Lentilles souples multifocales : quoi de neuf depuis 1999 ?

Depuis le rapport de Catherine Peyre sur la presbytie en 1999, quelques modifications sont survenues concernant les lentilles souples multifocales. La démographie est extrêmement favorable avec le vieillissement de la population et le jeunisme ambiant. Les études annuelles de Phil Morgan montrent une augmentation régulière des équipements destinés aux patients presbytes. Depuis l’étude de Woods en 2009 [1], la notion de satisfaction accrue du patient équipé en lentilles multifocales versus monovision est acquise. Les évaluations et adaptations en lentilles multifocales sont maintenant fondées plutôt sur les résultats de « vraie vie » que sur les acuités visuelles simples traditionnelles.

Théorie de l’accommodation

Depuis 1999, 2 écoles cohabitent sans évolution majeure : les détracteurs de la théorie cristallinienne developpée par Helmotz au xixe siècle, toujours d’actualité ; à l’opposé, certains défendent des hypothèses extracristalliniennes et développent des techniques opératoires spécifiques.
En 1999, Schachar et les bandes d’expansions sclérales étaient en plein essor ; aujourd’hui, c’est Shah [2] qui développe une technique de micropiqûres sclérales pour distendre celle-ci et retendre indirectement le muscle ciliaire. Espérons que les techniques d’exploration OCT in vivo nous permettront une meilleure compréhension de cette physiopathologie malgré la gêne liée au corps ciliaire.

Principales nouveautés

Deux nouveautés à remarquer : une en LSHJ et l’autre en LSH mensuelle.
La journalière, en hydrogel amélioré, 1 day Acuvue Moist multifocal de Johnson & Johnson, possède une vision de près (VP) centrale de taille variable, en fonction de l’amétropie et de l’addition. Il existe donc 183 profils différents pour cette lentille (figure 1).
La mensuelle, en silicone-hydrogel, Miru 1month multifocal de Menicon, possède 2 profils, low et high (figure 2). On notera que les 2 profils ne sont pas homothétiques et que ces lentilles sont difficilement panachables. Le profil low est assez « classique », avec une VP centrale et une progression lente vers une vision de loin (VL) périphérique. La nouveauté se situe dans le profil high qui possède une zone de VP décentrée en nasal. Ce décentrement doit correspondre le mieux possible avec la position de la pupille lors des mouvements d’accommodation- convergence. La transition entre la zone de VP et la zone de VL est brutale, ce qui en fait quasiment une lentille bifocale.
Néanmoins, toutes les lentilles souples multifocales obéissent au principe de la vision simultanée, principe inchangé depuis 1999.

Matériaux

Indéniablement, les laboratoires font d’énormes efforts pour augmenter le confort et la sécurité des lentilles afin de réduire le nombre d’abandonnistes.
En 2019, nous avons à notre disposition des lentilles souples en silicone hydrogel de 3 générations, en hydrogel amélioré et en hypergel, et des modalités de renouvellement mensuel, bimensuel et journalier (tableau).

Indications spécifiques

Elles ont peu changé mais nous soulignerons quelques éléments particuliers.
Pour l’emmétrope, qui est rare, la satisfaction dépend de sa tolérance au flou visuel en VL. On peut lui proposer une monovision, une monovision aménagée, soit une lentille multifocale « esprit bifocal » (Miru 1month multifocal high de Menicon). En cas d’échec, une lentille rigide segmentée peut fonctionner.
Pour le myope, rappelons qu’il faut être très vigilant sur l’évaluation de son pouvoir accommodatif. Le myope est hypo-accommodatif, en particulier s’il ôte ses verres correcteurs en VP. Il ne faut pas hésiter à lui faire faire une rééducation de la convergence avant de l’équiper en LSHMF pour éviter les échecs ou l’asthénopie accommodative.
L’hypermétrope est le plus facile à satisfaire et plus son amétropie est importante, moins il a besoin d’une addition conséquente.
L’anisométrope et le monophtalme sont des patients plus difficiles à équiper. Il convient de vérifier s’il existe un certain degré de binocularité ou une alternance VP/VL. Si la dominance  est très forte, cela revient à équiper un monophtalme. En lentille souple, si le centrage est bon, la Miru 1month multifocal high de Menicon pourra parfois donner de bons résulats. Dans les autres cas, il faudra s’orienter vers une lentille rigide segmentée.
Nous n’avons abordé qu’un champ restreint des équipements du presbyte en lentilles, il existe de nombreuses autres options en lentilles rigides, hydrides, sclérales et même en orthokérathologie afin de satisfaire le plus grand nombre de nos patients. Vous retrouverez de nombreux détails dans le rapport de la SFO ALC 2019 (L. Bloise).

Références bibliographiques
[1] Woods J, Woods CA, Fonn D. Early symptomatic presbyopes-what correction modality works best? Eye Contact Lens. 2009; 35(5):221-6.
[2] Harrison L. Laser scleral microporation proposed as accommodation restoration therapy. Ophthalmology Times. june 2018:34-5.

Auteurs

  • Marie-Aude Lureau-Cornuot

    Ophtalmologiste

    Cabinet Boulogne-Billancourt, Praticien attaché CHNO des Quinze-Vingts et Institut Vernes, Paris

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