Limiter l’adhésion bactérienne à la surface des lentilles de contact grâce à la MPC
L’enjeux en contactologie est de limiter les infections amibiennes, fungiques et bactériennes. L’incidence des kératites microbiennes sous lentilles est de 2 à 4 pour 10 000 porteurs d’après diverses sources [Stapleton et al. 2008, Lam et al. 2002]. Le nombre de porteurs dans le monde est de 150 millions. Les facteurs de risques sont l’adhérence des dépôts protéiques et des agents pathogènes ainsi qu’une mauvaise oxygénation cornéenne. Actuellement la meilleure solution est l’équipement en lentilles jetables journalières. Pourtant la lentille mensuelle est la lentille la plus portée. Existe-t-il une option possible en lentille mensuelle ?
Rappel sur la surface oculaire
La surface épithéliale de la cornée est intrinsèquement hydrophobe et de multiples facteurs contribuent au développement d’une surface hydrophile. L’épithélium cornéen comporte des microvillosités qui augmentent sa surface. Les cellules à gobelets de la conjonctive produisent du mucus qui migre à la surface épithéliale. Le mucus recouvre les microvillosités et constitue le glycocalyx. Une fois que la couche de mucus s’est dispersée en surface, la cornée devient hydrophile. Les mucines contribuent à la formation de la couche mucinique du film lacrymal et modulent également son étalement, lubrifiant ainsi la surface oculaire. La cornée est constamment exposée à des microbes opportunistes et potentiellement pathogènes dans l’environnement. Pourtant elle ne s’enflamme ou ne s’infecte que rarement, ce qui témoigne de la présence d’un système de protection très efficace. Les mécanismes qui contribuent à la défense contre les infections comprennent des peptides antimicrobiens associés à l’épithélium, l’activité antimicrobienne du film lacrymal, la fonction barrière de la membrane basale et les cellules antibactériennes présentent dans l’épithélium. Ces défenses peuvent être compromises par le port de lentilles de contact.
Les bactéries associées à la contamination des lentilles survivent souvent sous forme de biofilms sur les lentilles. Il est donc important de réduire ou de prévenir la formation de ces biofilms.
L’avenir en contactologie
Depuis de longues années la première application pour limiter les infections a été l’incorporation d’ions d’argent dans certains étuis. Actuellement différentes approches sont en cours. Une, paraît particulièrement intéressante, c’est la 2 méthacryloyloxyéthylphosphorylcholine (MPC). La MPC est une molécule biomimétique, hydrophile très importante car elle permet de limiter l’adhérence bactérienne en prévenant la formation de biofilms. La 2-méthacryloyloxyéthylphosphorylcholine est une molécule soluble dans l’eau qui contient un groupe méthacrylate hydrophobe et un groupe phosphorylcholine (PC) hydrophile (schéma).
De manière similaire aux mucines du glycocalyx ces molécules peuvent modifier les propriétés de surfaces intrinsèquement hydrophobes. Un groupe PC zwitterionique dans la chaine latérale du MPC est responsable de ses propriétés bio-inertes. Lorsqu’une couche de polymère MPC est formée en surface d’une lentille, elle est hydratée grâce à la présence de ces groupes PC, ce qui permet d’augmenter le pouvoir lubrifiant. Il est important de noter que la charge neutre du PC limite l’attraction des protéines chargées ou des autres dépôts.
Le polymère de MPC peut être utilisé pour construire une surface similaire à une membrane cellulaire. Le matériau n’est pas toxique et a déjà été utilisé dans une large gamme de dispositifs médicaux (biocapteurs, stents cardiovasculaires, pompes à sang implantables...)
Conclusion
La combinaison d’une lentille en silicone-hydrogel associée à des polymères de MPC, aux propriétés similaires à la surface de la cornée peut être une option intéressante pour les lentilles mensuelles. Ceci afin de permettre une meilleure protection contre les infections, une meilleure résistance aux dépôts, potentiellement irritants, et ce tout au long du mois de port, tout en étant compatible avec les solutions d’entretien.
Que retenir
• Enjeu de limiter le risque infectieux associé au port de lentilles
• Les polymères de MPC ont la capacité de répliquer les propriétés du glycocalyx de la surface oculaire
• L’adjonction en surface de polymères de MPC sur de nouveaux matériaux en lentilles mensuelles peut permettre une meilleure protection des porteurs contre les infections
Bibliographie
Stapleton F et al. The incidence of contact lens–related microbial keratitis in Australia. Ophthalmology. 2008;115(10): 1655-62.
Lam DSC et al. Incidence and risk factors for microbial keratitis in Hong Kong: comparison with Europe and North America. Eye. 2002;16(5):608-18.
Khan SA, Chun-Sing L. Recent progress and strategies to develop antimicrobial contact lenses and lens cases for different types of microbial keratitis. Acta Biomater. 2020.
Ishihara K et al. Antifouling Silicone Hydrogel Contact Lenses with a Bioinspired 2-Methacryloyloxyethyl Phosphorylcholine Polymer Surface. ACS omega. 2021;6(10):7058-67.