L’implant de trop : à propos des complications et de l’insatisfaction chez un patient pseudophaque

M. D., âgé de 60 ans, se présente en consultation en 2021 pour une mauvaise vision de l’œil gauche. Dans ses antécédents on retrouve un glaucome à angle ouvert ainsi qu’une forte myopie, et 2 chirurgies de la cataracte avec pose d’un implant.

Le glaucome à angle ouvert avait été traité par collyre et la forte myopie asymétrique (longueur axiale : 29,46 mm OD / 26,47 mm OG), compensée par un Lasik bilatéral réalisé en 2000 avec une bonne évolution postopératoire immédiate. La première chirurgie de la cataracte, qui a eu lieu en 2014, avec pose d’un implant dans le sac (+7,00 D) à l’œil droit, a eu des suites opératoires .simples. En revanche, celle de l’œil gauche, intervenue avec pose d’un implant dans le sac de +16,50 D, n’a pas permis d’éviter une forte amétropie résiduelle. Cet œil a ensuite subi une implantation additionnelle secondaire dans le sulcus, avec un implant à géométrie en navette (+4,50 D). Les suites opératoires ont été marquées par une grande insatisfaction et ont conduit à un échange de l’implant dans le sulcus (+6,00 D) 1 mois plus tard avec, initialement, un bon résultat fonctionnel.

Observation

Le patient consulte au CHU de Bordeaux dans ce contexte 6 ans plus tard pour une baisse progressive de la vision de l’œil gauche. L’examen retrouve une acuité visuelle à 6/10 Parinaud 3, une pression intraoculaire normale, une cornée claire avec astigmatisme cornéen irrégulier (figure 1). L’examen du plan rétro-irien retrouve les 2 implants (figure 2) : l’un dans le sulcus, légèrement tilté et décentré ; l’autre dans le sac, bien positionné mais opacifié en surface, présentant un blanchiment dans l’aire pupillaire (figure 3). Le comptage endothélial est symétriquement diminué à environ 1 500 cellules aux 2 yeux. La surface oculaire est normale. L’UBM confirme la position des implants et observe une zonule endommagée.

Ainsi, la gêne du patient semble plurifactorielle, en lien avec l’irrégularité cornéenne liée au Lasik pour très forte myopie, la position décentrée de l’implant du .sulcus et l’opacification de l’implant de sac.
Devant cette gêne fonctionnelle importante, une prise en charge chirurgicale est proposée, associant l’extraction des 2 implants par incision sclérale supérieure, vitrectomie antérieure et mise en place d’un implant clippé à la face postérieure de l’iris, type Verisize. Les suites opératoires ont été satisfaisantes avec, à 1 mois, une acuité visuelle à 8/10 Parinaud 2 avec correction (+2,25 (-2,50) 40° Add +2,75) et une stabilité du comptage endothélial avec bonne transparence cornéenne.

Discussion
Ce patient a bénéficié initialement d’une erreur de .calcul d’implant qui peut s’expliquer par la difficulté de prédictibilité du calcul d’implant en post-Lasik, en pa.rticulier liée à l’imprédictibilité de la position effective de .l’implant. Secondairement, l’implant de sac en navette, posé secondairement dans le sulcus, n’était pas adapté à cette localisation, ce qui peut expliquer son décentrement progressif et probablement ses contacts répétés avec l’implant de sac et la zonule. Dans ces indications, il faut privilégier les implants spécifiquement conçus pour se stabiliser dans le sulcus (type Add on ou Sulcoflex) afin de prévenir les déplacements secondaires, et ne pas hésiter à vérifier l’état zonulaire avant la chirurgie (UBM). Les calculateurs de ces implants sont fondés sur la réfraction subjective qui est parfois peu précise s’il existe de fortes aberrations optiques imprimées par les lasers sur ces cornées remaniées. En cas d’erreur significative objectivée dans les premiers mois postopératoires, et en l’absence de lésion du plan zonulaire et du sac, il peut être préférable de tenter une explantation pour réimplanter dans le sac. Ici, le recours à la retouche laser n’était pas envisageable, la perte endothéliale aurait pu devenir un problème après les 4 interventions subies. Enfin, l’opacification secondaire de l’implant de sac peut s’expliquer en partie par le contact et les .frottements itératifs, ainsi que par l’instillation chronique d’un collyre antiglaucomateux, qui sont reconnus pour engendrer cet effet indésirable.     

Pour en savoir plus
Savini G, Hoffer KJ. Intraocular lens power calculation in eyes with previous corneal refractive surgery. Eye Vis (Lond). 2018;5:18.
Venter JA, Oberholster A, Schallhorn SC, Pelouskova M. Piggyback intraocular lens implantation to correct pseudophakic refractive error after segmental multifocal intraocular lens implantation. J Refract Surg. 2014;30(4):234-9.
Grzybowski A, Markeviciute A, Zemaitiene R. A narrative review of intraocular lens opacifications: update 2020. Ann Transl Med. 2020;8(22):1547.

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