Journées d’Ophtalmologie Interactives : actualités & perspectives du diagnostic et du traitement du glaucome

Les 14es Journées d’ophtalmologie interactives ont eu lieu les 26 et 27 novembre 2021 au palais de la Bourse à Bordeaux, organisées par le Dr Antoine Bastelica et le Pr Cédric Schweitzer. Cette édition était entièrement consacrée aux actualités et perspectives du diagnostic et du traitement du glaucome.
Pièges diagnostiques dans le glaucome primitif à angle ouvert
D’après l’intervention des Drs Poli, Dale, Tournaire et Blumen-Ohana
Un seuil fovéolaire respecté, un respect du méridien horizontal sans respect du méridien vertical ou encore une atteinte fasciculaire sont des éléments du champ visuel orientant plutôt vers une atteinte glaucomateuse.
Le Dr Tournaire a rappelé les diagnostics différentiels de glaucome en insistant sur les neuropathies non glaucomateuses à évoquer devant certains déficits comme une séquelle de neuropathie optique ischémique antérieure, des drusen du nerf optique, une neuropathie héréditaire comme le Leber ou encore une lésion compressive ou un œdème papillaire de stase sur une hypertension intracrânienne idiopathique.
Devant un OCT anormal et un champ visuel normal, le glaucome prépérimétrique est un diagnostic à évoquer. En effet, dans 70% des cas, l’atteinte de la structure précède celle de la fonction. Cependant, il faut tout d’abord vérifier qu’il ne s’agit pas d’un problème de segmentation ou d’artefact (fréquent chez le myope fort notamment), d’une anomalie rétinienne ou encore de certaines variations anatomiques. La réalisation d’un champ visuel bleu-jaune, FDT-Matrix ou encore d’un champ visuel 10-2 peut parfois être utile.
Deux types de glaucomes particuliers
D’après l’intervention des Drs Dot et Hamelin-Gervais
Le glaucome du myope fort pose un double problème, dans son diagnostic tout d’abord, puis dans le suivi et la détection d’une progression. La réalisation de rétinophotographies est primordiale et la répétition des examens bien que souvent peu fiables permet de détecter une évolutivité.
Les hypertonies induites par les injections intravitréennes ont été abordées. À la suite d’injections d’anti-VEGF, 2 tableaux sont possibles : un pic d’hypertonie immédiat corrélé au volume délivré, et les hypertonies persistantes qui concernent environ 8% des yeux multi-injectés. Les injections de corticoïdes (implants de dexaméthasone Ozurdex® ou de fluocinolone Iluvien®) n’entraînent pas les mêmes profils d’hypertonie, avec un pic à 2 mois pour la dexaméthasone et à 8-10 mois pour la fluocinolone. Les experts ont rappelé le bénéfice du laser SLT pour le traitement, voire la prévention de ce type d’épisode.
Détection d’une vraie progression du glaucome
D’après l’intervention des Prs Sellem, Rouland, Nordmann et Laloum
La recherche d’une progression vraie dans le glaucome s’effectue grâce à une analyse multimodale des différents paramètres. L’analyse de la papille au fond d’œil s’attache à rechercher des modifications d’excavation, des changements de courbure des vaisseaux, une hémorragie péripapillaire. L’OCT des fibres nerveuses rétiniennes péripapillaires (RNFL) et des cellules du complexe ganglionnaire ainsi que le champ visuel permettent une analyse événementielle et tendancielle, complémentaires. Ces 2 examens doivent être réalisés à chaque suivi, suivi dont le rythme doit être adapté selon l’évolution. Les recommandations préconisent 3 champs visuels par an pendant les 2 premières années, afin notamment de détecter les 20% de progresseurs rapides (plus de 2 dB de perte de MD par an). Devant un déficit, la corrélation entre l’OCT et le champ visuel est à rechercher systématiquement, bien que souvent imparfaite. L’analyse de l’OCT peut toutefois être limitée dans les stades avancés de la maladie, avec un effet plancher de la valeur du RNFL.
Dernières recommandations de l’EGS (European Glaucoma Society)
D’après l’intervention du Pr Schweitzer
Le Pr Schweitzer a présenté les dernières recommandations de la 5e édition de l’EGS avec de nombreux algorithmes de prise en charge. Ces recommandations insistent sur la nécessité de réaliser conjointement un OCT et un champ visuel dans le suivi, sur l’importance de la gonioscopie complétée, mais non remplacée, par l’imagerie de segment antérieur (OCT et UBM), ou encore sur l’opportunité de réaliser un laser SLT en première intention dans le glaucome primitif à angle ouvert. Les experts préconisent également d’éviter d’ajuster la pression intraoculaire (PIO) selon la pachymétrie devant l’absence d’abaques et rappellent que celle-ci n’est pas un facteur de risque indépendant de progression du glaucome, mais uniquement un facteur de risque de conversion en glaucome (selon l’étude OHTS) et un biais de mesure de la PIO.
Importance de la surface oculaire dans le glaucome
D’après l’intervention du Pr Labbé
Les experts ont ensuite fait une mise au point sur l’importance de la surface oculaire dans le glaucome dans plusieurs symposiums, notamment concernant la qualité de vie de nos patients. Les facteurs de risque d’altération de la surface oculaire sont nombreux avec l’âge, le nombre d’instillations de collyres, l’ancienneté ainsi que la sévérité du glaucome, la présence de conservateurs ou encore le niveau initial de la pression intraoculaire. Préserver la surface est primordial car étroitement lié à la qualité de vie, à l’observance des patients. Une altération de la surface augmente le risque de recours à une chirurgie et l’échec de celle-ci, a rappelé le Pr Labbé. Il faut donc identifier les patients à risque, privilégier les collyres sans conservateurs et les associations fixes, penser au laser SLT et traiter spécifiquement la surface.
Nouvelles molécules et voies d’administration
D’après l’intervention du Pr Denis
Parmi ces nouvelles molécules, le latanoprostène Bunod (Vyzulta®), un analogue des prostaglandines donneur d’acide nitrique dont le rôle est double sur les voies trabéculaire et uvéosclérale ; ou encore le nétarsudil, un inhibiteur non sélectif des Rho Kinase jouant sur l’élargissement des espaces trabéculaires et la dilatation des veines épisclérales. L’implant de bimatoprost SR (Sustained Release) Durysta® injecté en chambre antérieure est en cours d’évaluation avec des résultats prometteurs.
Démarche diagnostique devant un glaucome unilatéral
D’après l’intervention des Drs Koudsié et Rezkallah
Les Drs Koudsié et Rezkallah ont rappelé l’importance d’une anamnèse précise (antécédents de traumatisme, chirurgies oculaires, prise de corticoïdes), de la gonioscopie (signes de fermeture de l’angle ou de récession angulaire), de la recherche signes cliniques en faveur d’une étiologie secondaire (dispersion pigmentaire, pseudo-exfoliation capsulaire) ou encore de l’intérêt des examens complémentaires (Flare Meter pour une étiologie uvéitique, angio-IRM cérébro-orbitaire à la recherche d’une augmentation de pression veineuse épisclérale, ou encore microscopie spéculaire en faveur d’un syndrome irido-cornéo-endothélial).
Stratégies diagnostiques et thérapeutiques devant un glaucome chronique par fermeture de l’angle
Session dirigée par le Pr Sellem
La classification de Foster permet de classer le patient en stade I (Primitive Angle Closure Suspect : Schaffer ≤ 2 sur >180° sans synéchies antérieures périphériques, hypertonie intraoculaire ou signes fonctionnels de fermeture intermittente), stade II (Primitive Angle Closure : Schaffer ≤ 2 sur >180° avec un des signes précédemment cités mais sans atteinte du nerf optique) ou stade III (glaucome chronique par fermeture de l’angle). Le blocage pupillaire n’est pas le seul mécanisme de fermeture de l’angle et il est utile de compléter la gonioscopie dynamique avec l’imagerie multimodale : OCT de segment antérieur avec mesure de la flèche cristallinienne, UBM à la recherche d’une cause ciliaire ou rétrociliaire. La prise en charge thérapeutique a fait l’objet d’une controverse quant à la place de l’iridotomie périphérique, d’une phakoexérèse, l’intérêt débattu d’une iridoplastie ou encore de la place de la trabéculectomie combinée ou non à la chirurgie de cataracte.
Chirurgies du glaucome
La deuxième journée du congrès était consacrée auxchirurgies du glaucome. Les experts ont fait part de leur expérience chirurgicale, avec de nombreuses vidéos enrichissantes. La prise de décision chirurgicale est multifactorielle, prenant en compte le patient et son espérance de vie, la pression intraoculaire cible, la progression de la maladie ou encore la sévérité du champ visuel. Le risque de « Wipe Out » (perte du point de fixation) postopératoire est à prendre en compte, mais reste épisodique dans les études.