La kératopathie en bandelette
Souvent négligée à l’examen, la kératopathie en bandelette (KB) peut néanmoins être révélatrice de maladies systémiques dont les causes d’hypercalcémie sont au premier plan. D’autre part, son traitement connaît un basculement ces dernières années avec la photokératectomie thérapeutique.
Physiopathologie
La kératopathie en bandelette (KB) est une dégénérescence de la cornée caractérisée par des dépôts calciques intra- ou extracellulaires au niveau de la fente palpébrale. Ces dépôts peuvent intéresser la membrane basale épithéliale, la membrane de Bowman et/ou le stroma antérieur. Le processus physiopathologique n’est pas totalement résolu mais relèverait de la précipitation du calcium en cristaux d’hydroxyapatite via 3 facteurs principaux : l’évaporation du film lacrymal dans la zone interpalpébrale qui entraîne une hyperosmolarité, l’augmentation du pH au niveau de la surface cornéenne, l’augmentation locale des concentrations en calcium ou en phosphate. En effet, dans des modèles expérimentaux, la kératite en bandelette ne se développait pas si les paupières étaient maintenues closes chez des animaux avec une inflammation oculaire et un surdosage en vitamine D [1].
Clinique
Cliniquement, la KB apparaît comme une opacité blanche, grisâtre, à 3 et à 9 heures, non vascularisée, dont l’évolution est centripète avec une zone d’intervalle claire limbique (figure 1). L’opacité peut être parsemée de zones punctiformes plus claires correspondant aux zones de pénétration des nerfs cornéens au niveau de la membrane de Bowman. Initialement asymptomatique, le patient peut ensuite ressentir une baisse d’acuité visuelle lorsque l’opacité atteint l’axe visuel. Dans les formes évoluées, apparaissent une irritation à type de corps étranger, une photophobie, voire des érosions épithéliales et des ulcères douloureux.
Paraclinique
Le diagnostic étant clinique, les examens complémentaires sont surtout réservés au diagnostic étiologique. Les causes à rechercher systématiquement sont à la fois locales et générales et sont résumées dans le tableau. Le bilan général à réaliser en première intention comprend le dosage du calcium, phosphore ± vitamine D, acide urique, urée, créatinine, ECA, PTH ± radiographie du thorax. En préopératoire, il est possible d’analyser la topographie et la profondeur de l’opacité en coupe OCT de cornée (figure 2).
Traitement
Le traitement doit avant tout traiter l’étiologie si une cause a pu être mise en évidence lors du bilan, sinon il existe un risque de récidive. Localement, on s’efforcera de traiter toute inflammation chronique de surface, syndrome sec ou facteur favorisant.
Chirurgicalement, le traitement le plus répandu reste le grattage associé à l’acide éthylènediaminetétraacétique (EDTA). Ce dernier étant un chélateur calcique, il permet d’éliminer les dépôts de calcium après un débridement épithélial. Parfois, une greffe de membrane amniotique peut être associée en fin d’intervention.
Depuis l’avènement de la photokératectomie thérapeutique (PKT), son utilisation a été appliquée à la KB avec un certain succès, notamment dans les formes de KB avec un dépôt calcique homogène. Elle permet de photoablater la cornée centrale et donc de libérer l’axe visuel. Elle est souvent associée à un traitement par mitomycine C. Un protocole possible est la désépithélialisation puis une photoablation de 10 à 15 microns sur une zone optique de 6,5 mm, suivie de l’application de mitomycine C à 0,02% pendant 20 secondes. Le résultat obtenu est visible sur la figure 3.
Conclusion
La KB est une pathologie de surface relativement fréquente pour laquelle il faut s’attacher à déterminer systématiquement l’étiologie, sans s’arrêter aux causes locales. L’intérêt de la PKT pour les formes superficielles est indéniable.
Référence bibliographique
[1] Doughman DJ, Olson GA, Nolan S, Hajny RG. Experimental band keratopathy. Arch Ophthalmol. 1969;81(2):264-71.