Lentilles souples multifocales toriques : comment débuter ?
Quarante-sept pour cent de la population présentent un astigmatisme supérieur à 0,75 D. Cet astigmatisme augmente avec l’âge [1] et le négliger peut parfois entraîner des dégradations visuelles, parfois juste des signes fonctionnels pouvant évoquer à tort des syndromes secs ou des céphalées. Il est donc important, dans ces cas précis, de savoir s’orienter vers une correction du cylindre.

Poser l’indication chez le sujet presbyte
Si l’astigmatisme est inférieur à 0,50 D, il n’est pas corrigé en lentilles souples car ces paramètres n’existent pas chez les fabricants !
S’il se situe entre 0,75 et 1,25 D, il faut tenter de faire une réfraction maximale convexe en éliminant le cylindre et en utilisant l’équivalent sphérique (ES). Si l’acuité visuelle (AV) est préservée, on s’oriente bien entendu vers une lentille multifocale sphérique.
Il est plus facile de négliger un astigmatisme direct qu’un astigmatisme inverse ou oblique (s’il n’est pas corrigé, un astigmatisme inverse peut favoriser la vue de près [VP]).
Si l’AV avec ES s’effondre, il faut alors s’orienter vers une lentille torique.
Pour les astigmatismes supérieurs à 1,25 D, le cylindre n’est pas négligeable. Et l’on sait que plus le rapport cylindre sur sphère est élevé, plus le recours à une lentille torique s’impose.
Avant de choisir entre une lentille souple hydrophile (LSH) et une lentille rigide à gaz perméable (LRGP), il convient d’analyser l’astigmatisme. Est-il cornéen, interne ou mixte ? cela oriente vers le type de lentille à choisir.
Tous les astigmatismes (cornéen, interne, mixte) sont corrigeables en LSH et les gammes se sont largement étoffées. Seuls les astigmatismes irréguliers ne sont pas corrigeables en LSH.
Un patient déjà équipe en LRGP restera en LRGP progressives si son astigmatisme le permet.
Les lentilles hybrides peuvent également être une option intéressante en présence, entre autres, d’un syndrome sec marqué.
Commander sa première lentille
La réfraction se fait comme pour toute réfraction « dans un esprit lentilles », avec le maximum convexe et la recherche de l’addition minimale et des dominances.
Le résultat visuel, après correction éventuelle de la distance verre/œil (DVO) pour toute amétropie supérieure ou égale à 4 D (plus ou moins), l’œil préférentiel et l’addition minimale sont notés dans le dossier pour être utilisés ou réutilisés.
Trois options
1. Calculer la lentille requise en choisissant le Ro en fonction du rayon de courbure moyen de la cornée et du diamètre cornéen, en suivant les règles du fabricant (figure 1), en convertissant toujours la réfraction avec la DVO (sphéro-cylindrique), en respectant l’addition minimale et en tenant compte des dominances, surtout si le système est asymétrique (un œil à vision de loin [VL] centrale et un œil à vision de près [VP] centrale). Comme avec les lentilles multifocales simples, l’œil préférentiel sera équipé avec la lentille à VL centrale.
Ce choix est purement théorique et aucun des paramètres n’est validé au préalable.
2. Commencer par un essai avec une lentille sphéro-cylindrique (avec la correction en VL dans une gamme qui comporte également une LSH multifocale torique [LSH MFT] avec le même système de stabilisation). Puis, après avoir validé le résultat visuel et la stabilité de la lentille torique en VL, contrôlé les traits repaires, ajouter ensuite l’addition pour avoir la lentille définitive de 1er test. Ce sera l’option idéale pour un astigmate déjà équipé en LSH toriques et qui devient presbyte.
3. Commencer par un essai en LSH multifocale sphérique. Si l’équivalent sphérique fait fortement baisser la VL, ajouter un cylindre en « surréfraction » de loin et recalculer la sphère associée (intégrer la DVO si besoin). Ensuite recontrôler la VL et la VP avec le cylindre ajouté et la nouvelle sphère associée.
Contrôle et optimisations
Comme pour les adaptations en LSH multifocales (LSH MF), on laisse la maturation cérébrale s’installer. Le contrôle visuel se fait entre J15 et J30. Si la vision est globalement satisfaisante, on fera la prescription.
Dans le cas contraire, il faut essayer d’optimiser. Trois variables sont possiblement en cause, l’optimisation est un peu plus difficile qu’avec une simple LSH MF :
- la correction cylindrique en VL est-elle bonne ? Si vous avez commencé par un essai avec la lentille sphéro-cylindrique (cf. supra), vous avez déjà la réponse. La réfraction en VL doit être bonne et récente et la lentille stable (vérification des traits repères) (figure 2) ;
- l’addition minimale est-elle bien calculée ? - y a-t-il une erreur dans les dominances ?
En fonction du résultat visuel, vous pourrez identifier l’origine du problème.
Si la vision est instable, il est probable que le système de stabilisation de la lentille choisie n’est pas efficient chez le patient : problème de rayon, parfois de diamètre, de dynamique palpébrale, etc., et vous visualisez les traits repères dans des positions variables, en statique, en dynamique. Il faut donc choisir une autre lentille, avec un système de stabilisation différent.
Si la VL est insuffisante, la lentille est peut-être mal stabilisée. Vérifiez les traits repères en statique et en dynamique. Autre possibilité : l’addition est trop forte et dégrade la VL. Recalculez l’addition minimale et respectez les règles du fabricant. Enfin, il y a peut-être une erreur dans la recherche des dominances.
Si la VP est insuffisante, cela peut traduire 3 problèmes : le premier est facile à vérifier, il s’agit d’une mauvaise réfraction en VL (erronée, trop ancienne) ; deuxième option, cela peut aussi provenir du calcul de l’addition minimale ; dernière possibilité, une erreur dans la recherche des dominances peut pénaliser la VP.
Conclusion
L’équipement des patients en LSH MFT est un peu plus long et compliqué, cependant il peut donner des résultats très intéressants. Il est important de rappeler, comme pour tous les équipements en lentilles multifocales, que la réfraction doit être du jour précise et faite « dans un esprit lentilles ». Les gammes disponibles s’étoffent et des nouveautés sortent régulièrement pour satisfaire le plus grand nombre. Certains échecs en LSH MFT peuvent très avantageusement bénéficier de corrections en LRGP et en hybrides, avec d’excellents résultats.
Référence bibliographique
[1] Young G, Veys J, Pritchard N, Coleman S. A multi-centre study of lapsed contact lens wearers. Ophthalmic Physiol Opt. 2002;22(6): 516-27.