Les lentilles souples sphériques.
Principes d’adaptation
Quel contrôle chez un patient porteur ?

Les lentilles souples sphériques représentent la majeure partie de nos prescriptions de lentilles. Leur adaptation ne doit pas être pour autant banalisée. Elle requiert de respecter quelques points importants et de procéder par ordre logique, de l’interrogatoire à la prescription définitive. Ce type d’adaptation ne nécessite pas d’instrumentation sophistiquée : un auto-réfracto-kératomètre et une lampe à fente suffisent.

Principes d’adaptation 

L’interrogatoire du patient est d’une grande importance, il va permettre de guider le choix de la première lentille afin de mener à bien et rapidement l’adaptation (tableau I).

L’examen clinique orienté
C’est l’examen classique de tout patient avec quelques points particuliers à noter.
La réfraction minutieuse en mono- et en binoculaire est réalisée sans sur- ni sous- correction.
La kératométrie en millimètres est notée, ainsi que le diamètre si celui-ci semble hors normes.
L’examen biomicroscopique permet de vérifier particulièrement toutes les structures en rapport avec les lentilles, les paupières, les conjonctives, les glandes de Meibomius. La surface oculaire, la quantité et la qualité du film lacrymal sont contrôlées avec et sans fluorescéine.
C’est à cette étape que les contre-indications sont recherchées : pathologie ou antécédents de chirurgie cornéenne, sécheresse sévère, parfois mauvaise hygiène ou patient jugé à risque.

Choix de la première lentille
Une lentille de contact, c’est un matériau, un type de renouvellement, un mode de port et des paramètres (tableau II).
Matériau
Le matériau à privilégier est le silicone hydrogel (cf. article Dr Le Cherpie). Concernant le port ponctuel, l’hydrogel peut être également prescrit.

Renouvellement
Il sera choisi en fonction des besoins du patient et de la fréquence d’utilisation prévue :
- journalier : pour le port ponctuel, les sports, les occasions festives ou en double prescription, mais aussi lors d’allergie ou de conjonctivite giganto-papillaire (CGP) afin d’éviter les solutions d’entretien. Il est de plus en plus prescrit en première intention du fait de la qualité des lentilles actuelles ;
- 15 à 30 jours : il nécessite un entretien, en s’assurant que celui-ci est bien conduit et ne provoque pas d’intolérance ;
- trimestriel ou plus : il est à réserver aux lentilles aux paramètres hors normes. L’entretien nécessitera en plus une déprotéinisation hebdomadaire.

Mode de port
Journalier ou diurne (la lentille est posée le matin et soit jetée le soir soit remise les jours suivants) ; prolongé ou continu (la lentille est gardée la nuit pendant 8 à 30 jours maximum). Ce port peu prescrit nécessite une surveillance plus étroite, des matériaux adaptés et surtout une bonne compliance de la part du patient.

Paramètres
Diamètre : il est unique pour la plupart des lentilles (de 13,80 à 14,20 mm). Mais dans le cas d’un petit diamètre cornéen inférieur ou égal à 10 mm ou de grand diamètre supérieur ou égal à 13 mm, il faudra adapter des lentilles sur mesure en privilégiant le renouvellement mensuel et le silicone hydrogel. Essayer d’abord les lentilles de stock et voir le comportement de la lentille au niveau du limbe et son centrage.
Rayon de courbure (Ro) : beaucoup de lentilles n’ont qu’un seul rayon de courbure (de 8,50 à 8,70 mm) qui couvre des kératométries relativement larges mais dans certains cas, il sera nécessaire de recourir à des lentilles qui en proposent 2 (8,30 à 8,50 mm ou 8,60 à 9,00 mm) ou, dans des cas les plus extrêmes, se référer aux lentilles sur mesure (6,80 à 9,80 mm).
Puissance : jusqu’à 4 dioptries d’amétropie, la puissance est identique à celle de la réfraction sphérique. Au-dessus de 4 dioptries, elle sera différente et il faudra se baser sur les tables de correspondance en fonction de la distance verre-œil.

 

Pose de la première lentille
Les lentilles choisies au vu des différents facteurs énumérés ci-dessus sont souvent disponibles dans nos boîtes d’essai au cabinet ou demandées en prêt auprès des fabricants. La pose sera faite par le médecin, l’orthoptiste ou l’assistante, toujours sous la responsabilité du médecin présent. Ce sera le moment de prodiguer les premiers conseils concernant l’hygiène.
Le premier contrôle peut se faire au bout de quelques minutes avant de laisser partir le patient, puis après quelques heures pour apprécier l’adaptation et le ressenti du patient.
Si le patient opte pour le port prolongé ou continu, les lentilles doivent être contrôlées après 1 ou 2 nuits le matin.
Un interrogatoire rapide recherche alors la qualité visuelle et surtout le confort immédiat et après quelques heures.

Contrôle de l’adaptation
L’acuité mono-, puis binoculaire, est en général parfaite et le patient est ravi. La qualité de l’acuité doit être évaluée : est-elle fluctuante ? floue ou meilleure au clignement ?
En début de presbytie, veiller à ne pas surcorriger le myope ou sous-corriger l’hypermétrope.
L’examen à la lampe à fente ne doit pas révéler de rougeur conjonctivale et la mouillabilité de la lentille doit être de bonne qualité.
Qu’est-ce qu’une lentille bien adaptée ? (tableau III)
- Le contrôle est rapide.
- La lentille est examinée en position primaire afin d’évaluer le centrage (contrôle du diamètre) puis la mobilité est jugée lors du clignement et lors du regard vers le haut et sur les côtés.
- Un push up test (mobilisation de la lentille vers le haut avec l’index sur le bord de la paupière inférieure) permet de contrôler le rayon de courbure de la lentille.  

Le tableau IV évalue les adaptations imparfaites.
- Si l’adaptation est plate, il faut agir sur le Ro et resserrer celui-ci ou éventuellement augmenter le diamètre.
- Si l’adaptation est serrée, il faut aplatir le Ro ou réduire le diamètre. Pour certaines lentilles, nous avons le choix entre 2 rayons de courbure qui permettent d’équiper la plupart des cornées. Si, malgré tout, le Ro est mal adapté, il reste la solution des lentilles sur mesure mensuelles et en silicone, avec également un diamètre variable.
- L’alignement de la périphérie de la lentille est un facteur intervenant dans le confort : le bord de la lentille ne doit pas être serré, ni laisser une empreinte sur la conjonctive, ni être béant (plus rare) et faire un « bec » dans le quart inférieur. La solution est d’agir sur le module de rigidité de la lentille, le Ro ou le diamètre, mais le changement de géométrie est souvent la solution.

Dépose de la lentille et contrôle avec la fluorescéine
Cette étape permet de contrôler l’intégrité de la cornée à la recherche d’une kératite ponctuée superficielle, témoin d’une mauvaise adaptation ou d’une intolérance à la solution d’entretien. Si l’adaptation est satisfaisante, le deuxième essai se fera avec les mêmes lentilles, sinon les lentilles seront modifiées selon les conseils prodigués plus haut et le contrôle sera effectué de la même façon.

Entretien et manipulation
Les lentilles à renouvellement fréquent nécessitent un entretien selon les modalités expliquées dans l’article du Dr Bloise. La manipulation se fera soit au cabinet soit chez un opticien de confiance.

Rédaction de l’ordonnance
Sur celle-ci figurent le nom du fabricant et celui des lentilles, leurs paramètres, le renouvellement ainsi que le type d’entretien. La validité de l’ordonnance est précisée ainsi que la prise en charge éventuelle par l’Assurance maladie (dans le cadre de la LPPR : liste des produits et prestations remboursables). La notification d’un numéro d’appel d’urgence est conseillée.

Contrôle d’un porteur de lentilles

Il est conseillé de spécifier sur le répondeur ou sur le site Internet du cabinet d’apporter les lunettes et les références des lentilles, cela fera gagner du temps lorsque le porteur se présentera en consultation. Sinon, il faudra en retrouver les paramètres. Une photo des blisters sur le smartphone est aussi la bienvenue.
L’interrogatoire, qui peut être délégué à l’orthoptiste, est précieux. Il fait préciser des doléances éventuelles : qualité de l’acuité visuelle, confort tout au long de la journée ou symptômes anormaux. Le renouvellement est-il respecté ?
L’examen à la lampe à fente se fait avec les lentilles en place et, comme pour une première adaptation, on évalue le centrage, la mobilité passive et active et la mouillabilité des lentilles.
Des anomalies conjonctivo-palpébrales, un dysfonctionnement meibomien, une CGP éventuelle en cas de symptomatologie sont recherchés.
Après la dépose des lentilles, l’examen à la fluorescéine peut mettre en évidence une sécheresse ou d’autres anomalies cornéo-conjonctivales. Dans ce cas, il peut être nécessaire de changer le matériau des lentilles (teneur en eau), module de rigidité ou les paramètres (Ro ou diamètre).
Des lentilles qui vont bien sont à renouveler à l’identique. Si des changements sont à apporter, de nouvelles lentilles seront essayées et l’ordonnance ne sera validée qu’après un nouveau contrôle une fois les problèmes résolus.
L’entretien éventuel est vérifié et validé. Il peut y avoir nécessité de rappeler les règles d’hygiène ou de respect du renouvellement.
Les durées actuelles de validité des ordonnances de lentilles font que les patients consultent plus tardivement, parfois au dernier moment. C’est à nous, praticiens, de les informer de consulter au moindre problème afin d’éviter les complications.

Pour en savoir plus
Vayr F. Bilan ophtalmologique et adaptation en lentilles. In: Les Lentilles de contact. Malet F, ed. Rapport de la Société française d’ophtalmologie. Elsevier Masson, Paris. 2009:232-63.
Bloise L. Les avancées en contactologie. Rapport 2019 de la SFOALC et des BSOF. Med-Line. 2019(1):19-42.
Bloise L. Confort et lentilles de contact. Rapport de la SFOALC 2011. Med-Line. 2011(2):139-62.
Le Contaguide. Les éditions du Contaguide 2019. www.contaguide.com.

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