisable en routine. C’est de ce fait une véritable aide au diagnostic humain (notamment en télémédecine) et à la décision thérapeutique, et cela représente une évolution vers une médecine personnalisée telle qu’elle existe déjà en cancérologie.
Le génotypage des tumeurs est analysé par des logiciels d’IA qui vont déterminer le meilleur traitement pour chaque patient. C’est donc un futur proche en ophtalmologie.

Impact de l’intelligence artificielle en ophtalmologie
D’après la communication de Carlos Ciller
RetinAI Medical est une société suisse qui soutient les professionnels de la vue et les patients tout au long du processus d’examen médical en utilisant l’IA. La vision de RetinAI est de favoriser la transition de la médecine réactive à la médecine préventive pour les maladies à fort impact, telles que la DMLA, la rétinopathie diabétique et le glaucome.
Les solutions s’appuient sur les dernières avancées en matière d’analyse d’images médicales, d’ophtalmologie et d’apprentissage automatique. Une équipe unique de scientifiques travaille sur la création d’algorithmes d'IA et l’intégration de cette technologie dans la prochai­ne génération de dispositifs médicaux. S’il est un domaine où l’IA a récemment fait ses preuves, c’est bien dans la reconnaissance d’images pour l’aide au diagnostic.
RetinAI a compris l’importance du dépistage en médecine ainsi que le problème de l’accès aux dispositifs médicaux dans les pays en voie de développement et dans les pays sous-développés. Sa technologie est particulièrement intéressante parce qu’elle simplifie et démocratise le diagnostic ophtalmique. Le logiciel d’analyse d’image du fond de l’œil et d’OCT apporte une aide au diagnostic précoce et une surveillance étroite qui permet de prévenir les complications ainsi que de réaliser des rapports médicaux automatiques.
Avec les outils de RetinAI, les spécialistes effectuent les premières analyses sur la base d’une image prise par des dispositifs médicaux ou par des smartphones. Les photos du fond de l’œil sont ensuite transmises aux ophtalmologistes. Des fabricants d’équipements médicaux et des hôpitaux se sont déjà portés acquéreurs de cette technologie, permettant à RetinAi de devenir un précurseur dans le développement des dispositifs médicaux de haute gamme à faible coût.

Un exemple d’innovation actuelle : Smart connected eyewear
D’après la communication de Andrea Castagnetti
Ellcie Healthy a mis au point des lunettes connectées intelligentes qui ­permettent de lutter contre l’endormissement au volant.
L’idée consiste à intégrer un certain nombre de capteurs dans la monture, à envoyer les informations récupérées (physiques, physiologiques ou environnementales) sur un smartphone ou un relais (gateway), permettant à des algorithmes d’IA de traiter puis de délivrer ces informations et/ou des prédictions relatives à la santé et/ou à la sécurité des porteurs à ces derniers, à leurs ayants droit, aux accompagnants, aux médecins traitants et au corps médical en général si nécessaire. Cela en utilisant cet accessoire totalement adopté par le grand public : les montures de lunettes.
On étudie la corrélation entre des paramètres tels que la fréquence du clignement ou la durée de fermeture de l’œil et la fatigue. Le principe se base sur la mesure de ­l’oculo­motricité grâce à un émetteur et un détecteur infrarouge. Les mouvements oculaires et les clignements sont enregistrés et le niveau de risque est analysé. Si celui-ci est élevé, la lunette envoie une alerte via le smartphone.
Ces montures connectées intelligen­tes sont dotées d’un système d’IA basé sur des algorithmes d’optimisation. Au fur et à mesure de la récupération des données par l’algorithme, un système d’apprentissage s’opère pour affiner les informations collectées et garantir des résultats au plus proche de la réalité. Au fil des jours, quand vous portez les montures Ellcie Healthy, les algorithmes apprennent des comportements et affinent la précision de leurs diagnostics. Dès que votre smartphone est connecté au réseau, les algorithmes se synchronisent avec le Cloud et s’enrichissent automatiquement de toutes les données ­collectées. Le Cloud est un espace de stockage dématérialisé et infini qui permet d’accroître l’intelligence des lunettes connectées Ellcie Healthy tout en vous offrant toujours plus de précision et une variété croissante de services à travers l’utilisation des montures.

Auteurs

Les derniers articles sur ce thème

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'inscris

Identifiez-vous