,

Kératocône et piggy back

Un patient âgé de 36 ans est adressé pour la prise en charge en contacto­logie d’un kératocône unilatéral connu depuis plusieurs années. Il ne porte aucune correction optique, exerce la profession d’ingénieur et ne présente pas de terrain atopique.

L’acuité visuelle (AV) sans correction est mesurée à 0,5/10 à l’œil droit et à 2/10 en meilleure acuité avec -5 (-2,00) 170°. Le trou sténopéïque ­permet d’atteindre 8/10 sur cet œil. L’AV sans correction de l’autre œil est de 12/10. La topographie cornéenne d’élévation de l’œil droit (Galilei, Ziemer) montre un kératocône central avec une kératométrie moyenne de 6,68 mm ; celle de l’œil gauche, un kératocône fruste avec une kératométrie moyenne à 7,85 mm (figure 1 A et B).

Le patient avait été adapté en lentilles rigides il y a quelques années mais le port avait été arrêté pour ­in­confort. Actuellement, il se trouve pénalisé en binoculaire par son œil droit lors du travail sur écran et de la conduite automobile. Cela entraîne une fatigabilité oculaire.

Après plusieurs essais en consultation, nous ­pres­crivons une première lentille rigide perméable aux gaz (LRPG) sur l’œil droit (Menicon, Rose K2, rayon 7,00 mm, diamètre 9,0 mm, puissance -4,50 D).

La mobilité et le centrage sont satisfaisants. En image fluo, on devine l’apex du cône, suivi d’un lac de fluorescéine puis d’une zone d’appui périphérique homogène. Les edge lifts présentent l’épaisseur recommandée et sont de taille équivalente sur toute la périphérie (figure 2).

Nous revoyons le patient un mois plus tard. L’AV de l’œil droit en lentille atteint 10/10 ; celle de l’œil gauche reste à 12/10 sans correction.

Malgré une bonne qualité visuelle à droite, le patient se plaint d’un inconfort qui l’empêche de porter sa ­lentille plus de 2 heures par jour. Il décrit une sensation de corps étranger du fait de ce port unilatéral.

L’examen en lampe à fente retrouve une légère kératite sur le méridien horizontal (syndrome 3 h-9 h). La ­lentille est bien centrée, mobile, l’aspect en fluorescéine du centre et des edge lifts est satisfaisant.

Afin d’améliorer le confort et d’allonger la durée de port du patient, il est proposé de réaliser un piggy back avec pose d’une lentille souple jetable journalière en ­silicone-hydrogel +0,50 D (Acuvue TruEye, Johnson & ­Johson) sous la lentille rigide. La mobilité et le centrage de cette dernière par-dessus la lentille souple sont ­inchangés et satisfaisants. Par conséquent, les para­mètres de la lentille rigide ne sont pas modifiés.

Cette adaptation en piggy back permet au patient de ­porter sa lentille rigide sur l’œil droit avec un excellent confort tout au long de la journée.

Points clés
• Le piggy back consiste en la superposition d’une lentille rigide sur une lentille souple. Afin d’obtenir une oxygénation optimale de la cornée, les lentilles en silicone-hydrogel sont fréquemment employées. Les paramètres de la lentille rigide ne sont pas forcément modifiés si celle-ci présente une bonne mobilité et un bon centrage sur la lentille souple. Dans certains cas, le rayon de courbure pourra être légèrement aplati de 0,10 mm.
• D’abord utilisé pour améliorer le confort des patients réfractaires au port de lentilles rigides, le piggy back présente d’autres intérêts. Il permet en effet d’améliorer le centrage d’une lentille rigide, notamment en choisissant une lentille souple de puissance positive. La convexité de celle-ci va permettre d’améliorer le centrage ainsi que la stabilité de la lentille.
• La lentille souple permet également de protéger certaines cornées fragilisées par les traumatismes répétés provoqués par certains équipements (apex du kératocône).

Auteurs

Les derniers articles sur ce thème

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'inscris

Identifiez-vous