Les promesses de la thérapie optogénétique
C’est une première mondiale qu’une équipe internationale annonce avoir réalisé : restaurer partiellement la vision chez un patient aveugle atteint de rétinopathie pigmentaire à un stade avancé. L’équipe, associant l’Institut de la Vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS), l’hôpital d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, l’université de Pittsburgh, l’Institut d’ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle ainsi que les sociétés Streetlab et GenSight Biologics, a pour cela fait appel à l’optogénétique.
Les chercheurs ont donc d’abord inséré dans un vecteur adéno-associé le gène fonctionnel de la protéine channelrhodopsine sensible à la lumière, ChrimsonR. Particularité : celui-ci était fusionné à celui de la protéine flurescente tdTomato, dont le but était d’augmenter l’expression de ChrimsonR dans la membrane des cellules. L’ensemble a été injecté dans la rétine d’un patient souffrant de rétinite pigmentaire avancée grâce à une injection intra-oculaire, avec comme objectif de cibler principalement les cellules ganglionnaire de la fovéa. « Nous avons choisi ChrimsonR, qui a l’une des actions la plus dirigée vers le spectre rouge parmi les détecteurs optogénétiques disponibles, car la lumière ambrée est plus sûre que la lumière bleue et entraîne moins de rétractation de la pupille que la lumière bleue », détaillent les chercheurs dans leur article. Ensuite, les scientifiques ont mis au point des lunettes capables de capturer des images grâce à une caméra neuromorphique qui détecte les changements d’intensité lumineuse pixel par pixel, comme des événements distincts. Ces lunettes transforment ensuite ces événements en images monochromatiques et les projettent en temps réel vers la rétine sous forme d’impulsions lumineuses à 595 nm (le pic de sensibilité de la ChrimsonR-tdTomato est à environ 590 nm). Résultat : sept mois après l’injection, le patient équipé des lunettes, et qui jusqu’ici ne percevait même plus la présence de lumière, a réussi à localiser et toucher un grand cahier dans 92% des tests et une petite boîte d’agrafes dans 36% des tests. Il a également réussi 63% des essais visant à compter des gobelets sur une table. Enfin, lors d’un autre type de test, « l’activité cérébrale du patient a été mesurée avec un casque d’électrodes d’électroencéphalographie (EEG), expliquent les scientifiques dans un communiqué. Un gobelet était alternativement posé ou enlevé de la table ; le sujet devait appuyer sur un bouton indiquant s’il était présent ou absent. Les lectures d’EEG ont montré que les changements corrélés de l’activité au cours de ces tests étaient concentrés dans le cortex visuel. »
Partial recovery of visual function in a blind patient after optogenetic therapy. Sahel JA, Boulanger-Scemama E, Pagot C et al. Nat Med. 24th May 2021.
N. Le Jannic