Lentilles souples : hydrogel ou silicone hydrogel ?

Hydrogel ou silicone hydrogel ? Quelle lentille souple choisir lors de l’adaptation de nos patients ou bien quelle lentille peut répondre aux besoins des porteurs ? Le mode de vie, les facteurs environnementaux, l’utilisation croissante des outils numériques, la sécheresse oculaire, les problèmes allergiques peuvent altérer la stabilité du film lacrymal et le confort des lentilles, mais le choix du matériau reste primordial.

Pourquoi le choix de la lentille est-il important ? Afin de satisfaire le porteur : satisfaction visuelle et confort de port sont les gages d’une adaptation réussie. Rappelons que l’inconfort est l’une des principales causes d’abandon (un quart des porteurs abandonnent la première année).

Rappel sur les matériaux

Matériau hydrogel
L’hydrogel est un polymère capable de conserver une certaine quantité d’eau. Les lentilles en hydrogel sont classées en 4 groupes par la FDA (Food and Drug Administration), selon leur ionicité et leur teneur en eau. Plus celle-ci est importante, plus l’interaction avec les protéines des larmes est élevée. Les évolutions du matériau HY ont consisté en l’incorporation d’agents mouillants et hydratants qui ont amélioré le confort de ces lentilles.
Nous citerons : le NVP (N-VinylPyrrolidone) – lentilles Soflens® 66 TORIC puis Soflens® 59 du laboratoire Bausch & Lomb –, le PEG (PolyÉthylèneGlycol) et le PVA (PolyVinylAlcohol) – lentilles Dailies AquaComfort Plus® du laboratoire Alcon –, et le PC (PhosphorylCholine) – lentilles Proclear® du laboratoire Coopervision.

Matériau silicone hydrogel
Cette combinaison complexe a permis d’augmenter la transmissibilité à l’oxygène grâce à l’incorporation de silicone. Apparu à la fin des années 90, le silicone hydrogel a marqué un réel tournant dans l’adaptation des lentilles de contact. Le matériau a ainsi été rendu hydrophobe et lipophile, ce qui a permis le développement progressif des matériaux pour le renouvellement journalier.
Plusieurs technologies ont été utilisées pour améliorer le confort de ces lentilles, en utilisant l’adjonction d’agents mouillants et hydratants.
Nous citerons : La technologie Hydraclear® ou Hydraclear® Plus – lentilles Acuvue® Oasys du laboratoire J&J, MeniSilk™ – lentilles Miru du laboratoire Menicon –, HydraGlyde® (l’adjonction d’une molécule tensioactive hydratante, en modifiant la tension de surface, améliore la mouillabilité) – lentilles Air Optix Plus HydraGlyde® du laboratoire Alcon –, les technologies du gradient d’eau (avec augmentation progressive de la teneur en eau du centre vers la surface de la lentille) et SmarTears® (avec adjonction de PhosphatidylCholine dans la matrice) – lentilles Dailies TOTAL 1® du laboratoire Alcon.

Propriétés des matériaux

Pour choisir un matériau, il faut en connaître les propriétés. En effet, ces propriétés jouent un rôle essentiel dans l’impact du port des lentilles sur la surface oculaire.

Propriétés intrinsèques du matériau
Transmissibilité à l’oxygène

Le Dk/e, ou Dk, définit la perméabilité à l’oxygène, et e, l’épaisseur de la lentille. Elle est l’élément essentiel de la tolérance physiologique de la lentille. Le passage de l’oxygène à travers la lentille est fonction de la teneur en eau pour les lentilles en hydrogel et de la quantité de silicone pour celles en silicone hydrogel. Il existe ainsi un rapport inverse entre la teneur en eau et la perméabilité à l’oxygène (figure 1).

Pour rappel : les seuils de transmissibilité à l’oxygène sont de 125 pour le port nocturne, et de 35 pour le port journalier. Pour l’hydrogel, le Dk/e varie de 20 à 28 ; pour le silicone hydrogel, il varie de 58 à 163. Une perméabilité à l’oxygène insuffisante entraîne une hypoxie de la cornée.
L’intérêt du matériau silicone hydrogel est alors évident car il permet, en raison de son Dk élevé, un allongement de la durée de port ainsi qu’une diminution du risque hypoxique.

Teneur en eau
La déshydratation du matériau est liée au taux d’hydrophilie. Le silicone hydrogel ayant une basse hydrophilie, il se déshydrate moins vite que l’hydrogel. Cela permet une meilleure mouillabilité de surface, une diminution des interactions hydrophobes avec les paupières et une baisse de la quantité de dépôts.

Les lentilles en hydrogel attirent les dépôts protéiques, d’où la nécessité d’un entretien avec déprotéinisation. Celles en silicone hydrogel ont une affinité pour les dépôts lipidiques, d’où la nécessité d’un massage quotidien de la lentille (figure 2).

Propriétés mécaniques du matériau
Le module d’élasticité, ou module de Young, indique la résistance à la déformation d’un matériau.
La présence de silicone dans le matériau entraîne une augmentation de la rigidité de la lentille.
Le module de Young était plus élevé avec les lentilles en silicone hydrogel de première génération par rapport aux lentilles en hydrogel, certes plus confortables mais moins faciles à manipuler.
L’incidence des complications mécaniques observées lors de l’examen à la lampe à fente était importante.
Nous citerons : 

- le SEAL (Superior Epithelial Arcuate Lesion) : lésion cornéenne arciforme supérieure due à la pression exercée par la paupière supérieure, surajoutée à celle de la lentille (figure 3) ;

- les Mucin balls : agglomérats de mucus déshydraté, impactés dans la cornée, donnant un marquage fluo positif et disparaissant au rinçage de la cornée ;
- la conjonctivite giganto-papillaire : complication inflammatoire d’origine allergique, mais également mécanique, par friction de la lentille sur la conjonctive tarsale supérieure.
Les nouvelles lentilles en silicone hydrogel ont des modules plus faibles de 0,5 à 0,7, ce qui permet de réduire l’impact sur la surface oculaire et d’accroître le confort de port.

Propriétés de surface du matériau
Coefficient de friction
Lié aux propriétés de surface du matériau, le coefficient de friction exprime la facilité des paupières à se déplacer sur la lentille. Il existe une très forte corrélation avec le confort de la lentille : plus le coefficient de friction est bas, plus la lentille de contact est confortable.

Conséquence d’un coefficient de friction élevé : le Lid Wipper Epitheliopathy se traduit par une kératinisation de la jonction cutanéomuqueuse de la paupière supérieure (figure 4).
Il n’y a pas de différence entre le matériau silicone hydrogel et le matériau hydrogel.

Mouillabilité
Elle permet la stabilité du film lacrymal à la surface de la lentille entre chaque clignement. Elle garantit une bonne acuité visuelle tout en limitant le dessèchement de la lentille. Une haute mouillabilité assure ainsi un confort de port.

Au total
L’enjeu actuel des laboratoires fabricants est de mettre au point un matériau qui se rapproche au mieux de la structure cellulaire de la surface cornéenne pour une biocompatibilité maximale.
Pour diminuer l’impact des lentilles sur la surface oculaire, l’objectif est d’augmenter la mouillabilité, la transmissibilité à l’oxygène et la teneur en eau. Tout en réduisant les dépôts – qu’ils soient protéiques ou lipidiques –, en diminuant le module de Young.
Ainsi les laboratoires incorporent dans la matrice en silicone hydrogel certains polymères qui confèrent à la lentille des propriétés intéressantes, permettant une meilleure protection contre les infections, une meilleure résistance aux dépôts, tout en restant compatibles avec les produits d’entretien.
Nous citerons :
- la ComfortFeel Technology du laboratoire Bausch & Lomb : Ultra® One Day : les agents intégrés dans le matériau sont libérés, lorsque la lentille de contact est portée, pour aider à protéger, enrichir et stabiliser le film lacrymal, en apportant un taux d’hydrophilie supérieur et un module de Young plus faible, avec libération d’agents hydratants, osmoprotecteurs et électrolytes ;
- le laboratoire Alcon (Total 30®) a intégré au sein de la matrice la MPC, biomimétique de la structure cellulaire de la surface cornéenne, ce qui accroît la résistance aux dépôts lipidiques et diminue l’adhérence des bactéries et des protéines et, par là même, le risque infectieux ;
- le laboratoire J&J, avec la nouvelle lentille Acuvue® Oasys Max 1 Day, associe 2 nouvelles technologies : TearStable™, qui prolonge la stabilité du film lacrymal et réduit ainsi le taux de pervaporation, et le filtre Optiblue™ Light, qui améliore la qualité visuelle dans toutes les conditions de luminosité.

Choix du matériau

De manière synthétique, le choix du matériau peut se résumer au tableau comparatif (figure 5). En réalité, une nouvelle donne s’impose à nous. Les laboratoires fabricants diminuent progressivement leurs gammes en hydrogel au profit du silicone hydrogel, que ce soit pour les lentilles souples jetables journalières ou en renouvellement fréquent. Ainsi, en l’espace de quelques années, un certain nombre de lentilles qui ne sont désormais plus disponibles pour les essais le sont encore en renouvellement mais pour une durée probablement limitée.

Conclusion

Pour optimiser une adaptation en lentilles souples, et ainsi éviter l’abandon du port, le matériau est certes important, mais il ne faut pas négliger le choix de la modalité de port et du produit d’entretien.

Pour en savoir plus
Bloise L, Vis K. Les lentilles souples. In: Les avancées en contactologie. Rapport SFOALC. Med-Line Éditions. 2019;1:19-46.
Rocher-Dubois I, Servel-Rogala B, Monteil P, Lefevre JP. Matériaux et fabrication des lentilles. In: Malet F. Les lentilles de contact. Rapport de la SFO. Paris, Elsevier Masson. 2009;2:31-46.
Le Cherpie F. Matériau et propriétés : que savoir pour adapter nos patients ? Les Cahiers d’Ophtalmologie. 2020;234:37-8

Auteurs

Les derniers articles sur ce thème

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'abonne

Identifiez-vous