La rétine en pratique 2020
Journée d’enseignement numérique
Intelligence artificielle et mesure automatique du liquide intra- et sous-rétinien
D’après l’intervention de Sophie Bonin
L’évaluation du liquide intrarétinien (LIR) et sous-rétinien (LSR) grâce à l’OCT apporte des critères de retraitement utilisés en pratique quotidienne. Des études ont démontré que certains algorithmes étaient aussi efficaces que des experts humains pour détecter le LIR et le LSR et segmenter les couches rétiniennes à l’OCT (figure 1) avec un excellent couple sensibilité/spécificité (91 et 92%) pour la détection automatisée des liquides et ce, avec une concordance de l’ordre de 92% avec les rétinologues [1-3].
Des intelligences artificielles utilisant des algorithmes de deep-learning permettent de reconnaître, de quantifier et de discriminer le type de liquide de façon fiable et précise et ce, indépendamment de l’appareil utilisé pour l’acquisition [4]. Si la concordance entre les algorithmes est très bonne sur un schéma binaire, la reconnaissance est cependant plus variable pour les segmentations OCT. Dans l’étude RETOUCH [5], les décollements de l’épithélium pigmentaire étaient facilement détectés, à l’inverse du LIR reconnu de façon moins univoque.
La détection automatique du LIR et du LSR peut être utile en pratique clinique pour affiner les critères de retraitement. Certains appareils d’OCT portables munis d’algorithmes de détection du fluide sont déjà commercialisés [2]. Dans la rétinopathie diabétique, le projet Evired (Évaluation intelligente de la rétinopathie diabétique) débute cette année à Lariboisière et dans d’autres centres partenaires et a pour objectif, avec l’aide d’un réseau neuronal entraîné avec de l’imagerie multimodale (images grand champ, OCT, OCT-A), de mieux prédire la survenue de l’œdème maculaire diabétique et de la rétinopathie diabétique proliférante, leurs pronostics et leurs profils évolutifs.
Œdème maculaire diabétique cystoïde ou non cystoïde, avec ou sans décollement fovéolaire : quelles différences ?
D’après l’intervention d’Audrey Giocanti
L’influence de la présence d’un décollement séreux rétinien (DSR) dans l’œdème maculaire diabétique (OMD) reste mal connue. En effet, dans les études RISE and RIDE évaluant l’efficacité du ranibizumab dans l’OMD, la présence d’un DSR était associée à un gain visuel supérieur [6]. En revanche, les études VIVID et VISTA évaluant l’aflibercept concluaient à l’absence de différence significative selon la présence ou non d’un DSR ; seule l’acuité visuelle (AV) initiale était un facteur prédictif de la récupération fonctionnelle [7].
Par ailleurs, l’abondance de liquide dans la couche nucléaire interne a également été récemment démontrée comme étant un facteur de mauvaise AV finale [8].
Enfin, la dégénérescence cystoïde, forme évoluée d’OMD, est associée à un très mauvais résultat fonctionnel. Elle est caractérisée à l’OCT par de grandes logettes entourées d’une faible quantité de tissu rétinien, qui s’affaisseront en donnant de petits kystes à bords rectangulaires, une hypertransmission postérieure centrale, une perte de l’architecture des couches internes et la disparition des couches externes (figure 2). Les injections d’implant de dexaméthasone semblent donner de meilleurs résultats anatomiques sur les DSR par comparaison avec les anti-VEGF. En revanche, il n’y a pas de différence en termes de gain visuel [9].
Le fluide situé dans la nucléaire interne et le fluide sous-rétinien ont tendance à bien répondre aux injections, tandis que les logettes situées dans la nucléaire externe résistent plus fréquemment quel que que soit le traitement (figure 3) [10].
En conclusion, le type d’OM influence peu le résultat visuel final sous traitement. Le résultat anatomique semble meilleur sous implant de dexaméthasone comparé aux anti-VEGF lorsqu’un DSR est présent, sans impact sur l’AV finale. Un DSR et des kystes de grande taille sont associés à une évolution plus péjorative sans traitement.
LE SHRM, un liquide comme les autres ?
D’après l’intervention d’Éric Souied
Définition
Le SHRM (Subretinal Hyperreflective Material) englobe les lésions hyperréflectives préépithéliales en SD-OCT et peut être classé selon son origine vasculaire ou non vasculaire :
- le SHRM vasculaire peut correspondre à de la fibrose sous-rétienne (compacte et bien visible au fond d’œil) ou à des néovaisseaux choroïdiens (NVC) de type 2 préépithéliaux ;
- le SHRM non vasculaire peut être assimilé à du matériel vitelliforme (d’aspect souvent floconneux), à une hémorragie, un hématome sous-rétinien, ou encore à du SHE (Subretinal Hyperreflective Exudation), qui est une lésion définie en SD-OCT par un aspect hyperréflectif, grisâtre, préépithélial, à limites floues et mal définies (figure 4).
Cas particulier du SHE
Il a été montré que le gris hyperréflectif, ou SHE, était une lésion exsudative signant l’activité d’une néovascularisation précoce dans la DMLA. En effet, s’il est traité très précocement par anti-VEGF, il disparaît ou diminue dans près de 93% des cas (figure 5) [11], alors que sans injection, il mène vers un œdème majeur (logettes ou espaces hyporéflectifs sous-rétiniens). Cela semble vrai aussi bien pour les des NVC de type 1, les polypes ou les anastomoses choriorétiniennes.
Le SHE semble aussi être un signe de réactivation précoce de néovascularisation dans la myopie forte [12]. Enfin il est intéressant de noter que l’OCT-A ne met en évidence aucun flux au sein de l’hyperréflectivité, c’est-à-dire au-dessus d’une néovascularisation [13].
Conversion des néovaisseaux maculaires vers la fibrose
L’équipe de Créteil a récemment repris une série de patients présentant des lésions fibrogliales ou fibroatrophiques et analysé chez eux des clichés antérieurs afin d’observer rétrospectivement l’aspect préfibrotique. Il en ressort qu’en plus des classiques NVC de type 2, les NVC de type 1 peuvent également engendrer de la fibrose. Ces NVC de type 1 s’accompagnent d’une effraction de l’épithélium pigmentaire associée à du SHRM ne disparaissant pas après un traitement anti-VEGF, ce qui reflète probablement plus le début d’un envahissement par de la fibrose qu’un signe exsudatif (figure 6) [14]


Références bibliographiques
[1] Garvin MK, Abramoff MD, Wu X et al. Automated 3-D intraretinal layer segmentation of macular spectral-domain optical coherence tomography images. IEEE Trans Med Imaging. 2009;28(9): 143647.
[2] Schmidt-Erfurth U, Sadeghipour A, Gerendas BS et al. Artificial intelligence in retina. Prog Retin Eye Res. 2018;67:1-29.
[3] Chakravarthy U, Goldenberg D, Young G et al. Automated identification of lesion activity in neovascular age-related macular degeneration. Ophthalmology. 2016;123(8):1731-6.
[4] Schlegl T, Waldstein SM, Bogunovic H et al. Fully automated detection and quantification of macular fluid in oct using deep learning. Ophthalmology. 2018;125(4):549-58.
[5] Bogunovic H, Venhuizen F, Klimscha S et al. RETOUCH: The retinal OCT fluid detection and segmentation benchmark and challenge. IEEE Trans Med Imaging. 2019;38(8): 1858-74.
[6] Raafay S, Lu N, Campochiaro PA. Predictors of functional and anatomic outcomes in patients with diabetic macular edema treated with ranibizumab. Ophthalmology. 2015;122(7): 1395-401.
[7] Ziemssen F, Schlottman PG, Lim JI et al. Initiation of intravitreal aflibercept injection treatment in patients with diabetic macular edema: a review of VIVID-DME and VISTA-DME data. Int J Retina Vitreous. 2016;2:16.
[8] Lee H, Kang KE, Chung H, Kim HC. Three-dimensional analysis of morphologic changes and visual outcomes in diabetic macular edema. Jpn J Ophthalmol. 2019;63(3):234-42.
[9] Zur D, Iglicki M, Busch C et al. OCT biomarkers as functional outcome predictors in diabetic macular edema treated with dexamethasone implant. Ophthalmology. 2018;125(2):267-75.
[10] Karst SG, Lammer J, Mitsch C et al. Detailed analysis of retinal morphology in patients with diabetic macular edema (DME) randomized to ranibizumab or triamcinolone treatment. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2018;256(1):49-58.
[11] Ores R, Puche N, Querques G et al. Gray hyper-reflective subretinal exudative lesions in exudative age-related macular degeneration. Am J Ophthalmol. 2014;158(2): 354-61.
[12] Bruyère E, Caillaux V, Cohen SY et al. Spectral-domain optical coherence tomography of subretinal hyperreflective exudation in myopic choroidal neovascularization. Am J Ophthalmol. 2015;160(4): 749-58.e1.
[13] Dansingani KK, Tan ACS, Gilani F et al. Subretinal hyperreflective material imaged with optical coherence tomography angiography. Am J Ophthalmol. 2016;169:235-48.
[14] Souied EH, Addou-Regnard M, Ohayon A et al. Spectral-domain optical coherence tomography analysis of fibrotic lesions in neovascular age-related macular degeneration. Am J Ophthalmol. 2020;214: 151-71.